11 Demain aura lieu pour notre avenir un scrutin électoral majeur. Mais il aura lieu en Grèce, qui va désigner son nouveau Parlement. Rien ne dit qu’il pourra sortir une majorité favorable aux accords signés par les gouvernements précédents – et dans ce cas, tout sera possible. S’il n’y a pas de majorité stable le 6 mai, la Sommaire La vie politique et sociale au VIIIème siècle L’émigration et la colonisation VIIIème-VIème siècles Athènes archaïque Les crises des VIIème et VIème siècles L’évolution d’Athènes vers la démocratie les réformes de Solon Le pouvoir de Pisistrate et des Pisistratides La réforme de Clisthène La vie politique et sociale au VIIIème siècle. Si l’évolution politique et sociale des cités ne peut être suivie dans le détail faute de documents, et sans doute aussi à cause de l’inégalité de leur développement, accentuée par le repli, le morcellement qui caractérisent les premiers siècles, il reste possible sans conjectures trop aventurées, grâce aux poèmes d’Homère et surtout d’Hésiode, aux fragments des auteurs anciens, parfois aux fouilles archéologiques, d’esquisser le tableau de la situation au VIIIème siècle. La vie économique est primitive et uniquement agricole, ce qui favorise les grands propriétaires, les possesseurs de chevaux hippobotes qui s’assurent à la fois la richesse, la puissance politique, la maîtrise des champs de bataille et la connaissance des secrets religieux. Cette suprématie s’explique politiquement par l’effacement de la monarchie primitive au bénéfice de l’aristocratie foncière, qui élimine le roi ou le réduit à un rôle purement religieux cf. l’archonte-roi à Athènes, et domine un conseil d’une centaine de membres. Les petits possesseurs, les artisans ou démiourgoi, les salariés ou thètes, et les métayers, écrasés sous de lourdes contributions, éventuellement les esclaves publics, d’origine mal connue, hilotes laconiens, pénestes thessaliens, ne jouent aucun rôle politique et ne sauraient prétendre à rien sur le champ de bataille. Les institutions sont sommaires, les lois non écrites, la justice familiale. Au luxe des riches s’oppose la misère croissante des pauvres. C’est à cette époque qu’il faut situer la grande émigration grecque et la naissance du monde hellénique qui commençait à l’extrémité orientale de la mer noire et ne se terminait qu’aux colonnes d’Héraklès, aujourd’hui Gibraltar. L’Émigration du VIIIème au VIème siècle Ses causes Les Grecs vivaient à l’étroit sur un territoire aride et pierreux de plus, les invasions et les guerres civiles obligeaient les vaincus à trouver un refuge plus ou moins lointain. Les cités les plus colonisatrices sont les plus petites, les plus à l’étroit sur leur terre, comme Chalcis, Érétrie, Mégare. En revanche, Sparte, mieux pourvue, et accrue encore de la fertile Messénie, et Athènes, dans l’Attique relativement vaste et riche, ne sont pas à l’origine de la première colonisation. La première colonisation Elle dure de 775 à environ 675 av. J-C. Durant cette première colonisation, on rechercha de vastes terres, comme l’Italie du Sud, la Sicile, l’Afrique du Nord ou le Pont-Euxin. Leur vocation était agraire la seconde colonisation, elle, sera commerciale. En effet, les colonies étaient très dispersées. Les principales furent l’Italie du Sud, la Sicile, le Pont-Euxin actuelle Mer Noire. Les premières colonies, dominées par une aristocratie foncière, restent indépendantes de leur métropole ; ne demeure qu’un lien religieux. La seconde colonisation 675-500 avant J-C Très vite apparut la valeur commerciale de certains sites, comme le détroit de Messine, les îles Ioniennes, les côtes de Thrace, l’Hellespont aujourd’hui les Dardanelles ou le Bosphore, qui permettent de tenir les routes commerciales. L’oracle de Delphes orientait souvent les émigrants vers les localisations les plus avantageuses ; les métropoles, devenues des centres industriels et commerciaux, comme Chalcis, Érétrie, Mégare, Corinthe, ont une politique de développement par les colonies, tandis que de nouvelles métropoles envoient à leur tour des émigrants c’est le cas des cités d’Asie Mineure, comme Samos, Phocée et surtout Milet. Les principales colonies Les colonies d’Asie mineure une véritable Grèce asiatique, dont la partie la plus prospère s’appelait l’Ionie, avec des villes peuplées, riches d’une civilisation brillante, comme Éphèse ou Milet. Elles-mêmes devinrent très vite des métropoles, qui fondèrent leurs propres colonies. Les colonies du Pont-Euxin, qui s’échelonnaient sur les rives de la Crimée, de la Russie du Sud, de l’Asie mineure septentrionale. A l’entrée des détroits, Byzance tenait la clé du Bosphore et dominait la route du blé ; elle était destinée à un brillant avenir… Ces villes sont le domaine des Mégariens et surtout des Milésiens, qui fondèrent jusqu’à 80 villes et comptoirs. Mais l’on trouve des colonies tout au long de la côte Thrace, et en Chalcidique, dont le nom évoque l’origine il s’agit encore de la Chalcis d’Eubée. De leur côté, les habitants de Paros colonisèrent Thasos, et exploitèrent sur le continent les mines du mont Pangée. Plus à l’est, Abdère, Maroneia ou Ainos sont des colonies ioniennes. Les colonies d’Afrique deux surtout étaient importantes, celle de Naucratès fondée dans le delta du Nil, et Cyrène, dans l’actuelle Tripolitaine Libye, fondée par des Doriens. Mais la puissance égyptienne interdisait toute colonisation sur son territoire. Les colonies d’Europe En Sicile Syracuse, Agrigente 582. Les Eubéens fondèrent Rhégion, Catane, Léontinoi ; les Corinthiens, Syracuse ; les Mégariens, Sélinonte et Mégara Hyblaea ; les Rhodiens, Géla et Agrigente. En Italie du Sud, coloniée dès le début du VIIIème siècle, les Chalcidiens fondèrent Cumes ; un siècle plus tard, les Achéens fondèrent Sybaris et Crotone, elles- mêmes métropoles de Métaponte et Siris ; bientôt l’influence grecque pénétra si profondément ces deux régions, la Sicile et le Sud de l’Italie, qu’elles formèrent ce qu’on appela la Grande Grèce ». En Gaule méridionale, les Phocéens, originaires d’Ionie, fondèrent Massilia vers 600 ou peut-être s’installèrent-ils à l’emplacement d’un ancien comptoir phénicien. Le nom de Massilia est d’origine phénicienne. Puis les Grecs de Massilia colonisèrent à leur tour la Corse, la côte provençale Nice, Agde, Antibes, La Ciotat et catalane. Massilia fut un grand centre de commerce avec la Gaule, la Sicile et l’actuelle Angleterre. C’était un intense foyer de culture grecque, et ses écoles connurent une grande renommée. Son influence remonta par la vallée du Rhône, jusqu’au Glanum près de Saint-Rémy. Les résultats de la colonisation. L’hellénisme s’implanta donc, aux VIIème et VIIème siècles, sur la plupart des rivages de la Méditerranée. Plusieurs ensembles se constituèrent L’ensemble milésien sur la Mer Noire ; L’empire Massaliote c’est-à-dire Marseillais en Occident ; Le très brillant ensemble dit de la Grande Grèce ». Carte des colonies grecques et phéniciennes , aux environs de 550 av. Pour agrandir, cliquez sur l’image. Mais le mouvement s’arrêta de lui-même à la fin du VIème siècle les Étrusques et les Carthaginois à l’Ouest, les Perses à l’Est, ne tardèrent pas à y voir un danger pour leur propre hégémonie. Ces derniers surtout ruinèrent la puissance de Milet, et s’avancèrent vers le Danube et les Balkans. L’expansion grecque stoppa donc, pour ne reprendre qu’avec Alexandre le Grand, au IVème siècle. Le monde grec si vaste, si dispersé, jouissait d’une remarquable unité morale la communauté y était formée sur les liens du sang, ou ceux de la langue grecque, seule usitée et comprise dans les colonies, ainsi que sur les institutions panhelléniques jeux, religion. L’influence grecque commença à pénétrer le monde barbare, par le commerce des objets d’art, céramiques et armes surtout, que les colonies ne tardèrent pas à produire elles-mêmes. Des liens commerciaux se tissèrent, comme entre Marseille et Syracuse ; le commerce devint une activité principale, même dans les colonies originellement agricoles. Athènes à l’époque archaïque Les crises des VIIIème et VIIème siècles Lire La Constitution des Athéniens, d’Aristote. Organisation primitive d’Athènes Athènes est une cité aristocratique dirigée par une majorité de grands propriétaires nobles, les Eupatrides. Parmi eux se recrutaient les Archontes, qui dirigeaient l’État. Plus tard, sortis de ces charges, ils formaient l’Aréopage qui faisait observer les lois et rendait la justice. Mais les Eupatrides abusaient de leur pouvoir à l’égard des petites gens. Ceux-ci, victimes de mauvaises récoltes, empruntaient de l’argent qu’ils ne pouvaient rembourser ils devenaient esclaves de leurs créanciers. Athènes au VIIIème-VIIème siècles Au VIIIème siècle, Athènes semble avoir été florissante, bien qu’elle soit peu présente dans les sources dont nous disposons. Son art, en particulier la céramique orientalisante était très brillant ; le Maître du Dipylon maîtrisait le nouvel alphabet, comme en témoigne une cruche de cette époque. On a trouvé des bijoux dans des tombes féminines des IXème et VIIIème siècles… En revanche, au VIIème siècle, la céramique se raréfie et s’exporte peu. L’art attique semble plus médiocre que celui de ses grandes rivales, Corinthe ou Sparte. On peut donc en conclure qu’Athènes a subi une crise au cours du VIIème siècle. Cette crise ne semble pas être de nature économique Athènes exporte largement son huile dans toute la Méditerranée occidentale ; elle est plutôt d’ordre social les Eupatrides semblent avoir repris le pouvoir vers le milieu du VIIème, et la division de la société en deux groupes, les riches propriétaires d’un côté, et les paysans dépendants, de plus en plus pauvres de l’autre, a pu aboutir à une crise majeure à la fin du siècle, d’où l’appel à la médiation de Solon en 594. L’évolution d’Athènes vers la démocratie. La réforme de Solon C’est donc dans un contexte difficile pour Athènes qu’intervient Solon la cité vient de subir des défaites, contre Mégare elle y a perdu Salamine, peut-être aussi contre Mytilène. Ces oppositions d’intérêts risquaient d’engendrer une guerre civile. Elle fut évitée par Solon 594 av. J-C., un Eupatride, désireux de maintenir la paix dans la cité. Il fit de grandes réformes une réforme sociale qui abolit les dettes et l’esclavage pour dettes et supprime la condition d’hectémore ou paysans dépendants ; une réforme politique qui classait les citoyens d’après leurs revenus ou leurs richesses seuls les citoyens des trois premières classes pouvaient devenir Archontes, mais tous les citoyens pouvaient siéger à l’Ecclésia et faire partie du jury populaire. Ces quatre classes sont les pentacosiomédimnes, classe des plus riches, dont l’opulence était compensée par la lourdeur de leurs charges ; ils pouvaient récolter 500 médimnes de blé, soit environ 250 hectolitres. Les cavaliers, petits hobereaux récoltant de 300 à 500 médimnes 150 à 250 hectolitres ; Les zeugites, récoltant de 200 à 300 médimnes 100 à 150 hectolitres et possédant sans doute un attelage ; Les thètes, qui ne possèdent presque rien, et sont, du coup, exclus de presque tous les droits. Il établit aussi un conseil de 400 membres Βουλὴ, dont on a peut-être retrouvé le bâtiment, du premier quart du VIème siècle, à l’angle sud-ouest de l’agora. Une réforme judiciaire La liberté de tester chacun dispose de ses biens à son gré s’il n’a pas d’héritier mâle légitime. Le premier venu peut demander satisfaction pour un tiers offensé atteinte aux procédés de composition entre familles ; renforcement de l’autorité et de la compétence de la justice d’Etat. Création du tribunal de l’Héliée, jury tiré au sort dans la masse des citoyens, sans distinction de fortune ou de classe. L’Aréopage, déjà affaibli au VIIème siècle par la création des Ephètes, voit, par la naissance de l’Héliée son rôle amoindri. Il perd aussi le pouvoir de nommer les Archontes. Mais le détail de ces réformes reste incertain, et il faut souvent prendre avec prudence le texte d’Aristote Réforme des poids et mesures nous n’en avons aucune trace archéologique ; Interdiction d’exporter les produits agricoles, sauf l’huile d’olive mais on ignore si Athènes exportait autre chose que de l’huile à cette époque ; Octroi du droit de cité à des artisans étrangers mais rien ne montre leur présence, notamment dans le quartier des potiers. Du départ de Solon à la fin des Pisistratides 593-510 Lire La Constitution des Athéniens, d’Aristote. Le départ de Solon Solon avait tenté d’établir une médiation entre les deux classes » qui se déchiraient ; il réussit surtout à mécontenter l’une et l’autre ; à la fin de son archontat, il quitta Athènes. Les troubles reprirent alors, avec une première tentative de tyrannie, d’un certain Damasias qui voulut conserver l’archontat deux ans de suite, en 582 et 581. Le pouvoir de Pisistrate 561-527 Pisistrate était un membre de l’aristocratie, qui avait acquis une certaine renommée lors de la guerre contre Mégare ; il semble s’être emparé du pouvoir, à la faveur du mécontentement populaire, en s’emparant de l’Acropole. Il connut bien des difficultés d’abord il régna à partir de 561 jusqu’à une date inconnue, où il fut chassé et exilé ; il revint une première fois d’exil, reprit le pouvoir et fut chassé à nouveau, sans que nous puissions dater précisément ces événements. Enfin, il revint définitivement à Athènes en 546, et régna alors sans interruption jusqu’à sa mort, de maladie, en 527. Ce personnage paraît plutôt sympathique, débonnaire, et favorable au peuple. Les Pisistratides Hipparque 527-514 et Hippias 514-510. Son fils aîné Hipparque semble au début suivre le même chemin. Mais il est assassiné en 514, et son second fils Hippias, qui succède à son frère, passe pour avoir été un tyran au sens moderne du mot. Le règne des Pisistratides prit fin avec l’action des Tyrannoctones » action purement politique, ou simple fait divers ? quoi qu’il en soit, il en résultat deux faits – la création d’un véritable mythe athénien, celui des tueurs de tyrans », même si leur action, en durcissant le régime, fut plus catastrophique que positive ; – une horreur viscérale du pouvoir personnel, qui va expliquer bon nombre d’institutions athéniennes Le caractère collégial, et la durée très réduite de la plupart des magistratures L’obligation pour tout magistrat de rendre des comptes à sa sortie de charge L’invention de l’ostracisme. La tyrannie n’a rien d’une exception athénienne, bien au contraire on la retrouve à la même époque à Corinthe Périandre, à Milet Thrasybule, à Mytilène sur l’île de Lesbos Pittacos, contemporain de Sappho et d’Alcée, à Samos Polycrate. Ce sont les régions les plus développées de Grèce, où s’est installé le régime des cités, qui connaissent ces épisodes tyranniques, comme s’il s’agissait d’une maladie infantile de la démocratie, un avatar dans la constitution des Cités-États. Sparte, en revanche, qui disposait d’institutions originales, échappa à ce phénomène. Les réformes réalisées par les tyrans Arrivés au pouvoir lors d’une crise, les tyrans, et en particulier les Pisistratides feront en sorte d’apaiser les tensions et de stabiliser la société. Ils favorisent le commerce et l’artisanat ; Ils lancent une politique de grands travaux à Athènes, on leur prête la construction de temples. Ils tentent de retenir les paysans sur leurs terres sans doute pas, comme on l’a cru longtemps, en confisquant des terres ; mais en accordant des prêts à de petits paysans, et en créant des juges des dèmes » qui se déplaçaient à la campagne. Issus de l’aristocratie, ils luttent cependant contre elle, ou une partie d’entre elle, en s’appuyant sur le δῆμο ; les mesures prises ont sans doute été avantageuses pour une majorité des gens sinon la tyrannie n’aurait pas duré aussi longtemps – plus de 50 ans à Athènes, 73 ans à Corinthe, 100 ans à Sicyone ! Par ailleurs, l’aristocratie était divisée parmi les archontes du VIème siècle, on trouve des nobles que l’on croyait bannis par les Pisistratides… Cependant, le règne des tyrans a abouti à la destruction du prestige politique et moral de l’aristocratie. Ils ont également, pour cela, utilisé la religion, en apportant notamment un soutien fervent au culte populaire par excellence, celui de Dionysos. Les tyrans ont donc contribué à résoudre une crise profonde, entre l’aristocratie et le δῆμο ; mais une fois la crise résolue, leur pouvoir personnel a semblé trop lourd ; la plupart ont fini dans la violence. Ainsi, les Pisistratides ont été assassinés. L’évolution d’Athènes sous les Pisistratides La monnaie apparaît simultanément dans toute la Grèce ; à Athènes, les premières monnaies datent de l’époque de Pisistrate, et elles prennent une importance considérable sous Hippias on voit apparaître les tétradrachmes à l’effigie d’Athéna et de la chouette. Cette pièce d’argent valant 4 drachmes fut utilisée par les grecs de 600 av. JC à 200 ap. JC. L’usage de cette monnaie s’est étendu aux zones sous influence grecque, tels l’Iran et l’Inde jusqu’au VIème siècle. Souvent attribuée aux tyrans, l’invention de la monnaie symbolise leur pouvoir. Si la naissance de la pensée scientifique appartient à la période, elle se produit essentiellement à l’Ionie, et en Sicile, et non pas à Athènes. La Grèce connaît aussi une véritable révolution artistique. La statuaire voit apparaître les kouroi » et les korai » En architecture, les ordres ionien, dorien se mettent en place La céramique grecque voit d’abord le triomphe de Corinthe, mais très vite, vers 550, les artisans du Céramique donnent à Athènes la prééminence. Vers 530, l’invention des vases à figure rouge lui assurent une suprématie durable. Représentant souvent des épisodes mythologiques, ils contribuent à populariser les légendes antiques. Les réformes de Clisthène Clisthène 570- fin du VIème siècle Clisthène appartient à la grande famille des Alcméonides ; il est fils de Mégaclès, et petit-fils, par sa mère,du tyran de Sicyone. Il naît autour de 570 av. J-C. Il devient chef de famille vers 540, sous Pisistrate, lors de l’exil des Alcméonides. Revenu à Athènes, sans doute avant même la mort du tyran qui a lieu en 527, il devient archonte en 525-524 pendant le règne d’Hippias et Hipparque, les fils de Pisistrate. En 514, après l’expulsion des Alcméonides, il utilise son influence sur le sanctuaire de Delphes pour susciter l’intervention de Cléomène, roi de Sparte ; intervention qui aboutira au renversement d’Hippias en 510. En 508, il s’oppose désormais à Cléomène, et au protégé de celui-ci, Isagoras ; il choisit alors de faire entrer le dèmos δῆμο dans son hétairie » Aristote, Constitution des Athéniens. Les réformes de Clisthène Première division du peuple en 10 tribus chacune présentant 50 membres à la βουλή, qui en comptera désormais 500 ; Chacune de ces tribus comprend trois trittyes », l’une comportant des habitants de la plaine, l’autre du Pirée, la troisième de la ville, afin d’unifier ces trois régions de l’Attique, aux intérêts souvent divergents ; Aucune tribu ne correspond donc à une aire géographique, mais chacune constitue une image complète de la cité et représente les intérêts de tous les citoyens, quel que soit leur lieu d’origine. Enfin, la circonscription de base devient le dème δῆμο, qui constitue l’identité de chaque citoyen un Athénien est d’abord Untel, du dème de X, avant d’être le fils de son père, ou de sa famille une manière de limiter l’influence des grandes familles et des clientèles… Clisthène accompagne cette réorganisation géographique d’une réforme profonde des institutions, dont le détail nous échappe un peu ; mais l’on sait en revanche qu’il a mis en place la βουλή de 500 membres, en remplacement du conseil des 400 mis en place par Solon. En revanche, les anciennes institutions, telles que l’Aréopage et l’archontat, restent en place.
\n \n\ncirconscription de la grece antique 4 lettres
Ils’agit ici d’appréhender d’où nous pensons tenir le talent, de son émergence antique à son usage contemporain. Cette investigation pose les fondations occidentales de cette valeur monétaire historique devenue concept « valorisateur » de la personne. On peut s’étonner de devoir partir de la Grèce antique pour aborder la
Accueilmots croisésrecherche par définition Rechercher dans le dictionnaire Solutions pour les mots croisés et les mots fléchés Définition Lettre connue Utilisez la barre espace en remplacement d'une lettre non connue Solution pour la résolution de "il rejette toute autorité" Dictionnaire et définitions utilisés Définition 93 mots associés à il rejette toute autorité ont été trouvé. Lexique aucune lettre connue saisie Résultat 1 mots correspondants Définition et synonyme en 3 à 13 lettres ANAR4 lettresNom commun anar masculin singulier1. Adepte de l'anarchie, à savoir qui refuse l'autorité et les conventions rejette toute autoritéAdversaire de l'étatAnarchiste populaireSans dieu, ni maîtreLibertaireIl refuse son étatIl a un drapeau noirFauteur de troubleContre le pouvoir NIE3 lettresRejetteManque de reconnaissanceRéfute en blocRefuse de reconnaître la véritéRécuseNe veut pas reconnaître sa fauteNe tombe pas d'accordDécline une invitation à se mettre à tableContesteClame son innocence ETAT4 lettresAutorité souveraineConditionA ses affaires et ses secretsNationFaçon d'êtrePatron des fonctionnairesSon chef est le président MUTINS6 lettresQui sont en révolte contre l'autorité DEPENDS7 lettresRelèves d'une autorité DIOCESE7 lettresTerritoire religieux sous l'autorité d'un évêqueCirconscription d'un évêque DOMINER7 lettresTenir sous son autorité REBELLES8 lettresQui sont en révolte contre l'autorité ORTHODOXE9 lettresChrétien rejetant l'autorité du pape RECUSATION10 lettresRejet de l'autorité SEDITIEUSE10 lettresQui sont en révolte contre l'autorité PROTESTANT10 lettresNom commun protestant masculin singulier1. Religion Chrétien qui se réclame d'un des groupements issus de la Réforme du 16è siècle. Les protestants d' rejetant l'autorité du pape IMPATRONISER12 lettresS'établir avec autorité quelque part et s'y imposer en maître ERE3 lettresToute une époqueBon nombre de sièclesAccumulation de cyclesCourse de cyclesC'est une question de tempsCouvre parfois plusieurs sièclesUne période historiqueUne époque historiqueTranche de tempsTemps sans commune mesureDes siècles et des sièclesSes jours ne se comptent pasRéférence géologiquePoint de départ d'une chronologie particulièrePeut être primaire, secondaire ou tertiaireLongue période de vie sur terreLe temps du géologueGrande périodeElle ne manque pas de lustresDivision du temps passé ZEN3 lettresPrénom Zen FémininOn le reste en toute sérénitéécole religieuseSereinSecte bouddhiqueSans réaction au japonImpassibleécole bouddhisteCoolCalme VITE4 lettresToponyme Vite Inde villeAdverbe vite invariableà toute vapeurSans lambinerà plein gaz IDEAL5 lettresLe mari que toute femme rechercheOptimalLe rêve absolu DOREE5 lettresToute bronzéeRichement colorée USAGEE6 lettresPlus toute neuve OPIACE6 lettresToute substance semblable à l'opiumSoporifique et calmantMorphinique PEINTE6 lettresToute coloréeA pris des couleurs
Siteagréé par les Témoins de Jéhovah. Permet d’effectuer des recherches dans leurs publications. Nombreuses langues disponibles. BIBLIOTHÈQUE EN LIGNE Watchtower. Watchtower. BIBLIOTHÈQUE EN LIGNE. Français . BIBLE; PUBLICATIONS; RÉUNIONS; yb09 p. 142-255; Pays de l’ex-Yougoslavie Aucune vidéo n'est disponible pour cette sélection. Il y a Edward M. Harris, Democracy and the Rule of Law in Classical Athens, Cambridge, Cambridge University Press, 2006, XXXII-486 p. 1Le recueil de certains de ses propres articles publié ici par Edward M. Harris s’avérera certainement d’une grande utilité pour quiconque aura à traiter de l’histoire sociale ou judiciaire d’Athènes à l’époque classique. Après, notamment, un sommaire p. VII-VIII et une commode présentation du travail par l’A. lui-même p. XVII-XXXII, ce sont en tout 21 études qui sont regroupées en 4 rubriques. 2La première rubrique est intitulée Loi et histoire constitutionnelle ». On y trouve des études telles que Solon et l’esprit de la loi en Grèce archaïque et classique » p. 3-28 ; cf. J. Blok et A. Lardinois eds, Solon of Athens New Historical and Philological Approaches, Leyde, 2006, p. 290-320, L’éloge de la démocratie athénienne par Périclès » p. 29-39 ; cf. Harvard Studies in Classical Philology, 94, 1992, p. 57-67, Antigone le Législateur, ou les ambiguïtés du Nomos » p. 41-80 ; cf. E. M. Harris et L. Rubinstein eds, The Law and the Courts in Ancient Greece, Londres, 2004, p. 19-56, Selon quelle fréquence l’Assemblée athénienne se réunissait-elle ? » p. 81-101 ; Classical Quarterly, 36, 1986, p. 363-377, Quand l’Assemblée athénienne se réunissait-elle ? Quelques données nouvelles » p. 103-120 ; cf. American Journal of Philology, 112, 1991, p. 329-345, Démosthène et le fonds du théorique » p. 121-139 ; cf. R. Wallace et E. M. Harris eds, Transitions to Empire Essays in Greco-Roman History, 360-146 BC in Honor of E. Badian, Norman-Londres, 1996, p. 57-76. 3La deuxième section porte sur Loi et économie ». Y sont rassemblés des articles tels que Loi et économie dans l’Athènes classique [Démosthène], Contre Dionysodore » p. 143-162 ; cet article avait été originellement publié sur un site informatique, Quand une vente n’est-elle pas une vente ? Réexamen de l’énigme de la terminologie athénienne sur la garantie réelle » p. 163-206 ; cf. Classical Quarterly, 38, 1988, p. 351-381, Apotimèma la terminologie athénienne sur la garantie réelle dans les accords de baux et de dot » p. 207-239 ; cf. Classical Quarterly, 43, 1993, p. 73-95, La responsabilité des partenaires commerciaux dans la loi athénienne la dispute entre Lycon et Mégacleidès [Démosthène], 52, 20-1 » p. 241-247 ; cf. Classical Quarterly, 39, 1989, p. 339-343, Solon a-t-il aboli la servitude pour dette ? » p. 249-269 ; cf. Classical Quarterly, 52, 2002, p. 415-430, Notes sur une lettre de plomb provenant de l’agora d’Athènes » p. 271-279, paru depuis dans Harvard Studies in Classical Philology, 102, 2004, p. 157-170. 4La troisième division concerne La loi et la famille ». On y trouve des publications intitulées Les Athéniens considéraient-ils la séduction comme un crime pire que le viol ? » p. 283-295 ; cf. Classical Quarterly, 40, 1990, p. 370-377, Le viol existait-il dans l’Athènes classique ? Réflexions complémentaires sur les lois concernant la violence sexuelle » p. 297-332 ; cf. Dikè, 7, 2004, p. 41-83, Les femmes et le prêt dans la société athénienne réexamen d’un horos » p. 333-346 ; cf. Phoenix, 4, 1992, p. 309-321, Notes sur un horos provenant de l’agora d’Athènes » travail en collaboration avec Kenneth Tuite, p. 347-354 ; cf. Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik, 131, 2000, p. 101-105, La date du discours d’Apollodore contre Timothée et ses implications pour l’histoire athénienne et la procédure légale » p. 355-364 ; cf. American Journal of Philology, 109, 1988, p. 44-52, Une note sur l’adoption et l’enregistrement dans le dème » p. 365-370 ; cf. Tyche, 11, 1996, p. 123-127. 5La quatrième partie aborde des Aspects de procédure ». On y voit des travaux variés “En flagrant délit” ou “ayant sur soi les preuves de sa culpabilité” ? Apagogè aux Onze et furtum manifestum » p. 373-390 ; cf. G. Thür éd., Symposion 1993 Vorträge zur griechischen und hellenistischen Rechtsgeschichte, Cologne-Weimar- Vienne, 1994, p. 129-146, Comment tuer en grec attique les valeurs sémantiques du verbe 3ποκεBνειν et leurs implications pour la loi athénienne sur l’homicide » p. 391-404 ; cf. E. Cantarella et G. Thür éd., Symposion, 1997 Vorträge zur griechischen und hellenistischen Rechtsgeschichte, Cologne-Weimar-Vienne, 2001, p. 75-88, La sanction pour poursuite injustifiée dans la loi athénienne » p. 405-422 ; cf. Dikè, 2, 1999, p. 123-142. 6Le recueil s’achève, sous l’intitulé d’un envoi », par la reprise d’une note, Le législateur Phidippide une note sur Les Nuées d’Aristophane » p. 425-430 ; cf. Zeitschrift für Papyrologie und Epigraphik, 140, 2002, p. 3-5. 7Sous le titre de Réflexions ultérieures » Afterthoughts » , les différents articles font souvent l’objet de compléments bibliographiques, qui contribuent à accroître la valeur du volume indépendamment de quelques modifications de fond, ainsi dans l’article écrit avec K. Tuite. 8À la fin, une bibliographie des travaux cités p. 431-450 ; une liste des travaux de l’auteur figure p. 438-440 est suivie d’un index locorum p. 451-476 et d’un index général des sujets abordés noms propres et mots clés, p. 477-486. 9De façon générale, l’auteur a voulu examiner des dispositions légales athéniennes dans leur cadre politique, social et économique. 10La première rubrique met l’accent sur la régulation de la vie politique par la loi, et en particulier la prévention de la tyrannie ; y sont notamment soulignés la pleine compatibilité, aux yeux des Athéniens, entre la démocratie et le règne de la loi, le fait aussi que malgré M. H. Hansen l’expression ekklesia synkletos devait bien désigner une réunion exceptionnelle de l’assemblée en cas d’urgence, ou encore la possibilité de souligner la complémentarité et non l’opposition des politiques de Démosthène et d’Eubule à propos de l’usage des fonds du théorique. 11La deuxième section explique comment les Athéniens mirent en place une législation permettant le développement du crédit et, en conséquence, le développement d’une certaine économie de marché. L’auteur entend montrer que Solon a interdit l’asservissement pour dette mais pas la servitude temporaire d’un débiteur devant rembourser ses dettes par son travail ; considérant le texte porté par une plaque de plomb du IVe siècle trouvée à l’agora d’Athènes, l’auteur estime qu’elle atteste la misérable condition qui était alors celle des esclaves. 12La troisième division s’interroge sur l’action des femmes dans la société athénienne, la façon dont la violence à l’égard des femmes était considérée il est souligné que la sanction est fondée sur la nature de l’intention qui meut l’agresseur masculin et non sur la violence subie par la femme et aussi la manière dont les femmes pouvaient agir en matière économique en s’appuyant sur un consentement masculin. Considérant le discours d’Apollodore, alias le Pseudo-Démosthène, Contre Timothée, l’A. estime qu’il n’a pas été prononcé en 362-361, mais avant 366-365, alors même que Pasiclès, le frère d’Apollodore, que l’on voit intervenir comme témoin, n’avait pas 18 ans. 13Dans la quatrième partie, il est relevé que le verbe apokteinein tuer » est utilisé, en prose attique, pour désigner à la fois la préparation d’un assassinat et l’acte même de meurtre ; en conséquence, les actes perpétrés par le comploteur d’un assassinat et par un meurtrier relevaient de la même procédure. Une autre procédure la dikè bouleuseôs s’appliquait à ceux qui avaient fomenté un assassinat sans que celui-ci eût été effectué. Par ailleurs, l’A. met en question le point de vue selon lequel le système de lois athénien n’aurait pas visé à produire une norme positive mais plutôt à permettre aux citoyens – et en particulier aux plus aisés d’entre eux – de poursuivre leurs vengeances privées ; les plaignants auraient pu renoncer aux poursuites entreprises par eux, pourvu que le Trésor public ne fût pas privé du revenu d’une amende. 14Quant à l’ envoi », il souligne que la parodie de la terminologie législative effectuée par Aristophane doit montrer que leurs lois constituaient pleinement un bien commun des Athéniens en opposition, par exemple, à une appréciation de M. H. Hansen estimant, dans La démocratie athénienne à l’époque de Démosthène, Paris, 1993, p. 229, qu’ il devait être excessivement difficile pour l’Athénien moyen de se retrouver dans [le] maquis [des] procédures ». 15Un autre livre, complémentaire de celui-ci, est annoncé p. IX il portera sur la manière dont les Athéniens interprétaient et appliquaient la loi dans leurs cours judiciaires ce livre sera en principe intitulé The Rule of Law in Action The Nature of Litigation in Classical Athens. Le diptyque ainsi constitué ne pourra que constituer un précieux instrument de référence, et une base de bien des débats. 16Nicolas RICHER. Christopher J. Smith, The Roman Clan. The gens from Ancient Ideology to Modern Anthropology, Cambridge, Cambridge University Press, 2006, 393 p. 17Ce livre est une enquête fouillée sur le concept de gens. La 1re partie p. 12-165 fait le point des interprétations modernes du mot ; la seconde est une tentative de définition, anthropologique dans son approche, de la gens p. 169-346. L’ouvrage contient deux appendices l’un concerne les rapports entre curie romaine et religion d’après le témoignage de Denys d’Halicarnasse ; l’autre, des curies disparues. La bibliographie de 21 pages 363-383 contient 559 références, la plupart en anglais, de plus de 350 auteurs différents. On relève trois indices général, des noms antiques et des sources littéraires discutées. On peut considérer que le livre est, dans son entier, une historiographie à deux niveaux une historiographie moderne puis une historiographie des sources antiques elles-mêmes. 18La difficulté majeure de l’entreprise vient de l’absence de définition englobante de la gens les sources littéraires ne définissent pas le mot mais donnent des exemples de gentes particulières et décrivent leurs singularités extraordinaires ou fascinantes qu’elles mettent en relation avec des sacra. Jamais cependant il n’est possible de relier des familles aux dieux, à la mythologie ou aux origines de Rome de manière convaincante et assurée. Les sources antiques ne permettent pas de relier génériquement la gens à l’organisation originelle des cadres civiques de l’État romain. Elles ne décrivent pas la gens comme une entité politique mais il est clair que les gentes participaient à la vie politique. L’enquête passe donc par les lieux d’expression du terme gens, ceux où elle intervient l’armée et la terre, donc la relation de clientèle, parce que la terre donne le pouvoir, hiérarchise socialement les hommes, et que la possession de terres ou d’hommes donne le pouvoir de lever des troupes ; la religion. Ce faisant, à partir de l’époque républicaine, ce sont les questions de dynastie » dans la détention des sacerdoces et des magistratures qui apparaissent et doivent être analysées. D’où aussi une enquête qui essaie de décrypter l’un des sujets majeurs de l’historiographie antique – à savoir, la question de la lutte entre patriciens et plébéiens. Chez Cicéron, le terme est rarement utilisé en relation avec les plébéiens ; à lire Tite-Live, la notion de gens ne pouvait pas être appliquée aux plébéiens. Mais cela signifie-t-il autre chose que le fait qu’à son époque, consciemment ou non, le terme n’était guère en usage que pour les patriciens ? Cela signifie-t-il autre chose que l’idée et la représentation que se faisaient d’eux les patriciens à la fin de la République, période au cours de laquelle on sait qu’il y eut une tendance à la construction ou à la reconstruction de généalogies ? 19La première partie du livre passe en revue les interprétations modernes depuis la Renaissance de Carlo Sigonio, au milieu du XVIe siècle, aux historiens du XXe siècle – comme Arangio-Ruiz et Bonfante en passant par Vico, Niebuhr, Mommsen, Morgan, ce dernier d’une grande importance par son approche comparatiste et philologique, et M. Radin. Progressivement une ouverture ethnographique et anthropologique est apparue qui a permis d’envisager les sociétés antiques plus largement, en particulier dans le rapport entre famille et gens. Cette mise au point effectuée, C. J. Smith s’attache, dans la deuxième partie, non pas à définir la gens – ce qui, au terme de la lecture de l’ouvrage, se révèle impossible – mais à tenter d’approcher institutions, organes, circonstances – politiques, sociales, économiques, militaires – qui pourraient mettre en évidence l’idée de gens, ou révéler son existence. Car, dans les textes, le mot est associé à d’autres termes et réalités clients, plébéiens, curies, quirites, patriciens et patriciat, armée. Il confronte d’abord les sources et leurs interprétations à l’archéologie et aux structures onomastiques. L’archéologie n’a pas entièrement permis de retrouver la gens elle montre plutôt le développement rapide de centres urbains qu’une structure sociale qui dépendrait d’un groupe identifié et organisé. Finalement, la gens est une notion loin d’être évidente, contrairement à ce que les sources antiques pourraient laisser croire ; de l’Antiquité à nos jours, elle a pris une place de plus en plus grande alors que les sources littéraires antiques sont problématiques parce que la plupart sont de beaucoup postérieures aux temps qu’elles prétendent expliquer ; la référence au genos attique n’est pas prouvée et l’on ne peut pas établir de comparaison légitime et directe entre les deux concepts. Qualifier la société italienne de gentilice », c’est tirer une conclusion dangereuse en donnant plus de sens au mot qu’il n’en a. Au terme de cette série d’observations indirectes, C. J. Smith en vient Explaining the gens » à la gens et montre que, pour comprendre ce qu’elle est, il faut en passer par la compréhension de l’histoire du patriciat et non réfléchir en termes d’institution statique. Un arrière-plan institutionnel avec, au cours du temps, un affrontement entre une élite et ses opposants a sans doute rendu nos explications trop simplistes. Nous sommes tributaires notamment de Tite-Live qui a tenté de croire et de faire croire que les patriciens étaient organisés en gentes et que la relation entre les patriciens et les auspices n’était pas morte à la fin de la République. Or il est probable que l’histoire primitive du patriciat n’est pas celle d’un ordre aristocratique. Avant la République, c’est-à-dire avant que n’apparaisse la liste des magistrats de Rome, les patriciens sont invisibles ou silencieux dans les sources en tant qu’acteurs politiques. Ensuite, ils deviennent le groupe d’intérêt le plus puissant. 20La gens, en tant qu’institution, n’a probablement jamais existé. Elle dut être un principe d’organisation sociale, une aspiration, en particulier pour les anciens lignages plébéiens. Le sujet du livre est d’une grande complexité. La quantité accumulée des indices minutieux en fait la densité, mais le cheminement sinueux fait parfois oublier les buts de la démonstration. À force de détails et exposés des thèses des chercheurs modernes dans la première partie, on en finit par ne plus voir l’objectif et qu’il ne s’agit que d’analyses et d’interprétations autres que celles de Smith. La gens disparaît même parfois. Dans la deuxième partie, pendant des pages, il n’est plus question que du patriciat en tant que groupe. Dans l’index général, il est révélateur que tout ce qui tourne autour du mot gens ne renvoie qu’à 10 % des pages du livre, contre 20 % pour le patriciat, avec très peu de contacts entre les deux séries d’occurrences. Bref, s’il est riche, sa lecture en est ardue et des lecteurs qui n’ont pas une bonne maîtrise des sources de la période et de son historiographie s’y perdront. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas s’y plonger. 21Nicolas MATHIEU. Gérard Minaud, La comptabilité à Rome. Essai d’histoire économique sur la pensée comptable commerciale et privée dans le monde romain antique, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2005, 383 p. 22Cet ouvrage est issu d’une thèse de doctorat soutenue par l’A. en 2002. Il est préfacé par A. Tchernia. Son objet est de reconstituer les méthodes de la comptabilité romaine. Il s’agit de dresser l’inventaire des outils comptables des Romains, en désignant ceux qu’ils possédaient et ceux dont ils étaient dépourvus, volontairement ou non » p. 24. En étudiant quel usage les Romains font des moyens à leur disposition, l’auteur espère approcher ce qu’il appelle leur rationalité ». Il s’agit donc de partir des pratiques pour tenter une histoire des mentalités économiques. L’argumentation, si elle peut paraître parfois complexe, est originale et stimulante. Elle est servie par une présentation claire, proposant systématiquement textes latins et traductions. 23L’ouvrage s’ouvre sur le constat du manque de sources. Aucun livre de comptes n’est parvenu jusqu’à nous, ni aucun traité de comptabilité. Les archéologues ont bien mis au jour quelques ensembles de tablettes ou papyri, mais ces textes sont bien allusifs. À côté des témoignages souvent faussement précis d’un Cicéron ou d’un Pline le Jeune, seul subsiste le vocabulaire ces mots, dispersés dans les textes littéraires de toutes époques et de toutes natures, utilisés par les Romains lorsqu’ils parlent de la gestion de leur patrimoine. Mais les traducteurs peinent à trouver leur sens précis. Or, tant que ces termes techniques ne sont pas compris, les pratiques qu’ils recouvrent ne peuvent l’être. 24Pour briser ce cercle vicieux, G. Minaud propose une démarche comparative tenter de comprendre la comptabilité romaine à la lumière du système utilisé de nos jours. L’A. tire profit d’une histoire personnelle originale issu d’une école de commerce, il a été chef d’entreprise avant d’entreprendre des études d’histoire. Il est donc tout qualifié pour expérimenter une démarche dont la recherche actuelle souligne de plus en plus l’intérêt l’étude des sources anciennes à l’aide d’outils importés d’autres disciplines. Le danger d’une telle méthode pourrait être de plaquer sur les témoignages antiques des concepts artificiellement empruntés à la comptabilité moderne. Le grand intérêt de l’ouvrage est que l’auteur, loin de tomber dans ce travers, ne cesse de revenir à l’étude des sources antiques, qu’il cite et analyse abondamment. Sa connaissance de la comptabilité moderne est donc réellement mise au service de l’étude historique. Elle permet de proposer de nouvelles interprétations de certains textes, mais aussi de réviser ou préciser les traductions de nombreux termes latins. 25L’ouvrage se divise en deux parties la première tente de déterminer quels sont les outils comptables dont disposent les Romains ; la seconde, quels usages ils en font. 26La première partie regroupe 4 chapitres. Le premier propose une initiation aux principes de comptabilité. Le lecteur peu familier de cette discipline pourra trouver l’exercice austère, mais ses efforts sont indispensables pour comprendre la suite du raisonnement. Les chapitres suivants décrivent les outils comptables des Romains. Le paterfamilias tenait un compte au nom de chacun de ses correspondants, ce que l’on appelle aujourd’hui compte de tiers chap. 2. Centralisés et juridiquement reconnus chap. 3, ces comptes appliquent le principe de l’équilibre mécanique un débit pour un crédit, premier pas vers la comptabilité en partie double. Le vocabulaire est précis, les connaissances arithmétiques également, la numérotation en chiffres romains ne constituant nullement un handicap à la tenue de comptes efficaces chap. 4. L’auteur conclut que les Romains disposaient d’instruments dépassant les simples besoins d’une gestion domestique. Ils manipulaient différents documents comptables dont chacun remplissait une fonction bien précise les aduersaria enregistraient les opérations courantes, centralisées ensuite dans le codex accepti et expensi. 27La deuxième partie s’attache à déterminer quel usage les Romains faisaient de ce système complexe et précis. Il leur permettait d’apprécier les flux financiers chap. 5, ou l’accroissement d’un patrimoine entre deux périodes de référence chap. 6. Il servait également à maîtriser et contrôler les comptes chap. 7, mais rarement comme outil de prise de décision économique chap. 8. Le nœud de l’argumentation est que cet usage limité de la comptabilité romaine est intimement lié à la structure même de l’économie, marquée par l’esclavage. La valeur d’un esclave est trop fluctuante pour faire l’objet d’un traitement comptable sa fuite ou son décès réduisent de manière imprévisible le patrimoine de son propriétaire, qu’il peut, à l’inverse, augmenter, en se reproduisant ou en transmettant son savoir-faire. Les variations de valeur de cet outil de production si particulier sont impossibles à prévoir et formaliser dans des calculs d’amortissement évaluant la dépréciation d’un patrimoine. Or cette notion d’amortissement est centrale dans la comptabilité moderne, notamment pour le calcul du coût de revient, du profit, et les décisions d’investissement. C’est donc l’importance de l’esclavage qui explique l’usage spécifique que font les Romains de leur comptabilité, réduite à un rôle de mémorisation et de contrôle, mais rarement utilisée pour prendre des décisions économiques quel que soit son degré de précision, elle ne peut servir à évaluer la rentabilité d’un domaine dont le personnel servile est irréductible à une prise en compte purement comptable. 28La comparaison avec les pratiques modernes trouve ainsi sa limite, non dans un caractère primitif » de la comptabilité romaine, mais dans le fait qu’elle est, comme toute activité économique, très dépendante de la société dans laquelle elle s’inscrit. Ce raisonnement devrait séduire tant les historiens soucieux d’éclairer les mentalités économiques antiques que les gestionnaires curieux de mise en perspective historique de leurs méthodes. 29Laetitia GRASLIN-THOMé. Ezio Buchi dir., Storia del Trentino, II. L’Età romana, Bologne, Il Mulino, 2000, 645 p. avec illustrations. 30Ce gros ouvrage, publié sous la direction d’E. Buchi, professeur d’histoire romaine à l’Université de Vérone, correspond au deuxième volume de l’histoire du Trentin qui en comptera six ; il regroupe plusieurs contributions importantes sinon fondamentales pour l’histoire de cette région septentrionale de l’Italie. 31La première contribution signée de Stefania Pesavento Mattioli est consacrée à l’étude du réseau routier intégré, dans une vision plus globale de la circulation en Italie nord-orientale région X. Cette étude est complétée de cartes situant les stations citées dans les sources. 32La contribution suivante, que l’on doit à Ezio Buchi, est particulièrement importante, centrée sur la colonisation de la Cisalpine jusqu’à la déduction de la colonie de Tridentum. Reprenant toute l’histoire de la conquête depuis la déduction en 268 avant notre ère de la colonie latine d’Ariminum dans le territoire des Gaulois Sénons, l’auteur s’attache à retracer toute l’histoire de la conquête romaine victoire contre les Gaulois Boïens, déductions coloniales dans la plaine du Pô, construction de la via Flaminia, guerre contre Hannibal, déduction de la colonie latine d’Aquilée en 181, lutte contre les Cimbres et les Teutons et leur défaite en 101, pour en arriver à l’octroi du ius Latii aux communautés transpadanes, puis de la citoyenneté romaine sous César. Il s’intéresse ensuite au municipium de Tridentum et aux limites de son territoire. Il rappelle l’édit de Claude de 46 connu sous le nom de tabula Clesiana, qui fait référence à certaine pratique illégale de militaires usurpant la citoyenneté romaine, mais que Claude, afin d’éviter tout trouble, rendit légale par cet édit. Le passage au statut de colonie se situe entre 46 et 165-166, sans qu’il soit possible de préciser ; cependant, l’auteur pencherait pour une décision de Marc Aurèle. Enfin, un long discours est consacré à l’étude du culte impérial dont on relève les premières traces dès Auguste. 33La contribution d’Alfredo Buonopane est tout aussi importante, consacrée à la société, l’économie et la religion. Si les sources épigraphiques sont peu abondantes concernant les magistrats, elles sont beaucoup plus nombreuses concernant les militaires ; les habitants du Trentin semblent avoir eu une propension certaine pour la carrière militaire. Le chapitre consacré à l’économie est particulièrement intéressant et révèle une très grande variété d’activités agriculture intensive dans les vallées, de subsistance en hauteur et pastoralisme, culture de la vigne, exploitation de la forêt présentant une grande diversité d’espèces selon l’altitude, recours à la chasse et à la pêche, élevage diversifié ovins, porcins, bovins, chevaux, extraction et travail de la pierre, travail du bois, production textile, travail des métaux et du verre, production de céramique, de matériaux de construction, d’amphores... De ce panorama, il ressort une très grande vitalité économique se traduisant par des échanges diversifiés avec l’Afrique, l’Égée et le Proche-Orient. Dans toute la région, on observe un grand dynamisme économique. Les connaissances sur la religion reposent sur les sources épigraphiques et les trouvailles archéologiques divinités indigènes romanisées ou assimilées, cultes salutaires, égyptiens et orientaux, cultes italiques et romains... ensemble d’une grande variété. 34À l’étude des trouvailles monétaires, qu’elles soient erratiques ou en dépôts, s’est attaché Giovanni Gorini. 35Gianni Ciurletti dresse un inventaire des trouvailles archéologiques de la ville de Trente en s’intéressant plus particulièrement au schéma urbain enceinte, voirie, égouts, constructions publiques et privées, découvertes extra-urbaines, avec notamment l’amphithéâtre et les cimetières. En complément, Elisabetta Baggio Bernardoni présente une étude de la porte Veronensis, l’unique porte de l’enceinte identifiée, à l’extrémité méridionale du cardo maximus. 36Enrico Cavada s’est intéressé au territoire, à son peuplement, aux habitats et aux nécropoles. La documentation archéologique est particulièrement importante depuis le XIXe siècle. L’A. divise son étude en secteurs géographiques qui semblent tous avoir leurs caractéristiques propres. Ainsi, dans le Trentin méridional, on relève la présence de praedia et de villas rustiques ; dans le secteur de l’Adige central, la présence d’entreprises agraires ; dans les vallées internes, on retrouve des agglomérations de type vicus, pagus et des activités liées à la forêt et au pastoralisme ; le territoire du Trentin oriental et Feltre, tournés vers le bassin du Brenta, ne semblent pas avoir connu une occupation intensive et apparaissent plutôt comme zone de passage. 37Gianfranco Paci centre son enquête sur le secteur sud-ouest du Trentin l’alto Garda e le Giudicarie » , davantage tourné vers Brixia et la plaine padane ; il nous en donne une histoire politico-administrative et une analyse de la société et de l’économie. 38Enfin, Iginio Rogger s’interroge sur les débuts chrétiens de la région ; il insiste sur le retard de la christianisation de la région par rapport à l’espace méditerranéen. Peu de sources écrites sur les origines demeurent, si ce n’est une série de documents relatifs à l’évêque Vigile de la fin du IVe siècle, à qui fut dédié un culte au VIe siècle. 39L’ouvrage se termine sur une importante bibliographie et sur des indices de noms de personnes, de lieux, et de choses remarquables, que l’on doit à Anna Zamparini. 40Ce livre consacré à l’époque romaine du Trentin est remarquable par la qualité des articles réunis, qui constituent une somme des connaissances de cette région, si importante par son dynamisme économique et pour les relations commerciales entre l’Italie et les régions septentrionales. 41Christiane DELPLACE. Anouar Louca, L’autre Égypte, de Bonaparte à Taha Hussein, Le Caire, IFAO, Cahier des Annales islamologiques, 26, 2006, 223 p., 14 ill., index. 42Cet ouvrage est un recueil de 15 articles I à XV, dont trois inédits, écrits par le regretté Anouar Louca 1927-2003. C’est, en quelque sorte, un ultime hommage rendu à ce chercheur égyptien, ami de la France et d’expérience internationale. Il avait été déjà honoré de son vivant dans une publication de l’IFPO J. Dichy, H. Hamzé éd., Le voyage et la langue. Mélanges en l’honneur d’Anouar Louca et d’André Roman colloque de Lyon II, 28-29 mars 1997, 2004. Au fur et à mesure de la lecture, on perçoit une quête des liens subtils noués entre culture française et culture égyptienne, depuis l’événement fondateur de l’expédition de Bonaparte dans la vallée du Nil. La construction de l’ensemble suit la chronologie, armature des faits », tout en tissant finement la trame des échanges. De plus, la parfaite maîtrise des deux langues et des deux cultures permet d’analyser le dialogue d’une rive à l’autre et de mettre au jour la chaîne des interlocuteurs. En contrepoint des figures bien connues de Bonaparte, de Jomard, de Champollion, des saint-simoniens et de J. Berque, on découvre des intermédiaires culturels » moins connus ; ainsi, Moallem Yacoub 1745-1801, l’intendant copte du général Desaix, est réhabilité d’une accusation de collaboration avec la France par son projet d’indépendance de l’Égypte II. D’Edmée François Jomard, jeune géographe de l’Expédition, maître d’œuvre infatigable de la Description de l’Égypte, on connaît moins les projets pédagogiques soumis à Méhémet Ali. Ainsi va naître l’École égyptienne de Paris 1826-1835, boursiers musulmans et chrétiens dont la formation est à dominante scientifique et technique I ; on peut aussi lire sur la diversité de leurs origines l’article de Jomard, Les étudiants arméniens dans la première mission égyptienne à Paris envoyée par Méhémet Ali en 1826 », dans Nouveau Journal asiatique, 1828, II, p. 16-116. Ils sont accompagnés de leur guide spirituel, le remarquable imam éclairé Rifaca al-Tahtawi 1801-1873 dont les œuvres complètes ont été traduites par A. Louca et dont la figure est récurrente dans plusieurs articles I, p. 9-15 ; IX ; X, p. 142-145 ; XV, p. 192-193 ; on signalera, en complément, l’édition récente du journal de l’imam, L’Or de Paris, traduite par notre auteur et publiée aux Éditions Sindbad en 1988. Al-Tahtawi reste encore une des meilleures références d’ouverture au monde moderne et d’islam des Lumières, si l’on en juge par des parutions récentes comme l’ouvrage de Guy Sorman, Les enfants de Rifaa musulmans et modernes, Paris, Le Livre de poche, 2005. 43À cette glorieuse pépinière de cadres pour l’Égypte des Khédives, une autre série d’articles oppose la malheureuse communauté des réfugiés de Marseille IV, en particulier les mamelouks » V dont la silhouette pittoresque a inspiré l’orientalisme romantique dans sa double tradition littéraire, mais surtout picturale III. Exotisme meurtrier, VI. Clandestins du romantisme. Quelques figures peu connues d’hommes de lettres et surtout de linguistes le poète Joseph Agoub, les interprètes Ellious Bocthor, Michel Sabbagh, le Suisse Jean Humbert nous introduisent dans l’univers de Champollion VII-VIII, sous le signe du déchiffrement des hiéroglyphes 1822. Une enquête dans les archives porte sur le mystérieux prêtre copte dont le Père de l’égyptologie suivait les offices à l’église Saint-Roch et les conseils le nom est correctement restitué comme Hanna Chiftigi, et non Cheftidchy H. Hartleben, 1906 ou Shephtichi A. Faure, 2004 ; une biographie lacunaire » p. 97-98 peut, ainsi, être proposée. 44Passant sur la rive égyptienne, le Pr Louca s’intéresse aux saint-simoniens X dont le projet initial est de creuser l’isthme de Suez. Il nous présente, ce qui est moins connu, leurs interlocuteurs égyptiens les ministres turcs Edhem Pacha et Mustafa Mukhtar Instruction publique ainsi que trois ingénieurs de l’École égyptienne de Paris, Mahzar ministre des Travaux publics, Baghat et Bayyumi, animateur de l’École polytechnique du Caire et ses disciples. À côté des réserves au sujet d’Enfantin, il est fait grand cas de l’exemplaire Charles Lambert ». L’article suivant XI est consacré au fellah suisse », l’agronome socialisant John Ninet dont Louca a publié les Lettres d’Égypte 1871-1882, CNRS, 1979, et qui est l’auteur du premier Manifeste du Parti national égyptien en novembre 1879. 45La deuxième grande figure de l’islam éclairé, au XXe siècle, cette fois, est la grande figure de Taha Hussein dont l’extraordinaire carrière et le portrait sont esquissés dans deux conférences sans notes Un enfant aveugle devient le guide d’une nation » XII et l’inclassable Taha Hussein » XIII, mais il manque peut-être une bibliographie de son œuvre en annexe. Suit un hommage au maître et ami, Jacques Berque XIV ; en écho, un autre savant, auteur du livre de référence sur l’Expédition d’Égypte 1989, Henry Laurens, a dédié son livre Orientales I. Autour de l’expédition d’Égypte, CNRS, 2004, à la mémoire d’Anouar Louca, ce maître de plusieurs générations d’historiens de l’Égypte au XIXe siècle et le véritable rénovateur de l’histoire de l’expédition d’Égypte et des relations entre la France et l’Égypte ». L’autre Égypte se termine en boucle sur une réflexion utile d’historien, face aux controverses qui ont suivi le bicentenaire de l’expédition d’Égypte, Repenser l’expédition de Bonaparte » XV, où il souligne que le binarisme colonisateur/colonisé occulte, rétrospectivement, la complexité du contexte » et le salut d’un autre chercheur, spécialisé dans l’étude de cette période, Patrice Bret. L’expédition militaire est, aussi, une exploration », source d’horizons partagés. La vie et l’œuvre d’Anouar Louca en sont une parfaite illustration. 46Marie-Christine BUDISCHOVSKY. Paul Freedman, Bourin Monique eds, Forms of Servitude in Northern and Central Europe. Decline, Resistance and Expansion, Turnhout, Brepols, 449 p., coll. Medieval Texts and Cultures of Northern Europe », 2005. 47Cet ouvrage constitue les actes du colloque sur le nouveau servage en Europe médiane qui s’est tenu en février 2003 à Göttingen sous la direction des deux éditeurs ainsi que celles de Ludolf Kuchenbuch et Pierre Monnet, avec l’appui du Max-Planck-Institut. Il s’agissait d’étendre à l’Europe centrale et septentrionale une analyse du phénomène dans l’espace méditerranéen qui avait été abordée à Rome en 1999. Les communications présentées à cette occasion traitent de la question entre le XIIIe et le XVIe siècle, mis à part un article de Michel Parisse qui pose la question de façon générale depuis le haut Moyen Âge et une contribution de Heide Wunder qui pousse la problématique jusqu’au XVIIIe siècle à partir d’un exemple pris dans la Hesse. 48L’ouvrage commence par une longue introduction des deux éditeurs qui font le point sur l’historiographie et se demandent s’il y a lieu d’introduire un nouveau ou un second servage qui naîtrait sous la pression du pouvoir nobiliaire ou sous la contrainte de la crise des XIVe et XVe siècles. Les A. s’attachent à une gageure, donner une tentative de définition commune des traits du servage sans pour autant la diluer dans un cadre purement formel géographique et chronologique, en mettant en avant l’existence de serfs, hommes de corps ou dépendants dans la terminologie, qui renvoie à une double perception ; d’une part, l’existence d’une catégorie pensée ou perçue par les seigneurs et sur laquelle ils exercent leurs droits ; d’autre part, la conscience, qu’en ont les intéressés eux-mêmes, des formes de la macule qui se traduit par des signes visibles comme la mainmorte ou le formariage qui ne sont pas vécus de gaieté de cœur. L’enquête débouche ensuite sur une série d’études régionales, avec des contributions sur la France 3 Vincent Corriol pour le Jura, Ghislain Brunel en Laonnois, Denise Angers en Normandie, sur l’espace germanophone 7 Julien Demade et Joseph Morsel pour la Franconie, Tom Scott aux confins sud-ouest du monde germanique, Kurt Andermann en Pays de Bade, Roger Sablonier en terre helvétique, Heide Wunder en Hesse, Werner Rösener en Allemagne méridionale, Heinz Dopsch dans les Alpes autrichiennes, le Danemark 2 avec Michael H. Gelting pour le XIIIe siècle et Jeppe Büchert Netterstrøm pour les XVe-XVIe, avant de se conclure par un article sur la Hongrie J. M. Bak, un autre sur la Pologne Marian Dygo et un dernier sur l’Angleterre Christopher Dyer. Par contre, la complexité de la question, la dispersion géographique et temporelle des contributions n’a pas permis de synthèse et l’ouvrage n’offre pas de conclusion, ce qu’on peut regretter, car, s’il est évidemment impossible de tirer toutes les conséquences à chaud », lors des prestations orales, on peut espérer le faire à tête reposée pour l’édition ; seulement la multitude des champs d’observation rendait ici l’exercice aléatoire et explique la longue introduction problématique qui est d’autant plus précieuse. 49Il est hors de question de rendre compte de la teneur des propos de chaque article dans un compte rendu qui doit être bref et c’est d’ailleurs inutile, tant il est vrai que transparaissent à travers les démonstrations des divers auteurs quelques thèmes récurrents qui soulignent les lignes de force de toute réflexion actuelle sur la question du servage. Pour faire court, disons que trois domaines sont à privilégier. D’abord, la question de l’origine et de l’évolution de ce servage, dont on peut faire un héritage des époques antérieures ou, au contraire, une nouveauté qualifiée de second servage ; ensuite, l’étude des formes infiniment variées de la dépendance qui sont loin de se laisser réduire à un modèle unique et se définissent toujours par rapport à l’exigence seigneuriale ; enfin, la réaction des populations soumises à ces contraintes, qui oscillent entre contestation sourde, tentatives d’échapper à la marque du mépris social par le rachat, et rejet violent comme à l’occasion de la guerre des paysans qui a tant marqué dans le monde germanique. 50Sur le premier point, les divers auteurs semblent plutôt considérer que le servage a toujours existé, même si parfois la nature des documents a pu l’occulter, mais que la forme de cette servitude a pu fort bien évoluer en un statut souvent moins contraignant que la servitude féodale ou domaniale qui sont elles aussi, et il est bon de s’en souvenir, des catégories formelles de l’historien plus que des cadres intangibles. La servitude connaît des variations infinies avec des pulsations tantôt vers une certaine forme de liberté relative cas le plus général, tantôt vers une contrainte nouvelle par exemple dans la Pologne du XVe siècle, et il est bien délicat de théoriser ce qui est par contre une coutume socio-économique bien ancrée, celle d’un prélèvement sur un monde paysan par une élite seigneuriale qui se poursuit à l’époque moderne. 51En second lieu, ces articles attirent attention sur l’extraordinaire émiettement des statuts qui est une constante de ce monde ; qu’on soit Eigenleute, Leibeigene, homme de corps, servus, villein, bondsman, on est toujours soumis à des obligations, qui, si elles paraissent fixes a priori, peuvent toujours évoluer dans des enjeux de pouvoirs, des conflits, des processus de négociations plus ou moins feutrés ou carrément violents. Mais, quelle que soit l’évolution, le seigneur percepteur ne renonce pas facilement à sa quote-part, peut-être parce qu’elle est rentable, encore qu’une estimation tardive XVIIIe siècle en Pays de Bade montre des réserves, mais aussi parce qu’elle est un marqueur de la contrainte qui traduit la supériorité sociale de celui qui l’impose. 52Dans un troisième temps, il faut aussi retrouver les manifestations usuelles de cette servitude qui s’appuie sur le trio académique du chevage, de la mainmorte et du formariage, mais se concentre de plus en plus souvent sur la perception d’une rente monétaire, sauf en Pologne encore une fois, accordant plus d’intérêt aux prélèvements exceptionnels sur les noces ou l’héritage, occasions plus rémunératrices que la perception d’usage d’un cens rapidement recognitif pour peu que les monnaies varient. Ces contraintes sont aussi vécues de façon ambiguë par ceux qui y sont soumis, apparemment plus vite et plus souvent débarrassés du chevage que des taxes d’héritage ou des contraintes limitant les mariages extérieurs. Pour faire sauter ce qui est parfois ressenti comme un verrou, on connaît des affranchissements collectifs, notamment dans le cas de serfs dépendant d’une ville, mais c’est loin d’être le cas dominant, car, à moins d’y être poussé par la nécessité économique, le maître y est rarement favorable et préfère la remise d’une liberté individuelle et d’ailleurs rarement plénière, l’ex-dépendant restant souvent enserré dans un réseau d’obligations envers son seigneur. 53Au total, cet ouvrage très riche souffre de l’impossibilité d’une synthèse générale de la question d’autant moins évidente qu’il englobe largement le début des Temps modernes en Europe centrale, mais il est d’un apport précieux pour la connaissance de la servitude ou du servage – les mots eux-mêmes sont des pièges –, notamment dans l’espace de l’empire. L’existence du phénomène est ainsi envisagée dans une longue période et le chercheur à l’affût de précisions plus ciblées trouvera son bonheur dans les contributions plus particulièrement consacrées aux temps ou aux contrées où il a choisi d’exercer sa sagacité. 54Olivier BRUAND. Massimo Vallerani, La giustizia pubblica medievale, Bologne, Il Mulino, coll. Ricerca », 2005, 304 p. 55Le livre que signe ici M. Vallerani représente le bilan d’une quinzaine d’années de recherches consacrées à l’histoire du droit et de la procédure, initiées par la publication de son ouvrage sur le fonctionnement de la justice à Pérouse Il sistema giudiziario del comune di Perugia conflitti, reati e processi nella seconda metà del XIII secolo, Pérouse, 1991. Dans cet essai composé de six chapitres pour la plupart repris de précédents articles, il propose une réflexion sur l’évolution des systèmes judiciaires au sein du monde communal italien, s’attachant plus particulièrement à la question complexe des rapports entre procédures accusatoire et inquisitoire. Pour le Moyen Âge, cette évolution fut marquée par des jalons importants le concile de Latran IV, le Tractatus de Maleficiis d’Alberto Gandino, les grands procès politiques du début du XIVe siècle, comme ceux de Boniface VIII ou des Templiers. L’A. pose comme postulat que les modèles procéduraux sont intimement liés aux diverses phases d’évolution du pouvoir politique et il souligne à quel point les communes italiennes médiévales constituent en ce sens un cadre d’étude particulièrement riche en matière de pratiques judiciaires. La documentation mobilisée pour cette enquête est vaste, constituée principalement de la production théorique des juristes médiévaux, des statuts communaux, des consilia et bien, entendu, des registres judiciaires des différents tribunaux. 56Dans un premier chapitre de synthèse inédit Procedura e giustizia nelle città italiane del basso medioevo, il met l’accent sur un processus culturel majeur du XIIe siècle la diffusion des ordines iudiciarii, c’est-à-dire des manuels de procédure, dont la fonction est notamment d’établir une définition rigoureuse de l’organisation du procès. Tous ces ordines mettent en avant le fait que le procès, le jugement sont l’expression de la potestas publique ; à travers cette volonté de maîtrise des instruments de pacification de la part des premiers gouvernements consulaires et podestataux, c’est bien la pax qui est en jeu, c’est-à-dire la constitution de la communauté comme délimitation d’un espace pacifié ». Après avoir dressé ce tableau évolutif général, faisant également une grande place à l’œuvre d’Alberto Gandino, l’A. poursuit par une réflexion sur la procédure Come pensano le procedure. I fatti e il processo. Partant d’une définition du procès comme système de connaissance des faits qui doivent être définis et prouvés », il insiste sur la complexité de cette notion de fait, qui devient particulièrement sensible à partir du XIIe siècle et de la redécouverte du droit romain. Il s’attache à montrer les différences entre l’organisation triadique du système accusatoire accusateur, accusé et juge, modèle dans lequel la reconstruction du fait échoit aux parties, et le modèle inquisitoire qui suit une logique opposée, et dans lequel le juge peut recourir à tous les types de preuves qu’il jugera utiles. Dans ce dernier modèle, la fama joue alors un rôle moteur comme agent denunciante. Tout le chapitre s’attache donc à cerner ces différences de fond autour du déclenchement du procès, de la reconstruction du fait, de l’établissement de la preuve, et de l’émergence de la vérité. Une fois les bases théoriques et techniques posées, M. Vallerani analyse l’application de ces modèles procéduraux à l’échelle de deux villes dont il a dépouillé les registres judiciaires Bologne et Pérouse. Il commence dans un troisième chapitre par l’étude du système accusatoire à Bologne Il sistema accusatorio in azione Bologna tra XIIIe XIV secolo, réalisant un examen détaillé de son application par le tribunal du Podestat. Ses dépouillements prouvent la très grande diffusion du procès accusatoire – environ 1 300-1 400 procès par an dans les années 1286-1291 et jusqu’à 3 118 au cours de l’année 1294, et montrent la très nette prépondérance de l’absolution comme issue des procès 83 % des issues en moyenne, devant les condamnations et exclusions. Il poursuit par l’étude de la valeur et de la fonction des actes de paix auprès des tribunaux communaux Pace e processo nel sistema giudiziario. L’esempio di Perugia, insistant sur l’importance de la concordia dans la société communale et sur l’impact des accords privés » sur la justice publique, et rejette ainsi l’idée trop longtemps véhiculée selon lui que l’acceptation de la paix soit le signe d’une faiblesse des systèmes judiciaires médiévaux. Dans le cinquième chapitre Come si costruisce l’inquisizione arbitrium » e potere a Perugia sont mis en avant les développements, les adaptations et les déformations de la procédure ex officio à Pérouse dans la seconde moitié du XIIIe siècle la procédure inquisitoire s’y construit en effet au gré des conflits doctrinaux et des décisions politiques. Enfin, dans une ultime partie Il processo inquisitorio nella lotta politica a Bologna fra Due e Trecento, il donne un autre exemple d’évolution de la procédure inquisitoire et revient sur le cas de Bologne à une époque de fortes tensions politiques, le début du XIVe siècle, où l’on observe une intervention très forte des organes de gouvernement sur le cours de la justice et une tendance de plus en plus marquée à régir l’arbitrium du podestat ; autant de tensions qui eurent des conséquences sur le déroulement même des procès. 57L’ouvrage de M. Vallerani, qui se concentre donc à la fois sur les cadres théoriques d’élaboration de ces procédures et sur leur mise à l’épreuve dans le contexte urbain italien, met en définitive bien en lumière le fait que cette construction, loin d’être linéaire, est une opération complexe, polyphonique, très tourmentée » ; et l’histoire du passage de l’accusatoire à l’inquisitoire, rappelle l’A., ne peut être appréhendée que sur une période très longue, qui dépasse largement le cadre du Moyen Âge. 58Sylvain PARENT. Jean de Roquetaillade, Liber ostensor quod adesse festinant tempora, édition critique sous la direction d’André Vauchez, par Clémence Thévenaz-Modestin et Christine Morerod-Fattebert, Rome, École française de Rome Sources et documents d’histoire du Moyen Âge », 8, 2005, XIII-1 041 p. 59À quoi servent les prophètes ? Le titre même du grand livre du Franciscain Jean de Roquetaillade, le Liber ostensor quod adesse festinant tempora, rédigé en quelques mois dans une prison d’Avignon, entre le 20 mai et le 1er septembre 1356, semble fournir la réponse. Le Livre révélateur », c’est celui qui dit ce qui est caché, ce qui doit être livré à l’interprétation – celui qui annonce les temps futurs, et l’approche de la fin des temps. Figure étrange et singulière, Jean de Roquetaillade, pourtant, ne se considérait pas comme un prophète, mais plutôt comme un visionnaire, transporté sur les rivages de Chine pour y rencontrer l’Antéchrist enfant, ou visité dans son cachot par la Vierge Marie. Ses contemporains, qu’il inquiétait, le tenaient, quant à eux, plutôt pour un fantasticus, un homme se prétendant certes inspiré par Dieu, mais sans que la part de l’inspiration authentique et celle de l’imagination ne soient clairement établies. L’itinéraire biographique de Jean de Roquetaillade n’est guère banal. Après avoir étudié à Toulouse, il entre dans l’ordre des frères mineurs, en 1332, à Aurillac. Dans les années 1340, ses visions, ses propos dénonçant les vices du clergé, potentiellement subversifs, lui valent d’être incarcéré. Pendant une vingtaine d’années, jusqu’à sa mort ou presque – survenue entre 1365 et 1370, – il est transféré de prison en prison et connaît, à ses propres dires, des conditions de détention extrêmement pénibles. À l’été 1349, Jean se trouve à Avignon, enfermé dans la prison du Soudan. Suspect, il est lavé de l’accusation d’hérésie – il a toujours proclamé son orthodoxie. Il reste néanmoins assigné à résidence à la curie pontificale. La réputation de ce prisonnier peu ordinaire est colportée à travers l’Europe, comme en témoignent les chroniqueurs nombreux sont ceux qui lui consacrent quelques mots, ou parfois tout un développement ainsi Jean de Venette, Jean le Bel ou Froissart. Réputation pour partie posthume cependant Jean de Roquetaillade passait pour avoir annoncé, outre la défaite de Jean le Bon à Poitiers en 1356, l’ouverture du Grand Schisme en 1378, punition d’une Église corrompue annoncée par l’effondrement du pont d’Avignon en 1345. Au fond de sa prison, Jean dispose de matériel d’écriture, se fait prêter des livres, reçoit des visites. Dans un contexte avignonnais marqué par les intrigues et le jeu des factions, les cardinaux n’hésitent pas à le consulter – le Liber ostensor est dédié au cardinal Élie Talleyrand de Périgord, protecteur des Franciscains. C’est ainsi que l’on a pu décrire Jean de Roquetaillade en prophète de cour », sous surveillance, mais en un lieu où s’affirmaient stratégies, clivages et conflits au plus haut niveau, et où convergeaient les informations venues de toute la chrétienté. Le paradoxe d’une privation de liberté couplée à une connaissance du siècle hors du commun trouve à s’exprimer dans une production écrite abondante, répétitive, et pour partie disparue, au sein de laquelle le Liber ostensor apparaît comme l’ un des derniers chefs-d’œuvre de la prose latine médiévale », selon les mots d’André Vauchez. L’édition qui paraît aujourd’hui sous la direction de ce dernier est le fruit d’un long travail associant une vingtaine de collaborateurs et s’inscrivant dans la filiation des recherches de Jeanne Bignami-Odier. Le texte lui-même p. 105-855 est encadré par des notes et des commentaires abondants sur la vie et l’œuvre de Jean de Roquetaillade, sur le Liber ostensor lui-même, sur les sources prophétiques utilisées, ainsi que par une longue analyse p. 63-97 et un triple index autant de clefs d’entrée dans une œuvre complexe. De celle-ci, il n’existe qu’un seul manuscrit le ms. Rossiano 753 de la Bibliothèque Apostolique Vaticane, provenant de la bibliothèque du cardinal Domenico Capranica p. 1458, et découvert dans les années 1920. Il se compose de 149 folios de papier, où court une écriture de la seconde moitié du XIVe siècle probablement. La structure du Livre révélateur » est labyrinthique, mais l’auteur n’en a pas perdu la maîtrise. L’ouvrage est constitué de 12 traités ou chapitres, de longueur variable la matière du onzième traité occupe le tiers du volume total de l’œuvre, et répartis en 2 livres l’un correspondant aux dix premiers traités, l’autre aux onzième et douzième traités. Le foisonnement des thèmes laisse apparaître quelques motifs caractéristiques les péchés et la crise de l’Église, l’éloge de la pauvreté évangélique, les guerres et la ruine des pouvoirs princiers, la conversion des Juifs et la défaite des Sarrasins, l’avènement de l’Antéchrist. La pensée de Jean de Roquetaillade est marquée par une conviction centrale l’Église et le monde doivent être sauvés par la venue d’un réparateur », issu du petit groupe des Franciscains restés fidèles à l’idéal de pauvreté, et d’un pape angélique ». Jean utilise et commente de nombreux textes prophétiques, et les cite parfois abondamment le Liber ostensor est un bon témoin de la circulation de la littérature prophétique, et prend valeur d’anthologie. Figurent ainsi parmi ces références Joachim de Flore dont Jean cite cependant surtout des œuvres apocryphes, la Sibylle Tiburtine, ou encore Hildegarde de Bingen le dixième traité dans son entier est un commentaire des écrits d’Hildegarde, connus à travers la compilation établie par le moine Gebeno au début du XIIIe siècle la liste ne saurait être exhaustive. Soucieux de son orthodoxie, Jean de Roquetaillade adopte à l’égard de Pierre de Jean Olivi une attitude mêlée de respect et de prudence ; il en va de même envers Arnaud de Villeneuve, admiré et influent, considéré comme un maître », mais peu explicitement cité. Autre trait caractéristique du Livre révélateur » les références, nombreuses et informées, aux événements récents, qu’il s’agisse de l’Italie ou de l’Espagne, du conflit franco-anglais, de la situation de Chypre ou de celle de l’Orient. Ces événements sont donnés pour annonciateurs de la crise majeure à venir Jean se préoccupe d’établir avec précision des correspondances entre les troubles du temps présent et le temps eschatologique, développant ce que l’on a pu désigner comme une conception historicisante du prophétisme ». La postérité n’a parfois retenu de Jean de Roquetaillade que la critique de l’institution ecclésiale et de la corruption du clergé. Contestataire, il le fut, mais la lecture est un peu univoque. Cette belle édition de son œuvre majeure livre de lui un portrait riche et complexe, ambigu sans doute, sous les traits d’un prophète de transition », selon la formule d’André Vauchez. Dire ainsi les inquiétudes et les contradictions de la société de son temps, leur donner forme, s’en saisir et les porter en soi telle est peut-être la première fonction du prophète. 60Alain PROVOST. Jean-Paul Hervieu, Emmanuel Poulle, Philippe Manneville éd., La place de la Normandie dans la diffusion des savoirs du livre manuscrit à la bibliothèque virtuelle. Actes du XLe Congrès organisé par la Fédération des sociétés historiques et archéologiques de Normandie Avranches, 20-23 octobre 2005, Rouen, Fédération des sociétés historiques et archéologiques de Normandie Congrès des sociétés historiques et archéologiques de Normandie », 11, 2006, 332 p. 61Rassemblant 28 contributions, le XLe Congrès de la Fédération des sociétés historiques et archéologiques de Normandie aborde de manière simultanée les trois périodes de la diffusion des savoirs, passant de l’ère de la production manuscrite des origines au XVe siècle à la prédominance de l’imprimerie, puis au règne de la communication électronique. Le questionnement se fonde sur la place de la Normandie dans cette histoire. Les interventions sont regroupées autour de trois thèmes distincts la mise en œuvre des savoirs, puis leur diffusion et, enfin, leur conservation. Dans ce canevas novateur, chacune des périodes historiques est bien représentée, puisque 7 communications concernent le Moyen Âge, 7 l’époque moderne et 11 l’époque contemporaine. Toutes les formes de communication et de conservation sont étudiées, même si le mode de diffusion le plus souvent envisagé est le livre. À travers ces articles, apparaît une spécificité normande – à savoir, l’accent mis sur la connaissance historique de la mise en place de la Société de l’histoire de Normandie et de ses héritières Philippe Manneville à l’étude d’un historien américain, Charles Homer Haskins Jean-Claude Martin, en passant par le Roman de Rou de Wace Françoise Vielliard et par la galerie des portraits du château d’Eu voulue par Louis-Philippe et Jean Vatout Martine Bailleux-Delbecq. Outre l’histoire, d’autres savoirs ont été évoqués la théologie, à travers l’examen par Cédric Giraud d’un manuscrit produit dans un établissement monastique normand au début du XIIe siècle attestant la réception précoce de l’enseignement de l’école de Laon dans l’espace normand ; l’hagiographie, avec l’étude de la réécriture de vies de saints après la fin des invasions scandinaves Jacques Le Maho ; la paléographie, avec une interrogation sur le rôle joué par la Normandie dans la naissance de l’écriture gothique Marc Smith. Tous ces textes s’adressaient à un large public, des nobles courtisans des Plantagenêt du XIIe siècle, passionnés par les paroles des troubadours Hélène Biu, aux élèves de l’École centrale de l’Eure entre 1795 et 1803 André Goudeau, en passant par les curés de campagne du début du XVIe siècle Marc Venard. Pour faciliter la diffusion de leurs écrits, les différents auteurs ont fait des choix, en particulier Émile-Louis-Joseph Lechanteur de Pontaumont qui décida de faire connaître une petite page d’histoire de Normandie en écrivant un roman historique fondé sur le voyage fictif dans cette province de Raoul de Rayneval en 1380 Nicolas Lecervoisier. Le rôle des éditions a été longuement étudié à travers les exemples des imprimeurs d’Avranches Anne Morvan et David Nicolas-Méry, du Centre havrais de recherche historique Philippe Manneville. L’accent a également été porté sur l’intérêt que représente l’utilisation d’Internet dans la diffusion des savoirs Georges-Robert Bottin. Le congrès s’est terminé sur les moyens de conserver les textes, à travers l’étude des différentes archives et bibliothèques normandes. 62L’ensemble de cet ouvrage est un bel exemple d’interdisciplinarité réussie et revigorante. 63Marlène HéLIAS-BARON. André Bazzana, Nicole Bériou, Pierre Guichard éd., Averroès et l’averroïsme. Un itinéraire historique du Haut Atlas à Paris et à Padoue, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 2005, 348 p. 64Parce qu’il est mot à mot celui d’Ernest Renan, le titre du présent recueil eût été peu signifiant si un sous-titre n’était venu en éclairer la visée principale aborder historiquement l’homme et l’œuvre du grand philosophe arabe. Il s’agissait en effet, pour les auteurs, de resituer Averroès dans le temps long de la société qui l’a engendré et, en aval, de mesurer la portée et la diffusion de sa pensée dans les différentes cultures musulmane, juive et chrétienne. C’est donc à une contextualisation très serrée que s’emploient des médiévistes, de formation diverse – archéologues, historiens, historiens de l’art, spécialistes d’histoire politique, militaire et culturelle – pour tenter d’approcher au mieux les conditions socioculturelles de l’émergence d’une pensée, celle d’Averroès. 65Ce sont d’abord les données sociopolitiques de la dynastie almohade, dans la seconde moitié du XIIe siècle, qui sont retracées, de leur description matérielle à leur fonctionnement diplomatique. La reconstitution d’une ville almohade au temps du grand penseur, grâce aux fouilles du site de Saltès, ou les analyses esthétiques et architecturales de la mosquée de Tinmal montrent le dynamisme économique et culturel de la puissance almohade. Les analyses plus événementielles sur la victoire d’Alarcos 1195 ou sur la défaite de Las Navas de Tolosa 1212 rendent compte des tensions que doit affronter le régime almohade dans un contexte de politique internationale tendu, dû à la progression des royaumes chrétiens dans la Péninsule ou aux résistances internes à l’espace andalous comme celle du régime anti-almohade de Murcie. 66Dans ce contexte général, Ibn Rushd est repéré, dès 1153, parmi les élites andalouses de la cour almohade, au sein de laquelle il accède aux plus hautes fonctions. Cadi de Cordoue, puis de Grand Cadi de Séville, il est également médecin personnel du calife et son penseur attitré, s’inscrivant dans une propagande pro-almohade dès ses premiers écrits ou répondant au souhait du calife dans son entreprise quasi exhaustive de commenter Aristote. Favori et personnage brillant, Averroès n’est pas épargné par les jeux de factions, notamment celui du parti traditionaliste qui combat son rationalisme philosophique lorsqu’il s’applique à la sphère religieuse. L’étude de cette disgrâce, dite mihna, permet de mieux saisir les conséquences de ses positions conceptuelles au sein d’une actualité de tensions sociales et d’enjeux politico-religieux. À titre d’exemple, lorsqu’il traite la question du témoignage dans son Abrégé de la Rhétorique d’Aristote, Averroès conceptualise en termes philosophiques et universels la querelle qui l’oppose circonstanciellement aux mutakallims, adversaires de tout rationalisme en matière de foi. 67Enfin, la pensée d’Averroès elle-même est réinscrite dans le mouvement long de la production du savoir au Moyen Âge central. L’Abrégé de l’Almageste, texte inédit qui ne nous est parvenu que dans sa version hébraïque, permet de replacer le philosophe dans un mouvement de pensée qui le dépasse et l’englobe celui de la critique de l’astronomie ptolémaïque. Quant à l’averroïsme, cette appropriation de la pensée rushdienne avec son cortège de méprises propres à tout transfert culturel, il s’opère par le biais d’échanges culturels complexes. Les textes d’Averroès ne sont pas transmis par le fait d’un dialogue arabo-chrétien, mais par ces passeurs que sont les intellectuels juifs, notamment Moïse de Narbonne, en qui la symbiose judéo-arabe trouve son expression la plus haute. Au XVe siècle, l’averroïsme est attesté de manière plus cryptée chez des humanistes, comme Lauro Quirini, qui, sans l’avouer, puise au fonds doctrinal averroïste en une élégance formelle à l’allure cicéronienne. 68Le sujet, on l’aura compris, séduit par la pertinence de sa mise en œuvre historique. Pour autant, on ne peut que regretter l’absence de quelques grands spécialistes actuels d’Averroès, tel Marc Geoffroy, qui, pour être philosophes, n’ont pas trouvé leur place dans ce volume. La rencontre interdisciplinaire n’a pas encore convaincu de ses vertus, au moins aussi grandes que celle de l’échange interculturel. 69Bénédicte SèRE. Jeffrey S. Hamilton ed, Fourteenth-Century England IV, Woodbridge, The Boydell Press, 2006, XII-191 p. 70Le XIVe siècle anglais fut riche en rebondissements politiques et la figure du grand noble immolé sur l’autel de la tyrannie demeure un thème favori des historiens, ce dont témoigne le dernier volume de la collection Fourteenth-Century England ». Sans doute produit à Saint-Omer, le livre d’heures dit Heures Sellers, aujourd’hui conservé à la Bridwell Library, s’ouvre sur une prière à Thomas de Lancastre, laquelle est accompagnée d’une image qui montre Thomas sur le point d’être exécuté, et qui devait servir de support à la contemplation. Il ne s’agit pas là d’un exemple isolé – on peut citer la représentation du martyre de Thomas de Lancastre dans le Psautier Luttrell – mais les Heures Sellers témoignent de la diffusion inattendue, sur le continent, du culte de ce martyr politique et royal John T. McQuillen. La deuxième figure politique évoquée ici est celle de Thomas Despenser, un favori de Richard II, qui fut exécuté sommairement à Bristol en janvier 1400, un destin qui rappelle, bien sûr, celui de son ancêtre, Hugh Despenser, exécuté lors de la prise de pouvoir par Isabelle et Mortimer. Au-delà de l’incapacité politique ou de l’extravagance personnelle, c’est l’absence d’une culture et d’une emprise politiques locales dignes de ce nom qui explique, en dernier ressort, les destinées de cette famille Martyn Lawrence. Finalement, la belle étude d’Helen Lacy sur l’usage du pardon par Richard II en 1397 et 1398, que vient compléter celle de John L. Leland sur les étrangers dans les pardons de Richard II, met en exergue un usage détourné, au profit d’une politique factieuse, de la prérogative royale de la grâce en manipulant un concept profondément ancré dans le système judiciaire, et garant du bon fonctionnement de celui-ci, le roi obligeait les opposants à son régime à reconnaître publiquement leur culpabilité. 71D’autres facettes de la vie politique anglaise au XIVe siècle sont abordées dans le volume, parfois sous un angle particulièrement original. Amanda Richardson démontre le rôle que jouaient les parcs royaux, notamment à Clarendon et à Windsor, dans la vie de la cour, mais aussi comme cadre de l’étalage du pouvoir royal, un rôle qui s’accentua au cours de la période, parallèlement à des transformations dans l’art de la chasse. Et c’est sans doute l’hostilité des contemporains à la politique royale d’élargissement des parcs qui explique la réputation faite à un roi comme Édouard II de cultiver des goûts éloignés des canons aristocratiques. Deux contributions portent sur les rapports entre la Couronne et l’Église. La stratégie du gouvernement royal pour obtenir une contribution financière de communautés religieuses réticentes est bien mise en lumière par A. K. McHardy au sujet de la demande d’une aide pour le mariage de la sœur du roi en 1332. La question des relations avec Rome dans la seconde moitié du XIVe siècle fait l’objet d’une étude par Diane Martin, qui là aussi s’intéresse à la stratégie de harcèlement développée par le gouvernement royal pour décourager les clercs d’en appeler au pape afin d’obtenir des bénéfices en Angleterre. 72La question de l’étendue et du poids des grandes franchises dans la vie politique du royaume d’Angleterre est l’un des aspects les plus controversés de l’historiographie les deux contributions qui portent sur le comté palatin de Durham viennent partiellement renouveler la discussion. Au-delà de la question déjà très travaillée de l’équilibre des rapports entre la Couronne et le comté, Christian D. Liddy démontre l’existence d’une troisième force politique, représentée par une communauté locale indépendante du pouvoir de l’évêque, le Haliwerfolk, qui s’avéra capable de refuser une aide militaire ou financière au roi ou de négocier directement avec les Écossais. La contribution de Mark Arvanigian sur l’exploitation des mines de charbon dans le palatinat renforce le sentiment que les élites locales, urbaines ou rurales, pouvaient se montrer capables de tirer le meilleur parti économique et politique d’une ressource majeure. 73La place des femmes dans la société anglaise du XIVe siècle fait l’objet de deux contributions. J. S. Bothwell montre comment John Maltravers, compromis dans le gouvernement d’Isabelle et Mortimer, et qui dut fuir l’Angleterre après le coup de Nottingham, put rentrer graduellement en grâce et protéger son patrimoine grâce à l’action de son épouse, Agnes, fille du juge William de Bereford. Beth Allison Barr se penche sur la vision des femmes dans le manuel d’instruction pour les prêtres de John Mirk. Les femmes n’occupent qu’une place très secondaire dans l’ouvrage, et semblent à la fois moins actives et moins pécheresses que les hommes ; un manuscrit de l’ouvrage toutefois présente des variantes destinées à renforcer l’arsenal du confesseur face à un sexe considéré comme rétif. 74On pourra déplorer l’absence d’un fil directeur ferme pour l’ensemble du volume mais, devant la richesse, la nouveauté et la qualité des contributions, on ne peut que se rallier à la formule d’un périodique cernant une chronologie restreinte, et qui pourrait faire, dans le cadre francophone, des émules. 75Frédérique LACHAUD. Geneviève Ribordy, Faire les nopces ». Le mariage de la noblesse française 1375-1475, Toronto, 2004 Pontifical Institute of Mediaeval Studies. Studies and Texts », 146, XXVI-207 p. 76Cet ouvrage est tiré d’une thèse soutenue en 1999 à l’Université de Montréal. L’A. se propose d’examiner, pour la fin du Moyen Âge, la validité des conclusions tirées en 1981 par Georges Duby dans Le chevalier, la femme et le prêtre. Le mariage dans la France féodale. G. Duby avait mis en évidence la divergence entre les deux modèles matrimoniaux en vigueur aux XIVe-XVe siècles le modèle aristocratique et le modèle ecclésiastique. Dans son excellente introduction, l’A. retrace de façon très claire la construction de la doctrine ecclésiastique du mariage, qu’élaborent avec une force particulière des théologiens comme Yves de Chartres ou Pierre Lombard. C’est dans le courant du XIIe siècle que l’Église impose l’idée que le consentement libre des époux joue le rôle central dans une union par nature indissoluble. Dans ce schéma, les relations sexuelles sont reléguées au second plan, même si elles ne peuvent être refusées par les conjoints. Face à cet idéal élaboré par les clercs, quelle est la réalité du mariage noble à la fin du Moyen Âge ? Les sources utilisées sont de deux natures. Ce sont d’abord les sources judiciaires, plaidoiries criminelles du Parlement et lettres de rémission, dont les récits détaillés et savoureux n’avaient que peu été mis à contribution pour l’étude du mariage. Les chroniques fournissent un autre point de vue sur le mariage dans la noblesse, plutôt, il est vrai, dans les couches supérieures. Le corps de l’ouvrage suit un plan habile, des étapes préalables au mariage jusqu’à sa consommation. Le lecteur sortira de ce livre avec une meilleure appréhension du mariage tel qu’il était pratiqué par la noblesse française à la fin du Moyen Âge. La signification du rapt et du mariage clandestin, la place des fiançailles et des rites ecclésiastiques s’en trouvent souvent éclairées d’une vive lumière ; les conclusions de l’auteur montrent la souplesse de l’Église dans l’application des règles qu’elle avait définies particulièrement la consanguinité, et l’intérêt que les clercs tirent de cette souplesse. Dans l’ensemble, les prescriptions ecclésiastiques sont d’ailleurs respectées, et la bigamie assumée de Jacqueline de Bavière ou le mariage incestueux de Jean d’Armagnac suscitent une forte désapprobation, sociale autant qu’ecclésiastique. Cela ne signifie pas pour autant que la noblesse suive aveuglément les recommandations de l’Église, notamment pour ce qui touche au consentement libre des époux et surtout de la femme, qui semble rarement respecté. Le mariage est une affaire trop importante pour la plier à la liberté des époux, contrairement à ce que voudrait la doctrine de l’Église mais là non plus, celle-ci ne paraît pas s’être montrée intransigeante. Si ces conclusions n’appellent pas la critique, une réserve doit être faite à propos des sources utilisées par l’ouvrage. Sauf exception, les chroniques ne s’intéressent qu’à la très haute noblesse et les seuls passages détaillés, au demeurant assez rares, concernent les familles royales. Il aurait mieux valu se passer des chroniques pour se tourner vers les sources proprement littéraires, qui auraient sans doute donné plus d’éléments sur la noblesse petite et moyenne tout laisse penser en effet qu’on ne s’y mariait pas comme à la cour de France. Or mariages royaux et mariages dans des sphères beaucoup moins huppées sont mis sur le même plan. C’est frappant dans le premier chapitre, consacré à la démarche familiale » pour préparer un mariage, où il n’est question que de la très haute noblesse et des rois. Quant aux sources judiciaires, elles sont par nature fondées sur des épisodes conflictuels et ne donnent qu’une vision biaisée de la réalité. L’A. ne l’ignore pas, du reste, et, quand il le faut, démonte avec finesse les stratégies d’énonciation des parties en présence particulièrement dans le dernier chapitre à propos des relations sexuelles, qui peuvent être assimilées dans certains cas à un viol, et qu’il vaut parfois mieux, du coup, taire. L’auteur a certainement vu la difficulté que posaient les sources choisies. Une bonne partie de l’ouvrage s’appuie de fait sur la bibliographie, comme le montre l’examen des notes les historiens y sont au moins aussi fréquemment cités que les sources. On peut penser que la consultation de documents plus variés et cités plus longuement aurait permis de resserrer le sujet sur la masse de la noblesse et de pousser davantage les conclusions. La bibliographie, impressionnante 40 pages, est très complète, mais elle est répartie de façon assez incommode dans plusieurs sections ; un index des auteurs cités permet cependant de s’y retrouver. L’auteur pourrait être prise en défaut sur des détails particulièrement pour les chroniques, la date d’édition est souvent en réalité celle de la réimpression ; l’éditeur des chroniques de Thomas Basin est un certain S. Samaran », dans lequel il faut reconnaître Charles Samaran ; la Chronique d’un bourgeois de Vernueil est en réalité celle d’un bourgeois de Verneuil ; Robert Blondel est classé à Robert, alors que Jean Raoulet l’est à Raoulet ; on relève parfois des points plus embarrassants il manque par exemple la synthèse de Philippe Contamine, parue en 1997, intitulée La noblesse au royaume de France, de Philippe le Bel à Louis XII, tandis que le beau volume de mélanges qui lui a été dédié en 2000, bien que cité p. 153, n’est pas clairement identifié comme tel. Mais des lacunes sont inévitables sur un sujet aussi vaste, et ce livre synthétique, bien écrit et bien construit, est sans conteste une contribution importante à l’étude du mariage dans la noblesse française de la fin du Moyen Âge. 77Xavier HéLARY. James Hogg, Alain Girard, Daniel Le Blévec éd., L’ordre des Chartreux au XIIIe siècle. Actes du Colloque international d’histoire et de spiritualité cartusienne. VIIIe centenaire de la chartreuse de Valbonne, 11-13 juin 2004, Salzburg, 2006, 145 p. Analecta cartusiana, 234. 78À l’occasion du VIIIe centenaire de la fondation de la chartreuse de Valbonne a été réuni en 2004 un colloque international consacré à l’ordre des Chartreux au XIIIe siècle. Dès l’introduction, Daniel Le Blévec constate pour ce siècle non seulement une expansion continue de l’ordre avec 35 fondations, contre 37 ou 38 avant 1200, mais aussi une évolution concernant les implantations. Les chartreuses sont certes de plus en plus présentes dans le vieux pays cartusien », mais aussi en Italie et en Provence. C’est également l’époque des premières fondations urbaines ou périurbaines. 79Grâce à 12 interventions, est dressé un panorama relativement complet de la vie cartusienne au XIIIe siècle. Les A. s’intéressent d’abord aux institutions en cours de normalisation Cécile Caby, James Hogg, Florent Cygler et John Clark, puis à la sortie des Chartreux hors de leurs déserts originels Sylvain Excoffon, Michel Carlat, Michel Wullschleger, Alain Saint-Denis et Silvio Chiaberto et enfin à la spiritualité de l’ordre Fabrice Wendling et Nathalie Nabert. Ces articles ont tous un point commun celui de montrer la vitalité des Chartreux en cette période peu étudiée. Les institutions de l’ordre évoluent rapidement comme le montre Cécile Caby L’érémitisme au XIIIe siècle, entre solitude du cœur et contraintes du droit » . Elle s’y intéresse à une période de l’érémitisme encore peu étudiée en dehors de la place hégémonique occupée par le phénomène mendiant. Au cours de ce siècle, l’Église, se méfiant de plus en plus des mouvements érémitiques susceptibles de tomber dans l’hérésie, engage un processus de régularisation de la vie religieuse auquel n’échappent pas les Chartreux. Ces derniers mettent alors au point une législation plus rigoureuse, venant compléter leurs premiers statuts. 80Autre changement crucial la sortie des Chartreux hors de leurs déserts. L’article d’Alain Saint-Denis, Saint Louis et la fondation de la chartreuse de Vauvert », montre une rupture radicale avec les choix originels de saint Bruno. La chartreuse de Vauvert a, en effet, été fondée en 1259 par Louis IX sous les murs de Paris. À cette époque, le roi cherche à attirer dans sa ville tous les ordres monastiques pour la transformer en une véritable capitale religieuse. Quant aux Chartreux, ils veulent profiter de la fécondité intellectuelle de Paris et surtout de son université. 81Enfin, deux interventions viennent illustrer les mutations de la spiritualité cartusienne. Dans la première La spiritualité d’un chartreux provençal », Fabrice Wendling décrit la spiritualité d’Hugues de Miramar, entré à Montrieux vers 1236-1238, à travers l’étude du Liber de miseria hominis. S’y côtoient des thèmes traditionnels, tel le contemptus mundi, des thèmes uniquement cartusiens glorifiant le mode de vie des Chartreux et des thèmes nouveaux, tels le réalisme macabre et la personnification de la mort. La seconde porte sur la vie de Béatrice d’Ornacieux, écrite en langue vernaculaire par Marguerite d’Oingt avant 1310. Pour Nathalie Nabert, Béatrice est un modèle de vie cartusienne, malgré quelques excès de mortification. Comme de nombreuses mystiques, elle brûle d’amour pour le Christ de la Passion et a une dévotion ardente pour l’eucharistie, au point de vivre un véritable miracle de la transsubstantiation lors de la manducation. 82Tout ce travail de recherche exposé ici est souligné par Pierrette Paravy, qui rappelle la vitalité de l’ordre au XIIIe siècle et sa propension à sortir de ses habitudes. Surtout, elle ouvre des perspectives de recherches sur une histoire comparée des différents ordres ». Finalement, cette publication a le mérite de sortir les Chartreux du XIIe siècle où ils ont été généralement cantonnés. 83Marlène HéLIAS-BARON. Monique Maillard-Luypaert, Les suppliques de la Pénitencerie apostolique pour les diocèses de Cambrai, Liège, Thérouanne et Tournai 1410-1411 A. S. V., Penitenzieria Ap., Reg. Matrim. et Div., 1, Bruxelles-Rome, Institut historique belge de Rome Analecta vaticano-belgica, 1re sér., 34, 2003, 201 p. 84Cela fait déjà plus de vingt ans que Monique Maillard-Luypaert consacre ses recherches à l’édition et à l’exploitation des archives médiévales de la papauté. Auteur d’une volumineuse étude sur les relations entre le diocèse de Cambrai et les papes du Grand Schisme 1996, elle éditait, dès 1987, les lettres du pape urbaniste Innocent VII 1404-1406. La présente édition des suppliques de la Pénitencerie apostolique est, comme Mme Maillard-Luypaert le dit elle-même, une première à plus d’un titre. C’est en effet la première fois que les Analecta vaticano-belgica, la célèbre collection de l’Institut historique belge de Rome, publient les archives d’un tribunal romain. Mais c’est aussi la première fois que les archives de la Pénitencerie sont rendues accessibles pour un domaine géographique qui couvre une partie du royaume de France à la fin du Moyen Âge, essentiellement les diocèses de Thérouanne et de Tournai. C’est dire tout l’intérêt que représente cet ouvrage pour les médiévistes français. Cette publication était d’autant plus attendue qu’elle s’inscrit dans un mouvement qui débuta en 1969, date à laquelle Filippo Tamburini 1999 attira l’attention de la communauté scientifique sur l’extraordinaire richesse des archives de la Pénitencerie apostolique. Ces travaux pionniers ont ouvert la voie à la vaste publication du Deutsches Historisches Institut in Rom, qui édite, depuis 1996, le Repertorium Poenitentiariae Germanicum, sous la direction de Ludwig Schmugge. Le fonds de la Pénitencerie, qui contient les copies des suppliques adressées au pape et des lettres expédiées par le cardinal pénitencier jusqu’en 1890, se compose en fait de 746 volumes, dont une cinquantaine seulement couvrent le XVe siècle. Le premier de ces registres est l’unique représentant de la période du Grand Schisme, puisque la série ne reprend qu’en 1438, sous le pape Eugène IV 1431-1447. On ne peut donc que louer l’initiative d’éditer cette source contenant des fragments d’archives des deux papes pisans, Alexandre V 1409-1410 et Jean XXIII 1410-1415, que le Repertorium Poenitentiariae Germanicum avait par ailleurs négligés. Pour respecter les principes de la collection belge, l’éditeur a ainsi extrait les 156 suppliques concernant les diocèses de Cambrai, Liège, Thérouanne et Tournai, parmi les quelque 800 que renfermait le volume. 85Après un avant-propos p. 5-12, qui évoque le contexte dans lequel s’est inscrite cette publication, et une bibliographie sélective p. 15-25 d’une centaine de références, l’introduction p. 27-53 commence par un bref rappel historique sur la naissance, le développement et les compétences de la Pénitencerie apostolique, tribunal du for interne par opposition à la Rote, qui était celui du for externe. Surtout, l’éditeur consacre de très belles pages à la description de la source, dont les 110 feuillets se divisent en six cahiers contenant chacun un type particulier de suppliques le premier fascicule de officio procurationis comprend les suppliques présentées en vue d’obtenir une charge de procurator litterarum penitentiarie ; le suivant super defectu natalium in forma ampliori, celles présentées par des enfants illégitimes qui souhaitent obtenir ou conserver plusieurs bénéfices ecclésiastiques ; le troisième de matrimonialibus, celles relatives aux empêchements au mariage ; le quatrième de Sancto Sepulcro, Sancto Jacobo et commutatione votorum, celles destinées à commuer un vœu solennel de pèlerinage en une autre œuvre pie ; quant aux deux derniers fascicules in diversis formis, ils rassemblent les demandes d’absolution, les lettres de confession, ainsi que les autres dispenses canoniques et licences spéciales. Ce premier survol permet d’ores et déjà de constater que les trois quarts des suppliques éditées 120 sur 156 concernent des grâces pour défaut de naissance, et que les clercs des anciens diocèses belges constituent presque la moitié des suppliants de ce groupe 120 sur 287, ce qui est largement supérieur à leur proportion globale sur l’ensemble du registre 20 %. L’analyse de la source se termine par l’ébauche d’une étude diplomatique des suppliques de la Pénitencerie. Elles se composent ordinairement, à l’instar de celles de la Daterie, d’une expositio déclinaison d’identité de l’impétrant, d’une narratio exposé des faits qui ont provoqué le recours à la grâce, d’une supplicatio ou petitio nature de la grâce impétrée, de clauses de dérogation, d’une signatura, d’une datatio et d’éventuelles mentions hors teneur. La principale particularité diplomatique de ces suppliques réside, en fait, dans l’identité du signataire, qui se trouve être le grand pénitencier ou un simple délégué et non le pape lui-même, comme c’est le cas à la Daterie. Si cette étude ne dispense pas de lire les pages que Filippo Tamburini, Ludwig Schmugge et Kirsi Salonen ont consacrées aux suppliques de la Pénitencerie, elle n’en reste pas moins l’une des meilleures présentations en français pour ce type de sources. 86L’essentiel du volume consiste, bien sûr, en l’édition des 156 suppliques qui concernent les diocèses de Cambrai, Liège, Thérouanne et Tournai p. 55-161. Classées dans l’ordre chronologique, entre le 5 avril 1410 et le 16 mai 1411, elles ont le grand avantage d’être publiées en texte intégral avec un apparat critique comprenant les variantes et les notations du registrator. Certes, l’absence, dans ce registre, de litterae declaratoriae, où la narratio sert à prouver l’innocence de l’impétrant, exclut les riches témoignages comparables à ceux des fameuses lettres de rémission de la Chancellerie du roi de France. Mais, à défaut d’être variés, ces documents apportent cependant une foule de renseignements biographiques sur un grand nombre de clercs flamands, hainuyers, luxembourgeois et brabançons, pendant l’une des périodes les plus troublées du Grand Schisme. On peut même lire, au détour d’une lettre, quelques récits hauts en couleurs, comme celui que relate la supplique no 142 après un échange d’injures avec Jacobus de Motta, chapelain à Saint-Pierre de Lille, Johannes de Rosmel, chanoine dans la même église, avait battu et blessé son confrère, au moyen d’un marteau, usque ad magnam sanguinis effusionem, si bien que le chapelain ne pouvait plus dire la messe. Les deux protagonistes s’étant finalement mis d’accord contre une compensation financière, le chanoine demanda naturellement la levée de son excommunication, ce qui lui fut accordé, le 30 avril 1411, de gratia speciali. Enfin, cette publication aurait perdu beaucoup de sa valeur, si elle n’avait pas été accompagnée d’un substantiel index. Or, il n’y en a pas un, mais six à la fin du volume p. 163-201. En plus de l’index des noms de personnes et de lieux, l’éditeur a indexé les signataires, les lieux de signature, les patronages d’églises, les ordres religieux et plus de 600 matières. La multiplication des index est une bonne chose, même si certains d’entre eux ne paraissent pas indispensables celui des congrégations et celui des patronages font pratiquement double emploi avec celui des noms ou celui des matières, sauf pour l’ordre des Clarisses, qui figure dans les deux derniers, mais pas dans le premier. De même, l’index rerum est encombré de plusieurs termes usuels, tels que deinde, invicem, usque et videlicet, dont l’indexation ne s’imposait pas. Mais ces quelques remarques n’enlèvent rien au très grand profit qu’il y aura à consulter cette édition de sources, en espérant qu’elle soit suivie d’autres volumes dans la même collection, ce qui pourrait peut-être inspirer un travail similaire pour l’ensemble des diocèses français. 87Thierry KOUAMé. Hélène Millet dir., Suppliques et requêtes. Le gouvernement par la grâce en Occident XIIe-XVe siècle, Rome, École française de Rome Collection de l’École française de Rome », 310 2003, 434 p. 88Les 20 contributions réunies dans ce volume forment les actes du colloque qui s’est tenu à Rome les 9, 10 et 11 novembre 1998, sous l’égide de l’École française de Rome et du GDR Gerson, avec la collaboration de l’UMR 8589 de l’Université de Paris I LAMOP. Le but de cette rencontre étant de comparer les suppliques présentées aux papes et les requêtes soumises à d’autres souverains, le colloque était donc consacré à ce modèle particulier de pouvoir qu’est le gouvernement pontifical par la grâce et à son adaptabilité aux divers régimes politiques médiévaux, ce qui nécessitait une approche délibérément internationale et comparatiste. Pour ce faire, les organisateurs avaient réuni 19 chercheurs confirmés venus de 7 pays différents. Les onze Français, qui formaient la majorité des intervenants, côtoyaient ainsi trois Espagnols, trois Anglo-Saxons, un Italien et un Allemand. À l’image de la diversité des participants, les actes couvrent un grand nombre de domaines géographiques et thématiques si la papauté et le royaume de France sont très largement représentés, on trouve aussi des études sur l’Angleterre, la Castille, les villes italiennes et l’Empire, qui reste cependant, comme le remarque d’ailleurs Hélène Millet, le parent pauvre de ce tour d’horizon européen du gouvernement par la grâce. Après l’introduction et la bibliographie sélective d’Hélène Millet p. 1-18, les communications se répartissent en 5 ensembles plus ou moins homogènes Formes et prémices de la supplication » p. 19-102, Présenter une supplique » p. 103-173, La grâce pratiques et principes de gestion » p. 175-262, Les requêtes présentation et gestion » p. 263-317 et Gouverner par la grâce » p. 319-404. Même si l’on comprend parfaitement les préoccupations comparatistes qui ont présidé à certains de ces rapprochements, il nous sera néanmoins permis de présenter toute la richesse de ces contributions dans un ordre légèrement différent. 89La genèse de la pétition médiévale est évoquée dans les quatre premières communications. Geoffrey Koziol The early history of rites of supplication », p. 21-36, qui reprend les conclusions de son ouvrage Begging Pardon and Favor Ritual and Political Order in Early Medieval France 1992, montre que toutes les formes de requêtes écrites de la fin du Moyen Âge descendent en fait du rituel de la supplication carolingienne, dans lequel le demandeur adoptait le vocabulaire et l’attitude de l’orant pour s’adresser au roi, qui répondait avec le vocabulaire de la grâce et de la bienveillance. Jean-Marie Moeglin Pandolf la corde au cou Ottoboni lat. 74, f. 193 v quelques réflexions au sujet d’un rituel de supplication XIe-XVe siècle », p. 37-76 retrouve d’ailleurs cette posture, poussée à l’extrême, dans le rituel de la corde au cou, qui permettait aux princes de gracier des coupables dont le crime de lèse-majesté aurait mérité la mort. Quelques pages plus loin, Charles Vulliez L’ars dictaminis et sa place dans la “préhistoire” médiévale de la requête écrite », p. 89-102 rappelle le rôle fondamental de l’ars dictaminis dans la genèse de la pétition. C’est en effet au XIIe siècle que les maîtres en dictamen placèrent la petitio au centre de l’epistola, faisant ainsi de la lettre le support privilégié de la requête. Cet écrit devient même, dans l’iconographie, le signe distinctif de la supplique au pape, comme le constate Jean-Claude Schmitt Les suppliques dans les images », p. 77-87 dans les manuscrits enluminés du Décret de Gratien Causae 7 et 25. La formalisation écrite de la supplication rendant désormais possible son utilisation administrative, il restait cependant à la justifier théoriquement et à la mettre en œuvre pratiquement entre le XIIe et le XVe siècle. La justification théorique du gouvernement par la grâce est abordée dans deux contributions Antonio García y García El poder por la gracia de Dios aspectos canónicos », p. 233-249 présente les principes juridiques de ce gouvernement, tant à l’intérieur de l’Église que dans les relations de celle-ci avec les pouvoirs séculiers, tandis que Christian Trottmann Gouvernement divin et gouvernement humain par la grâce », p. 251-262 s’attache aux raisonnements théologiques qui justifient la supériorité du pouvoir de la grâce sur celui de la nature. La mise en œuvre de ce type de gouvernement est, quant à elle, illustrée par les 14 communications restantes, qui se partagent entre la grâce pratiquée par la papauté et celle pratiquée par les États modernes en construction. 90Le fonctionnement administratif de la Curie est au cœur du sujet les 5 études qui lui sont consacrées renouvellent, en partie, nos connaissances sur la question. Présentant les moyens nouveaux mis en œuvre par l’administration pontificale pour traiter le nombre croissant des demandes de grâces, Pascal Montaubin L’administration pontificale de la grâce au XIIIe siècle l’exemple de la politique bénéficiale », p. 321-342 montre que la relation directe et personnelle entre le souverain pontife et le bénéficiaire de la grâce était strictement encadrée et médiatisée par une législation canonique précise et des pratiques administratives standardisées, dès le XIIIe siècle. Nathalie Gorochov Le recours aux intercesseurs l’exemple des universitaires parisiens en quête de bénéfices ecclésiastiques vers 1340 - vers 1420 », p. 151-164 constate, quant à elle, que l’inflation des expectatives délivrées pendant le Grand Schisme provoqua la multiplication des intercessions parallèles et transforma le lien entre le suppliant et son intercesseur en une relation moins personnelle et plus administrative. Mais la principale limite du système résidait dans l’impossibilité de conserver la mémoire de toutes les suppliques et grâces délivrées. C’est justement à cette question que s’est intéressé Patrick Zutshi The origins of the registration of petitions in the papal chancery in the first half of the fourteenth-century », p. 177-191 en étudiant les circonstances qui ont motivé, dans la première moitié du XIVe siècle, la décision d’enregistrer les suppliques adressées au pape. Avec beaucoup de précautions et une grande rigueur, l’A. suggère que l’organisation plus systématique de l’enregistrement aurait été provoquée par la constitution Pater familias de Jean XXII 1331, qui distingua, au sein de la Chancellerie, les abbreviatores des lettres signées par le pape et ceux des lettres signées par le vice-chancelier. Les notaires pontificaux perdant tout contrôle sur la rédaction des lettres de grâce au profit des abbreviatores du pape, il leur serait devenu difficile de se charger, en outre, de l’enregistrement des suppliques qui étaient à l’origine de ces lettres, ce qui nécessita, sans doute sous Benoît XII 1334-1342, la mise en place d’un corps spécifique de registratores. Javier Serra Estellés Acerca de las súplicas dirigidas a Clemente VII de Aviñón », p. 193-205 présente, quant à lui, les conclusions de son article, paru dans l’Archivum historiae pontificiae, 33 1995, p. 7-39. Cette étude se fonde sur l’analyse du manuscrit Barberini lat. 2101 de la Bibliothèque vaticane, qui contient un certain nombre de suppliques présentées dans la dixième année du pontificat de Clément VII 1387-1388 et expédiées par le secrétaire pontifical Gilles Le Jeune. Tout porte à croire que ce document, déjà décrit par Paul Kehr et Emil Göller, est l’unique témoignage d’un registre particulier de secrétaire pontifical contenant la copie des suppliques avant leur expédition en lettres. Mais, pour l’A., il s’agirait en fait du vestige d’une série de registres parallèle aux Registra Supplicationum de la Daterie selon lui, la copie de certaines suppliques dans ces registres de secrétaires devait permettre de réaliser les minutes des lettres correspondantes, même pour celles qui n’étaient finalement pas expédiées par la Chancellerie pontificale, ce qui supposerait, au temps de Clément VII du moins, l’existence d’une expeditio litterarum per viam secretarii, plus rapide, plus sûre, mais aussi plus chère que la voie ordinaire. Toutefois, devant le caractère unique et incomplet de ce document, on ne peut s’empêcher de penser qu’il pouvait tout simplement s’agir d’une initiative individuelle de Gilles Le Jeune, qui se serait constitué un instrument de travail à partir des suppliques qu’on lui assignait, à l’instar des formulaires composés par les procureurs en Curie Heinrich Bucgland et Andreas Sapiti, au milieu du XIVe siècle. Or la démonstration de l’A., qui se fonde essentiellement sur l’inadéquation des documents enregistrés dans les séries principales de suppliques et de lettres, n’est guère convaincante face à une telle objection. Enfin, Ludwig Schmugge Suppliche e diritto canonico il caso della Penitenziera, p. 207-231 présente l’administration de la grâce à travers le fonctionnement de la Pénitencerie apostolique, qui délivre, depuis le XIIIe siècle, absolutions, dispenses, indults et licences aux fidèles qui s’écartent des règles strictes du droit canonique. Au-delà du fonctionnement de ce gouvernement par la grâce, trois contributions illustrent, plus classiquement, le profit que l’on peut tirer de l’exploitation des suppliques pontificales. Élisabeth Lalou Les suppliques des gens de l’Hôtel de Philippe VI de Valois d’après le dossier de Louis Carolus-Barré », p. 105-120 analyse les suppliques des membres de l’Hôtel et de la Chancellerie de France présentées par le roi aux papes d’Avignon entre 1342 et 1366, à partir des papiers de Louis Carolus-Barré 1993, conservés à l’IRHT. Anne-Marie Hayez Les demandes de bénéfices présentées à Urbain V une approche géographico-politique », p. 121-150 expose les résultats du traitement informatique d’environ 14 000 demandes de bénéfices sur les 20 408 suppliques adressées à Urbain V entre 1362 et 1366. Enfin, Charles Vulliez Un rotulus original de la nation picarde de l’université de Paris au temps du pape Jean XXIII », p. 165-173 intervient, une seconde fois, pour porter à la connaissance de la communauté scientifique la découverte qu’il a faite aux Archives nationales carton S 6201 d’un rotulus inédit de la nation picarde de l’Université de Paris, qu’il date de la dernière année du pontificat de Jean XXIII 1414-1415. Ce document, qui nous informe sur la composition du corps des maîtres ès arts et sur le travail des inrotulatores parisiens, est en effet un témoignage dont la rareté méritait d’être relevée. 91Les 6 communications restantes s’intéressent à la manière dont les États modernes en construction ont adapté ou se sont adaptés au modèle pontifical du gouvernement par la grâce. Cette pratique entretient en fait un rapport étroit avec l’évolution du régime politique. Andrea Barlucchi Le “petizioni” inviate dalle comunità del contado al governo senese secoli XIII-XV », p. 265-279 montre, à travers l’exemple de la cité de Sienne, que l’usage de la pétition par la communauté du contado correspond exactement au moment où le popolo domine le gouvernement communal. L’avènement, à la fin du XVe siècle, du régime aristocratique de Pandolfo Petrucci met ainsi fin à cette expérience politique. D’un autre côté, José Manuel Nieto Soria De la grâce papale à l’absolutisme royal le roi de Castille suppliant le pape au XVe siècle », p. 343-356 considère que la participation du roi de Castille au gouvernement par la grâce, en tant que suppliant, a favorisé la mise en place d’un pouvoir royal absolu dans cet État. En ce qui concerne les transferts de modèles, Olivier Mattéoni “Plaise au roi” les requêtes des officiers en France à la fin du Moyen Âge », p. 281-296 offre, avec son étude sur les requêtes des officiers du roi, un exemple saisissant de transposition des pratiques bénéficiales au fonctionnement de la monarchie française. En effet, l’usage abusif que les officiers faisaient de la requête reposait sur le fait que cette dernière était au cœur de la procédure d’obtention de l’office. Or le vocabulaire normalisé des requêtes tendait à faire de ce dernier une récompense, plaçant le demandeur en situation de dépendance, ce qui créait, au-delà de l’obéissance due au souverain, une relation affective entre l’officier et le prince. Mais c’est sans doute dans l’administration de la justice que le gouvernement par la grâce a le plus contribué à la construction de l’État moderne. Timothy Haskett Access to grace Bills, justice and governance in England », 1300-1500, p. 297-317 rappelle que, dans l’Angleterre de la fin du Moyen Âge, le recours à la grâce royale passait généralement par des suppliques écrites transmises au chancelier, la plupart des sujets n’ayant pas directement accès à la personne du roi. Or ces bills de chancellerie, qui servirent à bon nombre de sujets issus des classes moyennes de la société anglaise, jouèrent un rôle fondamental dans le développement moderne de la procédure par bill. Jean Hilaire La grâce et l’État de droit dans la procédure civile 1250-1350 », p. 357-369 présente, quant à lui, les voies de recours qui se sont constituées en France, sous le couvert de la grâce, dans le cadre de la justice déléguée, lesquelles voies ont tenu une place essentielle dans la construction de l’État de droit. Le Parlement rendant sa justice au nom du roi, les sujets ne pouvaient plus faire appel d’un jugement que le souverain avait, par fiction, déjà pris lui-même. Ils en vinrent alors à supplier le roi d’user de sa grâce pour obtenir un éventuel réexamen de l’affaire jugée, ce qui donna naissance à l’amendement du jugement, à la requête civile et surtout à la proposition d’erreur, qui annonce la procédure moderne de cassation. Enfin, dans un article conclusif, Claude Gauvard Le roi de France et le gouvernement par la grâce à la fin du Moyen Âge genèse et développement d’une politique judiciaire », p. 371-404 rappelle que la lettre de rémission obéissait à des règles strictes, qui définissaient la procédure de supplication, le contenu de la supplique et les limites de son application. Il convient donc de redéfinir les rapports qu’entretenaient la justice retenue, gracieuse et extraordinaire, pratiquée par la Chancellerie, et la justice déléguée, coercitive et ordinaire, rendue par le Parlement, dans la mesure où la supplique et la grâce permettaient aussi au roi d’imposer, par ailleurs, les décisions prises dans ses tribunaux. Ainsi, l’inflation des lettres de rémission, sous le règne de Charles VI, n’est pas un signe de faiblesse. Elle contribua, au contraire, à créer la sujétion par le pouvoir justicier du souverain, en s’adressant en priorité aux nobles, puis à tous les sujets du royaume, à partir du milieu du XIVe siècle. En résumé, l’A. démontre que c’est par la grâce, plus que par la rigueur, que la justice du roi s’est imposée en France. 92Il est inutile d’insister sur le profit incomparable que l’on peut tirer de la réunion dans un même volume d’un aussi grand nombre d’études sur le gouvernement par la grâce dans l’Occident médiéval. La mise en perspective de l’ensemble des communications laisse en fait apparaître des lignes de forces dont la plus évidente reste l’analogie de la prière à Dieu pour s’adresser au détenteur du pouvoir. Cette confusion volontaire entre les grâces divine et princière a, en effet, été relevée par bon nombre de contributeurs. Plus intéressante sans doute est l’inflation de la politique gracieuse au cours de la période déjà sensible à la Curie au XIIIe siècle, elle touche, aux XIVe et XVe siècles, des catégories de plus en plus larges de la société dans les royaumes de France et d’Angleterre. Or la multiplication des grâces interdisait un contrôle rigoureux du contenu des requêtes. À ce titre, on ne peut s’empêcher d’évoquer le cas peu banal de ce prélat irlandais, Thomas Macmahon, qui s’était fait attribuer, avant 1362, un évêché qui n’existait pas et qui réussit quand même à présenter quelques suppliques à Urbain V 1362-1370 avant que sa supercherie ne fût découverte Hayez, p. 124, n. 15. Face à de telles dérives, la papauté et les États ont dû mettre en place de véritables instruments de gestion des grâces établissement de normes précises définissant les procédures d’exécution et les limites de la politique gracieuse, présentation de la demande par des intercesseurs dignes de foi, examen par des maîtres des requêtes et enregistrement plus rigoureux. Mais la dénonciation de la plupart des abus s’appuyait, en définitive, sur la possibilité pour tout tiers lésé d’en appeler au souverain lui-même. Le gouvernement par la grâce trouvait ainsi son accomplissement dans l’exercice de la justice, car, comme le rappelle Hélène Millet, l’art de régner consistait finalement à gérer harmonieusement des demandes issues d’intérêts contradictoires. Au terme d’une lecture aussi stimulante, on peut seulement regretter qu’aucune communication n’ait été consacrée à la place de la petitio romaine dans la genèse de la pétition médiévale. En effet, cette procédure antique, qui fut à la base du gouvernement impérial par rescrit, s’est non seulement maintenue durant tout le haut Moyen Âge avec la pratique pontificale des décrétales, mais elle a surtout bénéficié d’un véritable arsenal théorique, à partir du XIIe siècle, avec la redécouverte du Corpus juris civilis. Il est peu probable que cela n’ait eu aucune influence sur l’usage tardo-médiéval des suppliques et autres requêtes. Précisons, pour finir, que l’accès au contenu très dense des vingt contributions réunies dans ce volume est facilité par un index des noms de lieu et de personne p. 405-421 et par le résumé de chaque article dans sa langue p. 423-431. On ne peut donc que louer une telle initiative, qui montre tout l’intérêt d’une réflexion collective pour l’intelligence d’un phénomène historique. 93Thierry KOUAMé. Brian Patrick McGuire, Jean Gerson and the Last Medieval Reformation, Philadelphie, The Pennsylvania State University Press, 2005, XVIII-442 p. ISBN 0-271-02707-3, 0-271-02706-1. 94Fruit d’un long et intime compagnonnage avec les écrits de Gerson, cet ouvrage est une présentation très vivante de la personnalité intellectuelle de ce dernier, de son activité et de sa production. Fondé sur la lecture de ses œuvres d’où peut-être une certaine déformation hagiographique, il est organisé dans des chapitres qui suivent la biographie et l’ordre chronologique de la composition. Il retrace les choix et les prises de position du chancelier – dans ses démarches officielles, ecclésiales et politiques, autant que dans sa vie privée et les contacts avec sa famille – et expose les préoccupations théologiques et pastorales qu’il manifeste dans ses écrits. Son engagement pour la réforme – intérieure, des mœurs, des contenus de l’enseignement théologique, de l’encadrement ecclésial –, réforme qu’il ne put imposer, est pour l’auteur la dimension fondamentale du personnage, profondément idéaliste. L’analyse des œuvres – lettres, sermons, traités – occupe une place importante et certains moments sont privilégiés de manière à suivre son cheminement. Après les études au collège de Navarre, l’auteur souligne les moments marquants de l’itinéraire du chancelier et les crises de conscience qui les ont accompagnés. Il en repère en particulier deux lorsqu’il songe à abandonner la chancellerie, en 1400, et au moment de la révolte des Cabochiens, dont il est la victime, en 1413, crise qui l’a amené à promouvoir le culte de saint Joseph car il estimait que ce dernier l’avait protégé. Il suit l’évolution de son attitude au sujet du schisme, ses démêlés avec les chanoines de Bruges, son activité à Constance, pour ne citer que quelques points plus longuement développés. L’étude est fouillée et toujours attentive au témoignage des écrits. 95L’ouvrage est solidement bâti, mais le fait que les œuvres de Gerson soient la source privilégiée de l’exposé, malgré les mises en garde de l’auteur, laisse au deuxième plan la dimension politique de certains choix du chancelier. Sans mettre en doute son aspiration à la concorde et à la paix, au milieu du jeu des factions de ces temps troublés, son itinéraire dans le siècle n’a pas été dicté uniquement par ses préoccupations spirituelles, même à travers les crises que l’auteur évoque avec soin. Parler d’ambiguïtés dans la carrière de Gerson est peut-être excessif, mais ses silences sont certainement aussi significatifs que ses prises de position publiques. Son attachement à Pierre d’Ailly, auquel il restera toujours fidèle, lui permet d’accéder à la chancellerie de l’Université. À cette époque, celui-ci s’est déjà rallié au parti orléaniste et avignonnais, mais cela n’empêche pas Gerson de rester longtemps dans la mouvance du duc de Bourgogne, jusque après la mort de Philippe le Hardi. Comme l’auteur le rappelle, il n’approuvait certainement pas les agissements de Jean sans Peur ; cependant, par modération ou prudence, il a évité la confrontation aussi longtemps que possible. Le mécontentement du duc face à la tiédeur du chancelier a dû amener à la rupture. Mais celle-ci a mis du temps à venir, la pression de l’Université elle-même ayant eu certainement son poids, et ce contexte explique, autant que l’obligation de résidence et que le mûrissement profond de sa démarche intérieure, ses séjours à Bruges, son absence ou ses silences lors des compromettantes assemblées du clergé traitant de la soustraction d’obédience, son attentisme pendant plusieurs années après le meurtre de Louis d’Orléans. La lecture d’E. Ornato Jean Muret, 1969 et B. Guenée Entre l’Église, 1987 ; Un meurtre, 1992 apporte des éclairages complémentaires à la dimension spirituelle des prises de position d’un acteur certainement d’importance à l’époque, et qu’on attendait au tournant. 96De même, le point de vue adopté maintient l’étude à l’écart d’un aspect fondamental de la production de Gerson ce dont l’auteur est parfaitement conscient, cf. p. XI-XII, 14, aspect que Th. Hobbins a mis récemment en évidence The American Historical Review, 2003 le caractère public » des traités gersoniens, leur adaptation dans la forme à un auditoire dépassant les limites de l’Université. Gerson a joué un rôle essentiel dans l’évolution de la production universitaire, délaissant la somme systématique pour le traité ponctuel sur un sujet spécifique ; sans doute, il a cherché avant tout l’efficacité dans ses réactions à l’actualité, sans mesurer véritablement la portée de sa démarche, mais il y a là un point de vue à ne pas négliger pour comprendre la personnalité du chancelier. 97On retiendra enfin les perspectives qui se dégagent des remarques consacrées à l’humanisme de Gerson. À juste titre, l’auteur souligne p. 30, 35-36, 42 que, loin d’être une dimension culturelle qui s’ajoute aux multiformes intérêts du chancelier, il s’agit d’une véritable arme dont celui-ci se sert adroitement. Dans la promotion de ce qui lui tient à cœur, Gerson pratique les techniques rhétoriques les plus efficaces afin d’atteindre le but recherché. Son attention au style n’est pas un loisir érudit le Pastorium carmen, première églogue humaniste en France, est une prise de position sur le schisme ; la Josephina, premier poème virgilien d’argument scripturaire très différent dans son organisation et dans son contenu par rapport aux élaborations théologiques des siècles antérieurs, est une pièce de propagande en faveur du culte de saint Joseph, conçue pour être diffusée à Constance. L’attitude de Gerson est en fait révélatrice de l’importance que les nouvelles exigences stylistiques ont prise dans les milieux lettrés de l’époque. Certainement marginales par rapport à la culture aristocratique, elles s’imposent cependant sans réticence lorsqu’il s’agit de toucher un public choisi d’universitaires et de prélats. 98La chronologie établie par Mgr Glorieux – s’appuyant elle-même sur les études qui l’ont précédée – est à la base de l’approche de l’auteur et, pour limiter les dimensions du livre, celui-ci préfère ne pas rentrer dans des querelles érudites sur des points particuliers. Le résultat est certainement valable ; parfois il serait cependant possible d’envisager d’autres pistes. Ainsi, en suivant G. Ouy Cahiers de l’Association internationale des études françaises, 1971, il faudrait repousser la date du petit poème Contra curiositatem faciendi plures libros plutôt à la dernière période de la vie du chancelier, la simple réminiscence biblique qui fournit le thème ne permettant pas de lier la composition de ces vers à la lettre adressée aux membres du collège de Navarre en 1400. 99Un dernier chapitre évoque rapidement le legs de Gerson les manuscrits de ses œuvres tout de suite après sa mort, mais aussi le culte dont il a été l’objet à la fin du XVe siècle, puis au XVIIe ; la manière dont ses ouvrages ont été reçus, notamment par les réformés, d’abord au niveau européen – ce dont témoignent les traductions latines de ses œuvres en français –, ensuite essentiellement en France comme source d’inspiration pour les gallicans et les conciliaristes modernes. En conclusion sont évoqués l’échec des exigences de réforme incarnées par Gerson – échec à l’origine de la situation qui mènera aux déchirements du XVIe siècle – et l’actualité de sa spiritualité, dans sa dimension à la fois scolastique et affective, émotionnelle. Vient ensuite la chronologie de la vie du chancelier et des événements auxquels sa vie est liée, ainsi que des principaux moments qui révèlent sa vitalité jusqu’à nos jours. Un guide bibliographique, organisé de manière méthodique et discursive selon les différents axes d’intérêt que la production gersonienne présente, puis la bibliographie générale sources et études, enfin l’index incluant noms propres et notions complètent le volume. 100G. Matteo ROCCATI, Université de Turin. Martin Aurell, Jean-Paul Boyer, Noël Coulet, La Provence au Moyen Âge, Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence, 2005, 360 p. 101Cet ouvrage sur la Provence médiévale était attendu depuis longtemps. Aucune synthèse n’a, en effet, remplacé l’ancienne encyclopédie des Bouches-du Rhône, parue en 1924. L’histoire de la Provence médiévale y est divisée en trois grands chapitres rédigés par des plumes différentes. La première partie est rédigée par Martin Aurell et correspond à une période allant de 972 à 1245, décrite comme la genèse de la Provence comtale ». La deuxième partie est écrite par Jean-Paul Boyer. Elle embrasse une période allant de 1245 à 1380 que l’auteur a intitulé l’éphémère paix du prince », et couvre le temps de la première maison d’Anjou. Enfin, une dernière partie est rédigée par Noël Coulet. Celle-ci concerne les années 1380 à 1482 et a pour titre L’ultime principauté de Provence ou la seconde maison d’Anjou ». 102M. Aurell s’attache à la présentation de la période peut-être la moins étudiée par les historiens contemporains. Il explique brillamment la construction de la Provence depuis l’éclatement de l’Empire carolingien et la domination des grands lignages aristocratiques jusqu’à la domination catalane. Cette domination ne s’imposa pas facilement en raison des conflits avec la maison de Toulouse et l’opposition d’une partie de l’aristocratie dont la célèbre maison des Baux. Néanmoins, appuyée par la chevalerie urbaine, très nombreuse en Provence – celle-ci apporta un soutien politique, militaire et financier en vue d’obtenir un ordre que l’aristocratie ne pouvait assurer à cause de son goût pour la guerre et le brigandage –, la nouvelle dynastie parvint finalement à assurer son emprise sur le territoire. Elle profita également de l’appui des évêques, de la renaissance du droit romain et de l’apparition d’un nouveau personnel politique formé au droit savant. À partir d’Aix-en-Provence, qui s’affirma progressivement comme la capitale du comté, les comtes catalans contrôlèrent petit à petit l’espace provençal en affirmant leur possession exclusive de droits régaliens tels que l’albergue, la cavalcade et la justice. C’est le temps de la genèse d’un appareil administratif construit à partir de la curia et d’une administration locale, avec l’apparition de bailes locaux dont les attributions ne cesseront d’augmenter au cours du siècle. Furent ainsi posées les bases des futures baillies provençales dont la première mention date de 1209. Il en résulta le déclassement progressif des vieilles familles aristocratiques en même temps que s’affirmait l’expansion urbaine. 103En parallèle à l’évolution politique, l’auteur aborde le renouveau monastique de la fin du Xe siècle dont la figure dominante fut Cluny et le monastère de Saint-Victor. Devenu le centre de la réforme en Provence, Saint-Victor entreprit une lutte pour libérer les évêchés du contrôle aristocratique, bataille gagnée dans les années 1100. Dans le même moment, l’abbaye fut aussi gagnée par l’entreprise de pacification initiée par Cluny. C’est en Provence que ce mouvement trouva son application pratique par le biais de la trêve de Dieu. L’Église provençale en sortit renforcée avec des évêques au prestige accru et affranchis de l’emprise aristocratique. 104M. Aurell insiste sur l’important mouvement communal que connut le comté à la fin du XIIe siècle et au début du XIIIe siècle, même si, selon lui, l’histoire du mouvement communal provençal reste encore à faire. Portés par une alliance entre le comte, les évêques et la chevalerie urbaine, et grâce à la diffusion du droit romain, les consulats urbains fleurirent à partir du deuxième tiers du XIIe siècle et s’étendirent jusque dans les plus petits villages. À l’image de l’Italie voisine, la podestarie se développa à partir des années 1220 pour voir apparaître, à partir de 1245, une nouvelle forme d’organisation, la confrérie. Cette dernière constitue une radicalisation de la lutte contre les évêques marquée parfois de violentes manifestations d’anticléricalisme. En écho à la lutte entre le Sacerdoce et l’Empire, des partis politiques se mirent en place, autour du parti clérical et autour de gens hostiles à la domination des prélats » animés par des vicaires impériaux. Ce dernier parti se radicalisa au fur et à mesure que les marchands et artisans entrèrent dans les institutions communales. L’auteur clôt sa contribution en s’attardant sur les idéologies et méthodes de combat au sein de ces mouvements ainsi que sur les stratégies personnelles des individus tout en soulignant le soutien apporté par les troubadours provençaux qui écrivent de nombreuses chansons politiques stigmatisant l’épiscopat provençal. 105Jean-Paul Boyer traite de la période correspondant à la première maison d’Anjou 1245-1380 en abordant successivement les événements politiques, les structures politiques de la monarchie angevine, la papauté avignonnaise, l’activité économique ainsi que l’histoire culturelle et religieuse pour terminer avec le règne de la reine Jeanne 1343-1380 décrit par l’auteur comme un épilogue tragique ». Il s’attache particulièrement à l’étude des structures politiques ainsi qu’à l’action culturelle et religieuse de la nouvelle dynastie. 106L’auteur explique habilement l’unification politique et culturelle de la Provence ainsi que le développement de l’État provençal sous la première dynastie angevine. De l’installation des Angevins – laquelle se fit sans grandes difficultés grâce, souligne-t-il, à la désunion de leurs adversaires » et une aspiration générale de la société à l’ordre et à la sécurité » – au renforcement de la monarchie guelfe sous Charles II et Robert Ier, ce sont les grandes années de la puissance angevine ». Cette installation fut toutefois marquée par la fin des libertés consulaires des communes provençales et l’instauration de l’autorité du comte sur les villes au moyen de leur administration directe par le comte. Cela n’empêcha pas toutefois les communautés de garder une personnalité morale et d’élire des représentants appelés syndics. Elles conservaient donc un minimum de pouvoir d’expression ». 107Une fois les résistances vaincues, commença la collaboration des élites dirigeantes avec le nouveau pouvoir. Le comté fut intégré dans la grande politique italienne et orientale de la dynastie angevine. Base arrière de l’expansion angevine, il fournit hommes et ressources matérielles aux ambitions des rois de Naples sans pour autant, selon l’auteur, en tirer des bénéfices substantiels. C’est la grande époque de l’État angevin, lequel renforça sa domination dans tous les domaines. Systématisant sa seigneurie majeure » et s’appuyant sur le concept de mère empire, issu du Digeste et signifiant le pouvoir du glaive, pour châtier les hommes », le comte parvint à mieux définir sa domination grâce aux ressources offertes par le droit romain. La justice constitua ainsi le principal outil de la souveraineté des comtes angevins qui affirmèrent gouverner le comté en tant que rois. La Provence développa alors un appareil administratif de plus en plus autonome de la cour napolitaine en raison de l’absence du souverain. Cette croissance des institutions gouvernementales fut accompagnée de la multiplication du nombre d’officiers, en grande partie des jurisconsultes. Une des caractéristiques provençales, fait remarquer l’auteur, fut le contrôle poussé de l’espace par l’intermédiaire de circonscriptions administratives vigueries ou baillies quadrillant parfaitement le territoire. Un autre outil fut la systématisation des enquêtes qui permirent à la fois de surveiller le personnel administratif et de faire valoir les droits du roi partout sur le territoire. 108Cette affirmation de la dynastie angevine ne fut également possible sans l’adhésion profonde des Provençaux à son programme politique et idéologique. Boyer insiste sur l’établissement de liens de nature religieuse, voire affective » entre le roi et le pays, liens s’appuyant sur la sainteté revendiquée de la dynastie angevine, défenderesse par excellence de l’Église, et son adhésion aux valeurs mendiantes. 109L’auteur termine sa collaboration en offrant une vision très sombre du règne de la reine Jeanne. Cette interprétation aurait pu être nuancée en soulignant davantage la résistance de l’appareil administratif, lequel, malgré les difficultés politiques et économiques, parvint en collaboration avec les États de Provence à prendre en charge le pays. 110Enfin, N. Coulet s’attelle à la tâche de traiter de la seconde maison d’Anjou 1380-1482. À cette fin, il décrit les nombreux troubles de la fin du XIVe siècle pour expliquer par la suite la crise économique et les difficiles reconstructions du XVe siècle. Il traite ensuite de la vie religieuse de la fin du Moyen Âge pour terminer sa contribution avec un rapide aperçu du gouvernement de la Provence au XVe siècle. 111L’auteur entame sa présentation du XVe siècle par une description narrative des troubles de la fin du siècle précédent marquée par l’irruption de Raymond de Turenne et la difficile succession de la reine Jeanne, laquelle donna lieu à l’opposition des principales villes de Provence et la guerre de l’Union d’Aix. L’auteur met l’accent sur les difficultés économiques du temps et la lente reprise économique. La ponction démographique fut particulièrement importante, le comté n’échappant au désastre que grâce à un afflux » d’immigrants qui permirent le redémarrage de la production » au XVe siècle. N. Coulet souligne avec justesse les modifications que la crise apporta à l’agriculture provençale l’importance nouvelle du froment et de l’olivier, l’apparition des bastides, l’augmentation de la taille des troupeaux d’ovins et la croissance de la transhumance, organisée par de véritables entrepreneurs urbains. 112Cet ouvrage se veut une synthèse de l’histoire de la Provence médiévale intégrant les résultats des dernières recherches. Dans un ouvrage de cette ampleur, l’absence du haut Moyen Âge peut a priori surprendre. Cela s’explique par le choix éditorial de la maison d’édition à l’origine du projet. Un volume portant sur l’histoire de la Provence des origines à l’an mil est sorti il y a plusieurs années P..A. Février, La Provence des origines à l’an mil, Rennes, Éd. Ouest-France, 1989. Cet ouvrage s’en veut la prolongation. 113Confier l’écriture de chaque chapitre à un historien différent comporte des avantages certains. Cette formule permet de s’assurer que les meilleurs spécialistes prennent en charge l’écriture de chaque pan de l’histoire de la Provence. Les auteurs. réussissent ainsi la gageure de présenter, en un peu plus de 300 pages, les événements principaux de l’histoire de la Provence au Moyen Âge tout en expliquant les structures de la société provençale. Il en résulte par contre un manque d’unité générale de l’ouvrage. Même si chaque historien s’est efforcé de traiter tous les aspects de l’histoire provençale, il n’en reste pas moins que chacun reste influencé par ses propres intérêts de recherche. Ce problème reste cependant mineur. 114Un peu plus gênante est l’absence d’une véritable synthèse finale. La conclusion déçoit quelque peu par sa relative brièveté 4 p.. Riche en suggestions, elle propose des pistes de réflexion qui auraient mérité d’être davantage explorées. Comment, par exemple, s’articulent les influences extérieures catalanes, siciliennes, italiennes, françaises et comment ont-elles pu contribuer à l’originalité provençale ? Il aurait été également pertinent d’aborder l’histoire de la Provence en fonction du rapport centre-périphérie. Le comté a souvent été orphelin de son comte, lequel résidait le plus souvent à l’extérieur. Comment cette absence influença-t-elle l’histoire du comté ? D’autre part, les auteurs soulignent à juste titre la rupture de la fin du XIVe siècle et du début du XVe siècle. Comment explique-t-on les différences frappantes entre la Provence de la première et de la seconde maison d’Anjou ? Si les auteurs nous présentent bien les changements intervenus dans l’administration du comté à partir du règne de la reine Jeanne et sous la seconde maison d’Anjou XVe siècle, il aurait été souhaitable que soit fait état des hypothèses expliquant ce cycle de difficultés et de tragédies ». L’importance des liens de clientèle ainsi que l’instauration d’une nouvelle féodalité paraissent être les spécificités du XVe siècle provençal, thèmes qu’il aurait été souhaitable d’exploiter davantage plutôt que de seulement affirmer que la Provence est un exemple parfait du mécanisme des crises de la fin du Moyen Âge ». 115Ces quelques carences restent cependant mineures. Au total, cet ouvrage constitue une excellente synthèse, indispensable à tout étudiant ou chercheur s’intéressant à l’histoire de la Provence médiévale. 116Jean-Luc BONNAUD. Serena Morelli, Le carte di Léon Cadier alla Bibliothèque nationale de France. Contributo alla ricostruzione della Cancelleria angioina, Rome, 2005, 354 p. École française de Rome, Sources et documents d’histoire du Moyen Âge », 9 ; Istituto storico italiano per il Medio Evo, Fonti per la storia dell’Italia medievale, Antiquitates », 20. 117Jusqu’en 1943, l’Archivio di Stato di Napoli détenait les archives venues de la première monarchie angevine » de Sicile 1266-1435, la dynastie fondée par Charles Ier 1285, frère de Saint Louis. Ces archives angevines ne rassemblaient que des épaves du passé. Elles demeuraient énormes, avec plus de 500 000 documents. Pendant la guerre, elles furent abritées dans une propriété de la campagne napolitaine. Les Allemands incendièrent ce refuge, le 30 septembre 1943. Le fonds périt dans sa presque totalité. Heureusement, des éditions nombreuses, des reproductions, des copies et des analyses demeuraient. Le directeur du dépôt sinistré, Riccardo Filangieri, lança la reconstruction, sous forme imprimée, du trésor perdu. Établi à son initiative, l’Ufficio della Ricostruzione angioina se tourna vers la principale série détruite, celle des registres ». Ils réunissaient les actes émanant du pouvoir central. Le premier volume des Registri della Cancelleria angioina ricostruiti parut en 1950. Parvenue en 2005 au tome 48 année 1293-1294, l’entreprise est désormais très avancée. En 1995, une étape supplémentaire a été franchie avec l’inauguration d’une collection consacrée aux Fascicoli ricostruiti. Les Fascicoli regroupaient surtout les recueils où les agents de l’administration périphérique transcrivaient les actes touchant leur office. Ils les adressaient ensuite à la cour. L’effort de restauration, poursuivi depuis une soixantaine d’années, entre en synergie avec une recherche attentive du matériel réuni par les érudits qui fréquentèrent l’Archivio di Stato de Naples avant le sinistre de 1943 Stefano Palmieri, Degli archivi napolitani, storia e tradizione, Naples, 2002. 118La documentation sur le régime angevin collectée par Léon Cadier 1862-1889 compte parmi les principales, entre analyses et transcriptions. Elle regarde les trois premiers souverains de la maison, de Charles Ier à Robert 1309-1343. Elle concerne surtout les gouvernements de Charles Ier et de Charles II 1285-1309, en relation avec la grande ambition de Cadier. Il désirait combattre la thèse répandue au premier chef par Michele Amari, dans La guerra del Vespro siciliano 1re éd., 1840 ; éd. définitive, 1886-1887. Il voulait répliquer à qui voyait, dans les Vêpres siciliennes 1282, un soulèvement contre la mala segnoria angevine Dante, Paradiso, VIII, 73. Il entendait montrer la qualité de l’administration de Charles Ier et de Charles II. Dans ce but, il s’intéressait non seulement à la cour, mais encore aux institutions territoriales, selon une orientation moins commune. Cela le conduisait à des investigations dans les fascicoli. Elles donnent un prix particulier à ses recherches. Parue en 1891, l’œuvre majeure de Léon Cadier, Essai sur l’administration du royaume de Sicile sous Charles Ier et Charles II d’Anjou, continue de faire autorité. Elle a bénéficié d’une traduction italienne en 1974. Il s’agit toutefois d’un livre posthume et inachevé, en raison de la mort précoce de l’auteur. 119Ses archives n’en restent que plus précieuses. Le principal s’en conserve à la Bibliothèque nationale de France. Il était tombé dans un presque oubli, avant que Serena Morelli ne le porte au jour. Elle donne dans son récent ouvrage 277 transcriptions du fonds Cadier, en grand part inédites, pour les années 1285-1293. Ses choix s’articulent avec le travail mené par l’Ufficio della Ricostruzione angioina. Ils réparent certaines lacunes des Registres reconstruits parus. Ils fournissent des extraits des Fascicoli. La présentation des textes est irréprochable. Un bon index des lieux et des personnes donne accès à leur contenu. Reste un petit regret pour l’absence d’un index des matières. 120Mais Serena Morelli ne se borne pas à cette tâche profitable d’édition. Elle offre une excellente introduction, d’une soixantaine de pages. La présentation de Léon Cadier lui permet de dresser le portrait exemplaire d’un jeune savant français de la fin du XIXe siècle. Il bénéficiait des grandes initiatives intellectuelles de son pays, telle la création de l’École française de Rome 1875, dont il fut élève. La fierté nationale et le désir de réparer l’opprobre de 1870 aident à comprendre sa démarche. Cette étude du personnage contribue à éclairer l’historiographie angevine des premières générations, jusqu’au début du XXe siècle. Par ailleurs, Serena Morelli analyse les actes les plus remarquables qu’elle publie. Elle s’attarde sur l’administration provinciale des justiciers. De la sorte, elle continue le projet brisé de Léon Cadier. Elle le fait déboucher sur la dimension d’histoire sociale qui lui manquait un peu. Elle-même se confirme comme un très bon spécialiste de l’organisation territoriale du royaume angevin de Sicile voir, en dernier lieu, Il personale giudiziario del regno di Napoli durante i governi di Carlo I e Carlo II d’Angiò », La justice temporelle dans les territoires angevins, Boyer, A. Mailloux et L. Verdon dir., Rome, 2005, p. 159-169. 121Jean-Paul BOYER. Marie-Madeleine de Cevins, Jean-Michel Matz dir., Formation intellectuelle et culture du clergé dans les territoires angevins milieu du XIIIe - fin du XVe siècle, Rome, École française de Rome Collection de l’École française de Rome, 349 », 2005, 382 p. . 122Rassemblant les actes d’un colloque qui poursuivait une série de rencontres consacrées aux Angevins entre les mains desquelles furent divers royaumes et principautés d’Europe, le volume compte une vingtaine de contributions traitant d’histoire intellectuelle et culturelle. Le clergé est placé au centre de l’observation, en un domaine où son poids demeure encore prééminent à la fin du Moyen Âge. Les études sont agencées thématiquement la formation, les bibliothèques, puis quelques acteurs ou groupes marquants sont abordés selon une logique qui revient à juxtaposer les points de vue géographiques. La focalisation angevine n’est souvent qu’un prétexte pour présenter une étude particulière et le lecteur se demande tout au long du volume, jusqu’à en trouver confirmation dans les propos conclusifs, si elle ne relève pas de l’artifice, sauf à démontrer, ce qui paraît difficile, que la présence au pouvoir de princes angevins a pu avoir une incidence sur la culture de clercs d’ailleurs parfois étrangers à l’aire angevine, comme le relèvent lucidement plusieurs auteurs. 123Ce scepticisme sur la pertinence d’un sujet trop éloigné du champ politique et institutionnel jusqu’ici à bon droit au cœur des colloques angevins n’enlève rien à la qualité de la majeure partie des contributions. L’introduction tente de justifier le thème retenu en posant la question des échanges culturels au sein d’une aire angevine à géométrie variable et en observant que celle-ci a abrité universités et ordres mendiants, ce qui n’a rien de très spécifique. La question à poser était plutôt celle du degré d’implication des princes angevins du même sang que Saint Louis dans l’amélioration ici intellectuelle du clergé. On ne la voit nulle part comme on ne voit nulle part la moindre tentative de comparaison interangevine, conséquence probable dans l’hyperspécialisation dans laquelle se réfugient désormais les chercheurs. 124La partie consacrée à la formation des clercs est à haute teneur magyare la moitié des contributions et concerne tous les types de clercs, moines royaumes de Naples et de Hongrie, ermites, chanoines Toul, évêques Maine, Anjou, Provence. Il est bien difficile de croire que les Angevins aient quoi que ce soit à voir avec des situations façonnées par l’histoire locale, à quelques fondations près. En Italie méridionale, où le réseau monastique précède de beaucoup la venue de Charles d’Anjou, s’observent les mêmes traits qu’ailleurs. Seuls les Célestins paraissent soucieux de former leurs membres en créant un lieu d’accueil à Bologne. En Hongrie, les Bénédictins se réforment à partir de 1327. Il est vrai que le roi Charles-Robert soutient activement le mouvement et, en matière de formation, l’impulsion vient de la bulle Benedictina du pape Benoît XII 1336 mais antérieurement, le développement après 1250 d’une sorte de rôle notarial dans les chapitres et monastères loca credibilia avait conduit à renforcer la formation juridique de certains clercs. Les Bénédictins hongrois sont pourtant loin d’atteindre un haut niveau culturel au XIVe siècle. Ils font piètre figure à côté des chanoines une contribution évalue celle des membres du chapitre d’Esztergom, à haute teneur canonique, des Mendiants ou des ermites de saint Paul, ordre apparu au XIIIe siècle, structuré avec l’appui royal au XIVe. Une contribution d’orientation assez peu culturelle leur est consacrée. Celle de de Cevins pose la question de la formation du clergé paroissial hongrois. Autant celle des chanoines semble avoir progressé, autant celle des desservants de paroisse est difficile à évaluer. Il faut attendre 1515 pour que la capacité d’écrire soit requise des clercs séculiers ! Et, comme l’auteur le signale honnêtement, les rois angevins ne se préoccupent guère de la question durant leur domination. Ils sont étrangers au développement d’un réseau d’écoles paroissiales au XIVe siècle ainsi qu’à l’épanouissement des écoles cathédrales dans un royaume sans université durable le studium de Pécs fondé en 1367 disparaît à la mort du roi Louis le Grand. Les communications concernant l’aire francophone apportent des éléments intéressants en soi sur la formation des chanoines de Toul dans la Lorraine angevine du XVe siècle ou sur celle des évêques provençaux, manceaux et angevins, formés à la gestion des diocèses plus qu’à la pastorale, mais rien de tout cela n’a de saveur spécialement angevine. Ces études mordent d’ailleurs sur la seconde partie en abordant les livres et les bibliothèques, et certaines débordent les cadres fixés certes Angevin d’origine, Guillaume Fillastre n’a jamais été effectivement évêque et l’essentiel de sa bibliothèque a été constituée durant son canonicat rémois, loin de la douceur du Val de Loire. 125La seconde partie regarde donc les livres et les bibliothèques de prélats ou de chapitres. On connaît partiellement celles des prélats d’Italie méridionale grâce à l’exercice par le pape du droit de dépouille qui a suscité des inventaires de biens saisis à la mort des évêques, en l’occurrence souvent pauvres en ouvrages dans les évêchés reculés du Mezzogiorno. Ces ouvrages sont de nature essentiellement juridique, liturgique et patristique avec un certain intérêt pour la médecine proximité de Salerne ?, aucun pour les humanités. Trois bibliothèques archiépiscopales aixoises du XIVe siècle sont étudiées sans qu’y soient spécialement discernés d’incertains traits angevins. Même chose pour celle d’un évêque marseillais mort en 1257 ou pour la bibliothèque capitulaire d’Angers inventoriée en 1472. Le travail qui porte sur les bibliothèques de trois grands chapitres du royaume de Hongrie Vészprém, Presbourg, Zagreb note leur étanchéité à la théologie systématique. Ces solides études ont l’avantage de donner des éditions de document. 126La dernière partie regroupe des études de figures intellectuelles épanouies ou vénérées dans l’aire angevine. Soit il s’agit de groupes frères mineurs, clercs cultivés, plutôt provençaux, envoyés au concile de Pise, soit de personnages comme Thomas d’Aquin ou François de Meyronnes. La culture franciscaine s’est développée en Provence à partir d’Hugues de Digne, joachimite orthodoxe » dont le portrait intellectuel et spirituel est retracé. L’auteur de la communication insiste sur la présence de frères cordeliers à la cour angevine de Provence on aurait aimé un rappel de la dilection de Robert d’Anjou, à Naples, pour le même ordre et sur de grandes figures comme Pierre-Jean Olivi et saint Louis d’Anjou, éduqué au couvent de Brignoles, enterré avec Hugues de Digne et sa sœur Douceline au couvent des Mineurs de Marseille. Un autre franciscain provençal célèbre pour ses réflexions politiques, François de Meyronnes, est ensuite étudié. Bien en cour napolitaine et pontificale, le théologien a reçu une formation très classique mais a développé des positions originales défendues selon des procédés rhétoriques particuliers. À Naples a enseigné brièvement Thomas d’Aquin 1272-1273, membre d’un ordre dominicain auquel deux provinces angevines » ont beaucoup apporté sur le plan de l’organisation des études, la Provence et la province romaine qui comprenait le Midi italien avant l’érection d’une province de Sicile en 1294-1295. En cette région se développèrent des studia provinciaux de théologie, intermédiaires entre l’école conventuelle et le studium generale. Avant d’accéder à ce statut 1303, Naples abrita un studium dominicain soutenu par Charles d’Anjou et où enseigna saint Thomas. Contrairement à la légende gibeline » qui veut que l’Aquinate ait été empoisonné sur ordre du roi de Sicile, le théologien fut vénéré des rois angevins et le roi-prédicateur Robert le Sage prononça même un sermon à sa gloire à l’occasion de sa canonisation en 1323. Elle fut considérée comme un succès remporté par la royauté angevine dont le couvent napolitain San Domenico devint la nécropole. Dans l’une des meilleures contributions du volume, Boyer montre très bien comment le Docteur Angélique et sa rigoureuse doctrine ont cimenté le pouvoir royal prétendant s’exercer sur les bases de la sagesse et de la raison, mais que son culte, dépourvu de reliques, ne fut jamais vraiment populaire, concurrencé, jusque chez le monarque, par celui de saint François. L’étude est suivie de l’édition du sermon de Federico Franconi pour la fête de Thomas d’Aquin. 127En conclusion, J. Verger admet que la problématique ecclésiastico-culturelle du IVe Colloque angevin se révèle inadéquate. Les espaces angevins n’ont nulle homogénéité. Leur parcours permet seulement de multiplier les points de vue géographiques. Les territoires angevins constituent un excellent observatoire du clergé européen dans ses pratiques communes. Le volume est un instructif panorama forcément dépourvu d’une impossible synthèse et malheureusement bien pauvre en comparaisons. 128Franck COLLARD. Irmgard Fees, Ricchezza e potenza nella Venezia medioevale. La famiglia Ziani, Rome, Il Veltro, 2005, 520 p. trad. de l’allemand par Carla Vinci-Orlando, titre original, Reichtum und Macht in mittelalterlichen Venedig, die Familie Ziani, Tübingen, Max Niemeyer Verlag, 1988. 129L’éditeur italien Il Veltro, qui ne craint pas de publier des traductions de qualité a constitué depuis les années 1980 une riche collection d’histoire de Venise. Cette fois, il offre aux italianisants une thèse magistrale publiée d’abord en Allemagne sur l’histoire de la famille Ziani, qui a traversé l’histoire de Venise à la façon d’un météore, entre 1150 et 1250, en donnant à la Commune deux doges, Sebastiano et son fils Pietro. En 384 pages, Irmgard Fees commence par enquêter sur les diverses composantes de la parentèle, puis sur leurs activités commerciales en qualité de marchands ou d’investisseurs les rapports entre Sebastiano Ziani et Romano Mairano sont bien connus, avant de passer en revue les acquisitions foncières et immobilières à Venise, dans le duché et sur la Terreferme, puis d’examiner les rapports que les membres les plus éminents de la famille ont noués avec l’Église, en particulier avec les monastères bénédictins par le biais de l’avouerie, puis avec les franciscains, pour conclure sur le rôle politique, social et culturel de cette famille ducale. Un appendice d’une centaine de pages passe en revue l’ensemble des sources utilisées et publie quelques documents. Ces sources vont au-delà de l’extinction des mâles du lignage ; elles s’arrêtent en réalité avec la liquidation, un siècle plus tard, des biens gérés par les tutelles. Conformément à la tradition allemande, Irmgard Fees commence par inscrire son sujet dans le grand débat historiographique qui opposa au début du siècle passé Werner Sombart et Reinhard Heynen à propos de la naissance du capitalisme, le premier tenant pour l’antériorité et le caractère décisif de la propriété immobilière dans l’accumulation du capital, le second voyant dans cette même propriété un effet de l’accumulation du capital marchand converti dans l’achat de biens durables, si on peut aussi brièvement résumer l’opinion de ces deux fondateurs. Heynen s’appuyait sur l’exemple du grand marchand déjà cité, Mairano. I. Fees, étudiant le capitaliste qui par ses investissements permit à Mairano de faire d’excellentes affaires dans toute la Méditerranée, confirme le bien-fondé des thèses de Heynen et conclut p. 382 que la base déterminante de la puissance et de l’autorité au XIIIe siècle à Venise était toujours encore une activité dans le commerce et les affaires ; richesse et puissance étaient inséparablement liées au commerce ». Prenant comme sujet d’étude deux partenaires étroitement liés en affaires, comme Ziani et Mairano, y avait-il une autre conclusion possible ? Il faut remarquer que le nom même de Ziani apparaît tardivement 1079, mais en 1089 un curé, appelé Marcello Ziani, avait de son vivant donné à l’abbé de San Giorgio toutes les salines d’un fondamento de Murano, dont les propriétaires, de la famille Lupanico authentique vieille famille, rappelaient au donataire qu’il ne faudrait pas oublier de leur verser le cens annuel sur la récolte et le quint en cas de vente du bien, ce que le tenancier livellaire n’avait pu céder. De toute façon, I. Fees passe scrupuleusement en revue tous les biens fonciers, après avoir abordé les investissements commerciaux, mais, en marge de ce modèle d’érudition, elle pose l’hypothèse a priori que le premier investissement de Sebastiano Ziani, soit 1 000 hyperpères, prêtés en 1146, étant donné son exceptionnelle importance, ne pouvait provenir que de gains commerciaux antérieurs sur lesquels la documentation est muette, car rentes foncières et loyers ne procuraient, écrit-elle, que de modestes avantages. S’il est vrai qu’ensuite on voit les Ziani acheter massivement ou pièce à pièce des biens immeubles, on doit quand même se demander si le choix d’une autre famille, plus antique, aux biens mieux établis –, et je pense ici aux Gradenigo, par exemple –, n’aurait pas confirmé avec éclat le bien-fondé des thèses de Sombart. Il est vrai que cette famille, plus durable, n’a pas disposé d’hommes aussi flamboyants que le chevalier Marco, brillant vainqueur de tournoi en place Saint Marc. 130Jean-Claude HOCQUET. Paola Lanaro ed., At the Centre of the Old World. Trade and Manufacturing in Venice and the Venetian Mainland, 1400-1800, Toronto, Centre for Reformation and Renaissance Studies Essays and Studies », 9, 2006, 412 p. cartes, illustrations, glossaire et index. 131Autrefois, quand l’économie vénitienne se confondait avec le commerce maritime et, au premier chef, avec les voyages des galées, la seule industrie florissante était la construction navale dans le vaste chantier d’État de l’Arsenal, plus grande entreprise européenne ; il avait alors suffi à quelques hardis navigateurs de créer une nouvelle route des épices pour entraîner l’irrémédiable décadence. Commença alors une véritable course au déclin parmi les historiens, certains n’hésitant pas à en voir les signes avant-coureurs dès la seconde moitié du XVe siècle, quand le patriciat marchand, soucieux de diversifier ses investissements, se serait tourné vers l’achat et la mise en valeur de propriétés sur la Terreferme. Braudel ayant réhabilité le XVIe siècle, il avait été entendu que la crise ne s’abattait sur Venise, sur l’Italie et sur l’ensemble méditerranéen que vers les années 1620-1630. Il est vrai que l’historiographie vénitienne se prêtait à cette lecture dans la mesure où la plus ancienne statistique aurait remonté au discours-testament prêté au doge Mocenigo qui, dans un éclair de lucidité, aurait mis en garde contre la politique de conquêtes en Lombardie de son successeur non encore désigné. On n’en a pas fini avec ce discours qui demeure la référence à laquelle confronter le devenir économique de la cité ; j’avais pourtant exprimé des soupçons dès 1975 Voiliers et commerce en Méditerranée, p. 536, n. 42, avant qu’Alan Stahl ne publiât en 1995 un article définitif The deathbed oration of Doge Mocenigo », qui démontait le mécanisme de fabrication du document. Une seconde difficulté venait obscurcir la situation dans l’État vénitien, on étudiait presque exclusivement la capitale bien servie par ses incomparables archives, on se contentait aussi de dépouiller les seules archives politico-administratives, les registres des conseils, en particulier le Sénat et, avec Reinhold Mueller, les Procurateurs de S. Marco. Ces temps sont révolus et Paola Lanaro a réuni une équipe d’historiens, souvent élèves de Mueller, pour nous livrer une réinterprétation de l’histoire économique de Venise. À l’issue de la lecture, on ne se pose plus la question de savoir si Venise a connu une révolution industrielle ni si celle-ci a été brutalement stoppée par quelque catastrophe démographique ou par les concurrences étrangères, non plus portugaise, mais anglo-hollandaise, et par une persistante hostilité ottomane. La réponse est venue à la fois d’une ouverture aux archives des villes de la Terreferme et d’un renouvellement des sources consultées, notamment les inépuisables archives notariales, et d’un questionnement inspiré du concept wallersteinien de world-economy qui débouche ici sur la construction d’une économie régionale à laquelle ont participé les différentes villes de l’État, et pas seulement la capitale, tout un réseau de foires, de routes, de canaux, qui a mobilisé les ressources anciennes l’élevage transhumant du mouton, les mines et nouvelles l’énergie hydraulique de la zone des collines, l’élevage du ver à soie, un essor auquel ont contribué les nobles vénitiens, dont la figure la plus emblématique reste celle de Nicolò Tron qui, vers 1718, fonda la lainière lanificio de Schio laquelle, en 1732, employait 600 ouvriers, puis celle de Follina, où il produisait, aidé de techniciens étrangers, des draps bon marché pour l’exportation. Insister sur ces nouvelles implantations proches de Vicence nuance le jugement né de la consultation de la courbe calamiteuse sur les mouvements longs de l’industrie lainière à Venise aux XVIe et XVIIe siècles. Depuis, plusieurs auteurs Molà s’étaient penchés sur une industrie nouvelle qui avait pris brillamment le relais la soierie. 132Le livre examine l’histoire industrielle et commerciale de la République de Venise entre le début du XVe siècle et la fin du XVIIIe, en commençant par Venise elle-même, d’abord les draps de laine Andrea Mozzato, les tissus de soie Marcello della Valentina et l’industrie du verre Francesca Trivellato, Walter Panciera traçant une conjoncture précise de chacun des secteurs industriels de la ville, y compris de l’industrie chimique et pharmaceutique et de l’imprimerie, et dégageant le rôle des forces productives, à l’intérieur des corporations ou à l’extérieur, ainsi de l’emploi du travail féminin. La seconde partie traite de l’État, du Veneto et de la Lombardie vénitienne autour de Brescia et de Bergame. Cette dernière ville constitue à bien des égards la découverte du livre, tant sont grand son dynamisme, variées ses activités, experte sa main-d’œuvre, renommée sa foire. Les A. examinent à la fois, en divers secteurs géographiques, l’industrie urbaine et la proto-industrie du monde rural où se développe le Verlagssystem Edoardo Demo traite de la laine et de la soie ; Belfanti, d’une industrie nouvelle, la bonneterie ; Favero, de la nouvelle céramique autour de Bassano ; Luca Mocarelli, de l’activité manufacturière en Lombardie ; tandis que Vianello revient en Vénétie pour étudier la diffusion de la manufacture rurale produisant pour les marchés locaux. Dans chacune des contributions, on voit Venise fonctionner comme centre de rayonnement de connaissances techniques et foyer d’appel de techniciens spécialisés porteurs d’innovations. Pour relancer l’industrie lainière, elle a accueilli des techniciens étrangers qui apportèrent des procédés nouveaux de filature, de travail des cardés, de teinture mixte de la laine. De nouveaux types de tissu, d’abord créés à Venise, gagnaient ensuite Vicence et Trévise. Et le port, les activités portuaires, loin d’être négligés, profitaient au contraire de l’expansion des activités industrielles pour importer les matières premières les plus variées, la laine et le coton ou le lin, l’huile, le sucre, la cire pour l’éclairage, les teintures, et exporter les produits fabriqués. Jamais le port n’avait connu par le passé une telle activité à laquelle contribuait encore le pavillon de S. Marco encouragé par une habile politique de protection et de subvention conciliant intérêts privés et défense du bien public. Bien entendu, pour protéger un environnement urbain fragile, Venise avait tendance à écarter les activités polluantes, tandis que, pour utiliser au mieux une main-d’œuvre experte et bien formée, elle se tournait de plus en plus vers l’industrie du luxe et les industries à forte valeur ajoutée, la soierie, l’imprimerie qui s’appuyait, dans la ville, sur un maillage serré de librairies, la verrerie, la porcelaine. Commence aussi à se développer une industrie nouvelle, le tourisme, qui créait de nombreux emplois dans un secteur nouveau, le tertiaire. Il reste que l’on peut reprendre l’heureuse formule d’Andrea Mozzato qui voit le noble vénitien du Quattrocento S’il n’est pas employé à temps plein dans l’appareil d’État, être actif, d’abord dans le commerce, ensuite dans la propriété foncière, enfin dans l’industrie textile. » La formule peut s’appliquer au XVIIIe siècle, si on l’inverse, car le commerce n’est plus l’élément moteur ; il a cédé la place, même si les opérateurs économiques continuaient de privilégier les productions, pour lesquelles ils savaient disposer de marchés, et d’adapter leurs produits aux goûts des clientèles, à leur pouvoir d’achat, à leur éloignement. Sachons gré à Paola Lanaro d’avoir réuni autour de son projet tant de brillants talents, jeunes ou déjà confirmés, mais dont les travaux n’avaient pas eu le retentissement mérité, notamment en France. L’historiographie vénitienne se porte bien est-ce la traduction anglaise qui commet une bévue en substituant bales à cloths, ce qui a pour effet de multiplier par sept la production drapière de la fin du XVe siècle ? Une balle de draps contenait en effet 7 pannilana de première qualité, avait pourtant averti Mozzato [p. 83, n. 49]. Disons pour terminer un mot du titre, bien explicité dans la lumineuse introduction du volume, relayée par la conclusion de M. Aymard l’ancienne ville clé du capitalisme marchand médiéval se serait trouvée devancée par l’économie marchande-financière du Nord qui aurait établi une nouvelle division internationale du travail reléguant la Méditerranée à la périphérie, mais Venise, aidée par les savoir-faire et les capitaux accumulés au temps de la splendeur, aurait rapidement réagi avec succès en explorant de nouvelles voies économiques qui la maintinrent au centre de l’ancien monde. 133Jean-Claude HOCQUET. Eric R. Dursteler, Venetians in Constantinople. Nation, Identity, and Coexistence in the Early Modern Mediterranean, Baltimore, The Johns Hopkins University Press The Johns Hopkins University Studies in Historical and Political Science », 124th series, no 2, 2006, 289 p. 134Dursteler s’est fait connaître depuis 1998 par des articles sur les relations commerciales, diplomatiques et culturelles nouées par les Vénitiens avec l’Empire ottoman et sa capitale aux XVIe et XVIIe siècles. Le contenu de ces travaux est éparpillé et élargi dans le présent livre qu’il a écrit en compagnie d’un guide, le jeune Pietro della Valle, qui, en 1614 à la suite d’une aventure galante, avait fui la ville et s’était embarqué sur un galion pour accomplir un voyage de onze années en Orient, vrai pèlerinage de curiosité » à la rencontre de cultures autres. La première étape le conduisit en deux mois à Galata. Sur ses carnets, il a décrit ses compagnons de voyage hommes et femmes, soldats, marins, marchands et passagers Il y avait, écrivait-il, des catholiques, des chrétiens, des hérétiques de diverses sectes, des Grecs, des Arméniens, des Turcs, des Persans, des Juifs, des Italiens de plusieurs cités, des Français, des Espagnols, des Portugais, des Anglais, des Allemands, des Flamands – en somme, des gens de toutes les religions et les nations du monde. » Cette taxinomie selon la religion et la nation est le point de départ d’une réflexion sur le pluralisme culturel de la Méditerranée, Venise étant choisie comme laboratoire d’analyse grâce à sa richesse archivistique, à sa tradition historiographique, aux relations durables nouées avec l’Empire ottoman, à son caractère pluriethnique et multiculturel au centre, dans la ville elle-même, et par sa périphérie, son empire maritime perçu comme frontière de l’Europe et milieu culturel où confluaient toutes sortes d’hommes porteurs des diverses cultures méditerranéennes. Venise a encore un autre mérite relevé par le perspicace Guicciardini un demi-siècle après la conquête de Constantinople et après deux guerres désastreuses, elle a appris qu’il valait mieux utiliser l’art de la défense qu’engager la bataille avec l’ennemi » p. 5, où la défense prépare non à la guerre mais à une paix durable. Dursteler va donc étudier la longue coexistence de quatre-vingts ans entre les deux États, qui succéda à quelques brefs conflits après 1500, et se termina dans la guerre de Candie 1645-1669 pour insister sur l’attitude de relative tolérance des Ottomans à l’égard des minorités à l’époque moderne, loin des clichés du conflit des civilisations », proche d’un nouveau modèle qui envisage la Méditerranée comme participant d’une civilisation islamo-chrétienne ». Au cœur de la problématique il y a la question de l’identité. 135Della Valle y répondait d’abord par la religion, élément premier d’appartenance à un groupe au début de l’époque moderne. À la différence de Dursteler, je pense que della Valle inclut dans ce classement par la religion les Grecs orthodoxes, les Arméniens et les Juifs, les Turcs sunnites et les Persans chiites, même si Turc » servait alors, pour les Européens, à désigner tous les musulmans. Les autres, les non-chrétiens, sont donc caractérisés par leur religion, et les chrétiens d’Europe par leur langue, leur culture, leur identité nationale, encore que le concept de nation fasse l’objet d’un minutieux examen critique, les chrétiens étant de leur côté qualifiés d’ infidèles » par les musulmans, sans plus de nuance. En fait, écrit Dursteler, les frontières de la foi religieuse étaient poreuses », et le sénat vénitien pouvait proclamer fièrement, après Lépante Prima semo veneziani, poi cristiani, ce qui n’a pas besoin de traduction et confirme la soif d’indépendance politique contre le désir de croisade manifesté par la papauté et l’Espagne. Bien des paysans des Balkans pensaient, comme Luther, que le turban turc est préférable à la tiare pontificale ». La société ottomane était ouverte aux chrétiens et aux juifs ; le pouvoir ottoman, loin de viser à la domination du monde et à la destruction de la chrétienté, dirigeait ses armes contre d’autres pouvoirs musulmans, Séfévides d’Iran, Mamlûks en Égypte et Syrie, ou encore au Maghreb. 136Dursteler cite le cas des Grecs du stato da mar qui se rendaient à Constantinople pour leurs affaires, s’y mariaient, s’y établissaient, impossibles à distinguer de leurs coreligionnaires sujets du sultan, sinon qu’ils se faisaient enregistrer comme sujets vénitiens auprès du baile pour n’avoir pas à payer les impôts des Ottomans. Ils jouaient alternativement des deux systèmes, au mieux de leurs intérêts, comme les Juifs qui montraient en toutes circonstances un grand souci d’adaptabilité. L’État vénitien polyglotte et polyethnique » s’étendait de Bergame à Candie et englobait des groupes antagonistes, sans cohérence religieuse, linguistique ni culturelle. C’était un tout hétérogène de territoires distincts rassemblés sous l’autorité d’institutions vénitiennes. Mais qu’est-ce qu’un Vénitien ?, demande Dursteler la législation reconnaissait cette qualité à une infime minorité, les nobles de Venise et un groupe étroit de citoyens nés dans la ville. Tous les autres, y compris ceux qui habitaient Venise, étaient des sujets. On connaît le résultat aussi bien les nobles des cités sujettes de Vénétie que les notables des îles grecques considéraient les Vénitiens comme une force d’occupation et appelaient de leurs vœux l’envahisseur qui les délivrerait de leur oppression. 137Marranes et renégats illustrent aussi ce caractère fluide de l’identité nationale, car il s’agissait de groupes compacts qui adaptaient leur identité à leur intérêt. Mais on trouve la même versatilité dans ce qui formait l’essence même de la société vénitienne, son milieu marchand. En principe, la législation réservait l’exercice de la marchandise sous pavillon vénitien aux seuls nobles et citoyens. Or beaucoup de non-Vénitiens, sujets et même étrangers fuyant les troubles religieux de leur pays, ou sujets ottomans, exerçaient le commerce illégalement, après quoi les autorités, au lieu de les sanctionner, leur accordaient la citoyenneté pour services rendus dans le commerce du Levant. 138Dursteler examine comment Vénitiens et Ottomans ont vécu côte à côte et les voies par lesquelles des peuples de diverses origines culturelles, religieuses et linguistiques ou sociales, ont agi et coexisté localement, en particulier dans la communauté vénitienne de Constantinople installée depuis la conquête à Galata qui n’était pas le ghetto pour chrétiens complaisamment décrit par les voyageurs, puisque de nombreux Turcs y vivaient et travaillaient. À l’issue de son enquête il pense avoir démontré que les sociétés pré-modernes » n’étaient ni caractérisées par des modèles rigides, intangibles d’association et d’identité, ni isolés à l’abri de barrières étanches. L’étude de la structure et des institutions de la nation vénitienne dans la capitale de l’empire, des marchands comme du monde non officiel des bandits, des esclaves, des Grecs, le persuade d’abandonner l’image traditionnelle de l’identité au profit d’un processus fluide de définition et de redéfinition, puis de privilégier la coexistence entre musulmans et chrétiens sur la frontière de la Méditerranée, loin du modèle binaire du choc des cultures ». 139Certaines données méritent qu’on y insiste. En 1588, le sénat vénitien estimait à 2 500 le nombre de Vénitiens captifs et réduits en esclavage dans l’ensemble du monde méditerranéen, mais les traités signés par Venise avec le sultan obligeaient les Ottomans à libérer ces esclaves et à les remettre au baile qui les rapatriait. L’historien n’est pas dupe du respect de cette clause humanitaire ni des échappatoires trouvées par les maîtres qui cachaient leurs esclaves dans la clandestinité. En 1567, le nonce à Venise, frappé par la multitude de Turcs » établis dans la ville, y voyait un terrain fertile pour les missionnaires jésuites, tandis qu’à Galata, lieu de perdition célèbre pour ses tavernes, de nombreux Turcs assistaient en spectateurs aux offices des grandes fêtes chrétiennes dans l’église Saint-François. En 1570, à la veille de la guerre de la Sainte-Ligue, on arrêta à Venise les marchands ottomans 65 musulmans et 97 juifs. En 1594, le baile Matteo Zane informait que le commerce des Ottomans avec Venise atteignait 400 000 ducats par an. Parmi les courtiers sensali qui négociaient les transactions entre Vénitiens et étrangers dans la ville, 20 connaissaient le turc et 4 le slavon ; en 1621, à l’ouverture du fondaco dei turchi sur le grand Canal, leur nombre était monté à 33. Venise ne pouvait se passer du commerce turc. À Constantinople, patriciens, marchands et citoyens vénitiens rencontraient les Ottomans lors des fêtes, à la chasse, dans les salons, au sérail, tandis que les popolani commoners travaillaient sur les mêmes chantiers et Dursteler exhume une liste 1596 de 46 charpentiers occupés à réparer un vaisseau vénitien, parmi lesquels figuraient slaves, Génois, gens de Messine et de Naples, Français, Romains, Grecs, Allemands et Corses. 140On est loin des vues d’un historien qui continue de faire autorité, Wilhelm Heyd, pour qui les Turcs n’ont aucun goût pour le commerce ... seulement une insatiable passion de conquêtes » cité p. 159. Dursteler a fait entendre un autre message si nous percevons le monde méditerranéen comme fait d’identités composites, assemblées de multiples couches, malléables et se construisant selon un processus dynamique de négociation plutôt que comme un objet statique obéissant à des divisions binaires Est/Ouest, islam/chrétienté qui conduisent au conflit de civilisations, alors les évidences frappantes de paix et de coexistence entre peuples de diverses religions et cultures peuvent être plus facilement saisies et offrir peut-être quelque espoir à notre époque troublée p. 185. C’est là le message des démocrates américains, et si je n’ai pas mis les guillemets à la citation, c’est par un ultime scrupule de traducteur. 141Jean-Claude HOCQUET. Claire Dolan dir., Entre justice et justiciables les auxiliaires de la justice du Moyen Âge au XXe siècle, Québec, Presses de l’Université Laval, coll. Inter-Cultures », 2005, 828 p. 142L’histoire de la justice est devenue aujourd’hui l’un des domaines les plus actifs de la recherche historique. En témoignent notamment les colloques de plus en plus fréquents qui, rassemblant de nombreux participants, parmi lesquels, à côté des pionniers, un nombre important de jeunes chercheurs, abordent des thèmes novateurs dans une perspective généralement diachronique, du Moyen Âge au XXe siècle. Le présent ouvrage en constitue un bon exemple consacré à ces oubliés, pour les uns presque complètement par exemple, les huissiers, pour certains seulement partiellement par exemple, la police et les avocats, de l’historiographie que sont les auxiliaires de justice, il rend compte d’un colloque qui a réuni à l’Université Laval à Québec en septembre 2004 plus d’une cinquantaine de participants, dont 46 communications sont ici publiées, précédées d’une présentation détaillée de la maîtresse d’œuvre, Claire Dolan. 143L’expression commode d’ auxiliaires de justice » rend mal compte d’une diversité foisonnante. Ils sont définis ici d’une manière négative l’auxiliaire, qui participe évidemment d’une manière ou d’une autre au fonctionnement de la justice, ne doit pas avoir pour fonction de juger. Le classement retenu, établi sur des bases empiriques, semble pertinent, avec deux grandes catégories, chacune subdivisée en plusieurs rubriques. La première catégorie concerne les auxiliaires de justice par fonction », avec d’une part les exécutants et la main forte » les sergents, les commissaires et la police, les gardes forestiers et les huissiers, les bourreaux, d’autre part ceux qui parlent et écrivent pour les justiciables les avocats, les procureurs, les greffiers et les notaires. La seconde catégorie concerne les autres auxiliaires de justice, ceux qui ne le sont pas par fonction, mais qui le deviennent ponctuellement du fait des circonstances le titre de cette partie ne me semble pas très explicite auxiliaires de la justice ou auxiliaires de justice ? » il s’agit d’abord du clergé dans le cadre des monitoires, puis des auxiliaires au service de la concorde » les bailes des seigneurs, les arbitres, les consistoires réformés, les suppléants de paix, qui agissent tous dans un cadre officiel, donc qu’il ne faut pas inclure dans l’infrajustice, enfin des experts sages-femmes, chirurgiens, médecins, psychiatres, ingénieurs, etc.. Seul petite critique, on peut se demander si les notaires n’auraient pas dû figurer dans la seconde catégorie plutôt que dans la première, puisque dans la plupart des cas ils ne jouent un rôle d’auxiliaire de la justice que ponctuellement. 144Si le champ chronologique retenu va du Moyen Âge au XXe siècle, et même au XXIe siècle dans une communication, il est abordé inégalement. La période moderne domine largement avec 27 communications ; et comme les 5 communications concernant l’époque médiévale ne traitent que de la fin de celle-ci et la plupart des 12 concernant l’époque contemporaine du XIXe siècle, on peut estimer que le titre de l’ouvrage est un peu trop englobant. Quant à la perspective spatiale, elle accorde de loin la plus belle part à la France avec 33 communications, mais des exemples canadiens six communications, anglais 2, brabançons et genevois 2 chacun, et même valaque une communication, permettent d’introduire quelques éléments de comparaison, notamment quant aux sens différents des mêmes mots dans ces divers espaces l’avocat canadien, par exemple, correspond à la fois à l’avocat et au procureur français. 145Cet ouvrage montre bien la diversité des raisons d’être et des façons d’agir des auxiliaires de justice en fonction des époques et des régimes – ou, plus précisément, des systèmes judiciaires. Cette diversité est particulièrement nette dans le domaine pénal entre le système inquisitoire à la française et le système accusatoire à l’anglo-saxonne même si ce dernier garde en France une place malgré tout primordiale pendant toute la période moderne ; en outre, selon qu’on s’approche ou qu’on s’éloigne du pénal, les mêmes auxiliaires de justice prennent des visages différents et multiples. Dans ces perspectives, l’adaptabilité des institutions judiciaires et de ses auxiliaires apparaît comme une donnée constante et essentielle c’est dans les périodes de changement qu’on s’en aperçoit le mieux. 146Quant aux apports ponctuels du livre, ils sont multiples et ne sauraient être énumérés ici de manière exhaustive. D’ailleurs la présentation générale de Claire Dolan les expose très bien et permet au lecteur de se retrouver facilement, en fonction de ses propres centres d’intérêt, dans ce très gros ouvrage. 147Les points faibles de l’ouvrage me semblent être de trois ordres. Le premier réside dans l’inégalité du traitement accordé à chaque sous-catégorie d’auxiliaires de justice, les uns bénéficiant de plusieurs communications les avocats, les experts, etc., les autres d’une seule les bourreaux, le clergé, etc., de sorte qu’on retire de la lecture le sentiment d’un domaine très inégalement exploré. Cette impression est accentuée par les déséquilibres chronologiques et géographiques soulignés plus haut. Mais comment faire autrement sur un aussi vaste sujet et dans le cadre des actes d’un colloque, dont l’économie d’ensemble échappe forcément pour une bonne part à ses concepteurs ? Ma seconde interrogation porte sur la justification même du sujet de l’ouvrage. Certes, on ne peut que se réjouir de l’accent mis sur les auxiliaires de justice en général, mais on peut se demander à juste titre si le concept possède une cohérence suffisante pour justifier un traitement spécifique. Car, en l’absence des juges, la justice qui apparaît ici semble quelque peu tronquée, comme amputée. En d’autres termes, si l’histoire de la justice ne peut pas se limiter à la seule action des juges, elle ne peut pas non plus être faite à partir de l’observation des seuls auxiliaires. Bref, une histoire équilibrée et cohérente suppose la prise en compte simultanée de tous les acteurs de la vie judiciaire les juges, les auxiliaires de justice et, évidemment les justiciables. Enfin, troisième critique, il me semble que les auxiliaires sont ici présentés, d’une communication à l’autre, sous des angles d’approche parfois trop différents les uns des autres, certains les plus nombreux l’étant sous celui de leur action dans le cours de la justice, mais d’autres dans une perspective surtout sociale, économique et culturelle, qui tient peu ou pas du tout compte de leur rôle spécifiquement judiciaire ; on pourrait considérer que cette diversité constitue une richesse, mais j’ai plutôt tendance à croire qu’elle affaiblit la cohérence de l’ouvrage. 148Malgré ces quelques petites faiblesses, sans doute inévitables dans une entreprise d’une telle ampleur et d’une pareille ambition, et qui ne sont en réalité que la conséquence du foisonnement et de la richesse des communications, ce livre apporte une multitude d’informations et ouvre des pistes qu’il faudra prolonger et élargir dans l’avenir. Il contribue à combler une lacune historiographique et surtout il peut être considéré comme un ouvrage fondateur, base de départ pour de fécondes recherches. Il devrait rendre de grands services aux historiens non seulement de la justice, mais aussi plus largement de la société, et contribuer à impulser les travaux futurs. Comme l’écrit Claire Dolan à la fin de sa présentation S’il est quelque chose qu’on peut tirer de cet ouvrage, c’est bien que la justice, pour les historiens comme pour les justiciables, a désormais un visage. » 149Benoît GARNOT. Jean-François Chauvard, La circulation des biens à Venise. Stratégies patrimoniales et marché immobilier 1600-1750, Rome, École française de Rome Bibliothèque des Écoles françaises d’Athènes et de Rome », 323, 2005, 629 p.. 150Cette thèse, appuyée sur un dépouillement considérable d’archives vénitiennes, s’intéresse autant à un objet le marché immobilier qu’à son inexistence, puisque l’essentiel des mutations immobilières intervient dans un cadre successoral le paradoxe, assumé par l’auteur, le conduit à multiplier les précautions méthodologiques louables, bien que cette tension puisse parfois fragiliser le raisonnement. Chauvard a construit l’essentiel de son analyse sur une source fiscale manifestement très riche, celle des Dieci Savi alle decime in Rialto, magistrature chargée d’établir le montant d’un impôt annuel une décime sur les rentes immobilières et foncières outre de rares recensements 1661, 1711 et 1740 dans le cadre de cette étude, ce collège de magistrats enregistre tous les changements de propriété, renvoyant de plus à l’acte juridique qui validait la mutation. Face à l’énormité du fonds, l’auteur a fait le choix de centrer une partie de son étude sur un des sestiers de Venise celui de San Polo et de repérer l’évolution du groupe de propriétaires initial lors du recensement de 1661, sans pour autant passer sous silence le reste de la cité vénitienne. 151Une telle recherche, ambitieuse méthodologiquement, par le croisement d’approches sérielle et micro-historienne comme l’attestent les graphiques, les annexes nombreuses, la cartographie locale, qui retracent tant des évolutions quantitatives d’ensemble que des évolutions aussi fines qu’individuelles, dans un donné le bâti globalement stable au XVIIe siècle, possède parfois les limites de ses ambitions. Le choix de la paroisse de San Polo pose par exemple le problème, très classique face à une analyse spatiale étroite, de sa représentativité. Dans cette paroisse, le nombre de propriétaires est globalement stable au XVIIe siècle, là où D. Beltrami Storia della popolazione di Venezia, dalla fine del secolo XVI alla caduta della Repubblica, 1954 estimait que le nombre de propriétaires doublait approximativement à Venise dans le même laps de temps ; de même, dans cette paroisse, la propriété patricienne est écrasante le patriciat perçoit environ 80 % de la rente foncière, quand il en perçoit la moitié pour l’ensemble de la cité. Il s’agit donc ici d’un échantillon vénitien très particulier, et cette originalité de la paroisse étudiée a pu peser sur cette impression très fixiste d’un marché immobilier dominé par la douloureuse nécessité de vendre. De même, et c’est là le silence des sources qu’il faut incriminer, la sous-location, phénomène massif le quart des revenus fonciers environ autant qu’invisible, et son impossible prise en compte peuvent peser sur la classification des revenus fonciers et de leur évolution. Plus généralement, l’étroitesse du marché foncier tend parfois à fragiliser les analyses ; par exemple, la construction d’une typologie à nombreuses entrées, pour une cohorte de 57 personnes chap. VII, apparaît artificielle. 152Malgré ces quelques réserves de méthode, liées pour l’essentiel à l’étude d’un marché si discret qu’il en devient parfois introuvable, l’ouvrage a l’audace de proposer conjointement une analyse quantitative, sérielle, et une perspective proche de la micro-histoire, marquée notamment par l’importance des réseaux sociaux et l’impact de la dimension culturelle du foncier. La démarche d’histoire socio-économique est d’autant plus intéressante qu’elle se fonde d’abord, dans l’étude des comportements patrimoniaux, sur la maison plus que sur les acteurs c’est le bâti, dans une perspective non pas d’économie de la construction puisqu’il est globalement stable au XVIIe siècle mais de changement de mains, qui joue le rôle de fil conducteur de la démarche, permettant ainsi à l’auteur d’échapper à une lecture trop impressionniste » du jeu de l’échange. 153Le marché de la pierre apparaît marqué par un acteur aussi discret qu’efficace, l’État, qui brouille la lisibilité d’un système d’échanges. Certes, le contrôle public sur les ventes tend à décliner ; certes, les acteurs peuvent tenter de jouer avec des dispositions réglementaires largement héritées du Moyen Âge. Le deuxième chapitre, après avoir rappelé la grande diversité des formes de propriété et les opérations de crédit qu’elles suscitent, montre ainsi qu’existent des formes souples, mêlant crédit, logement et opération immobilière. Néanmoins, la pratique du fidéicommis, c’est-à-dire la constitution d’un patrimoine inaliénable, constitue un frein à l’établissement d’un marché immobilier libre la République de Venise, en autorisant le patriciat à figer son patrimoine foncier, en jouant la carte d’une stabilité sociale visible dans la pierre, perturbe les mécanismes fonciers et ceux du crédit. Des perspectives comparatistes auraient été ici les bienvenues, avec le majorat espagnol par exemple ; trop souvent, la thèse se refuse à poser la question d’une éventuelle exception vénitienne, se prêtant parfois implicitement à la fermeture de la storia patria italienne, c’est-à-dire au présupposé d’une irréductible originalité de chacun des espaces politiques péninsulaires à l’époque moderne. 154À cette influence indirecte de l’État en autorisant les fidéicommis s’ajoute un rôle direct majeur, puisqu’une forte part des ventes immobilières sont des ventes en faveur du fisc – et l’évolution générale du marché de la pierre une lente croissance jusqu’au milieu du XVIIe siècle, suivie d’une retombée suit celle de ces ventes forcées, elles-mêmes directement liées aux évolutions fiscales de Venise. De même, le prix de vente, s’il tend à s’aligner sur une projection des loyers comme rémunération du capital c’est-à-dire que le prix s’approche de la somme d’argent qui, placée, apporterait des profits comparables aux loyers, repose largement sur la caution implicite de la puissance publique, permettant de fixer un prix véritable. Il s’agit donc d’un marché hybride, entre capitalisation de la rente et tutelle étatique, et le portrait très détaillé qui en est fait, des acteurs à la formation des prix, de son évolution à ses déterminantes extérieures, est aussi éclairant qu’exemplaire au-delà de la seule question d’une rigidification de la société vénitienne, au-delà même du cas particulier de Venise, il s’agit d’un apport essentiel à la compréhension du double jeu, social et économique, de l’échange dans les sociétés dites d’Ancien Régime. 155L’évolution du marché, au-delà de son étroitesse et de l’impact du fisc, semble peu liée à la rentabilité de l’investissement dans la pierre au fil du siècle, le rendement de la pierre augmente les ventes forcées en faveur du fisc, effectuées à des prix relativement bas, offriraient une rémunération du capital de l’ordre de 10 % par an sans pour autant susciter une pression de la demande. L’offre, quant à elle, est en général contrainte, la mise en vente d’un bien immobilier intervient comme ultime recours, face à une situation financière critique. De ce fait, les popolani, les non-nobles, sont paradoxalement les principaux acteurs du marché foncier, alors que le patriciat possède la grande majorité du bâti c’est à la fois l’indice d’une plus grande fragilité des patrimoines populaires par rapport aux patrimoines nobiliaires, soutenus en outre qu’ils sont par la puissance publique à travers les fidéicommis, mais aussi le signe d’une lente érosion de cette domination patricienne, concurrencée par les appétits fonciers de nouveaux venus. Sans la protection d’une République qui sclérose le marché immobilier, cette érosion foncière du patriciat aurait sans doute été plus marquée le mythe politique de la stabilité vénitienne passait également par cette réduction du marché foncier, dans une ville pourtant marquée par la culture d’entreprise. Ce marché biaisé peut ainsi coexister avec des formes très capitalistiques du foncier, comme la détention de parts, de carats de maison, comparable aux formes traditionnelles d’investissement économique. 156Le resserrement de l’analyse chap. 6 à 9 sur la paroisse de San Polo permet de mieux mesurer les dynamiques à l’œuvre dans un ensemble apparemment peu mobile une lecture qualitative d’un marché certes étroit 55 ventes réelles, sur 390 changements de propriétaire, en quatre-vingts ans offre la possibilité de cerner les variations du foncier dans l’espace géographique et social, entre les deux recensements de 1661 et 1740 – ne fût-ce qu’en raison de la hausse du nombre de propriétaires. La règle successorale héréditaire entraînait un risque de morcellement de la propriété foncière, mais ne génère pas un développement du marché soit le partage n’a pas lieu d’être, du fait d’un héritier unique le suicide démographique » du patriciat, la faible natalité qui le caractérise, est sans doute aussi une stratégie patrimoniale, soit il s’effectue en créant des sous-ensembles immobiliers comparables entre eux, et comparables surtout, dans leur structure, à l’ensemble immobilier antérieur. Plus généralement, les patrimoines fonciers sont constitués en partie de biens de rapport considérés comme interchangeables, en particulier quand ils sont d’acquisition récente, perçus comme aux marges des biens lignagers. 157Les deux derniers chapitres s’attachent à dégager des stratégies patrimoniales, mais ils sont, pour le premier d’entre eux en particulier, limités par l’étroitesse de l’échantillon des acteurs, comme par la courte durée prise en compte. De ce fait, la fragilité des petits patrimoines, la capacité de résistance des patrimoines fonciers importants, semblent presque aller de soi c’est dans le groupe intermédiaire des patrimoines moyens que peuvent, en moins d’un siècle, s’opérer de réels reclassements. De même, l’absence de stratégie d’agrégation patrimoniale, c’est-à-dire l’extension anarchique des possessions, pourrait bien n’être liée qu’au hasard des lots disponibles – d’autant que l’auteur montre bien l’étroitesse du cercle d’échanges, la tendance à acheter le foncier par l’intermédiaire d’un circuit d’échanges déjà connu pour les patrimoines modestes, l’horizon d’achat est réduit par l’étroitesse du réseau social, ce qui limite d’autant l’existence d’un marché de la pierre et freine l’extension sociale du groupe des propriétaires. Dans la diversité des stratégies d’acquisition, marquées, dans la majorité des cas de figure, par le primat du foncier rural, émerge un groupe déviant », qui privilégie investissements urbains et regroupements de bâti dominé par les artisans et commerçants, c’est probablement ce groupe qui conteste bien timidement la domination foncière du patriciat. On aurait pu souhaiter que l’auteur donne sens à cette stratégie du boutiquier l’ouvrage souffre parfois d’une forme de prudence de la pensée, et, si l’aveu d’un silence des sources est louable, l’hésitation à formuler des hypothèses quand, par exemple, les données quantitatives peinent à faire émerger de nettes ruptures peut, à de rares occasions, laisser le lecteur sur sa faim. 158Le prisme du foncier, malgré l’étroitesse du marché immobilier, permet donc à Chauvard de proposer des éclairages nouveaux sur une vaste palette de thèmes centraux, qui vont des formes originales du marché aux stratégies de conservation du patriciat, des impacts de la pression fiscale et des guerres contre l’Empire ottoman aux interactions avec les ralentissements de l’économie vénitienne, de la difficile mobilité sociale à la culture foncière. Autant que des réponses, cette belle thèse offre de vastes perspectives, et c’est l’un de ses nombreux mérites. 159Renaud VILLARD. Pierre-Yves Laffont Études réunies par, Transhumances et estivage en Occident des origines aux enjeux actuels, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2006, 415 p. Actes des XXVIes Journées internationales d’histoire de l’abbaye de Flaran, 9, 10 et 11 septembre 2004. 160Après les beaux livres de Ph. Arbos, de F. Braudel et, plus récemment, de Moriceau, voilà un bon livre qui réexamine l’histoire des déplacements de bétail sur la très longue période, puisque les communications présentées couvrent les millénaires qui séparent la préhistoire et la Grèce archaïque de l’époque strictement contemporaine. Les perspectives se situent essentiellement dans le cadre du Bassin méditerranéen, du Maroc au sud, à tous les pays qui entourent la grand mer intérieure au nord, mais il manque le Proche-Orient et l’Asie Mineure ; très normalement, l’Espagne tient une grande place dans ces études, ne serait-ce que parce que la Mesta, cette organisation corporative, et même corporatiste de la transhumance, y trouve son origine castillane dans la seconde moitié du XIIe siècle, et parce que le mot même de transhumance, utilisé en France depuis l’extrême fin du XVIIIe siècle seulement, est traduit directement de l’espagnol. Vingt-cinq études de grande qualité qui apportent des réponses et ouvrent des perspectives pour la recherche future mais qu’il est impossible de résumer. 161Historiens et géographes connaissent bien ces mots de transhumance et d’estive, et savent qu’il est parfois difficile de les distinguer ou des les opposer. Des moutons partout, des millions de moutons qui parcourent parfois plusieurs centaines de kilomètres pour rejoindre leurs prairies estivales ; des vaches par centaines de milliers qui n’effectuent généralement que quelques dizaines de kilomètres ; mais encore des chèvres, mal tolérées parce qu’elles nuisent à la végétation arbustive, et même quelques juments suitées ; et encore des porcs qui vont glaner faînes et glands pour revenir, bien gras, mourir sous le couteau du charcutier et pour garnir les charniers des paysans aisés ; et aussi des abeilles dont on transporte les ruches pour leur faire butiner des variétés de fleurs dont la floraison s’étale dans le temps, des sainfoins précoces aux bruyères tardives. 162Les questions sont souvent traitées sur le long terme mais font apparaître une absence de connaissances sur tout le haut Moyen Âge qui semble marquer une discontinuité. Elles mettent en lumière des intérêts divergents qui opposent souvent étrangers et indigènes, entrepreneurs lointains qui disputent l’alpe aux éleveurs locaux soucieux aussi de protéger leurs maigres cultures de la dent du bétail ; bien présentes aussi, les querelles de bergers dont les troupeaux se concurrencent, les réclamations contre les taxes levées par les communautés traversées, contre le prix de location des alpages qui varient en fonction de la pression démographique. 163La recherche d’une laine fine de mérinos a longtemps prédominé puis on a axé la transhumance sur la recherche de la viande et des fromages pour alimenter des marchés urbains toujours plus importants, la transhumance hivernale, dite inverse, ramenant le bétail dans les plaines urbanisées. À tous les stades de la grande migration les intérêts des communautés paysannes, des seigneurs locaux, des établissements religieux détenteurs de droits de pacage sur les hautes montagnes s’opposent aux acteurs urbains. 164Au cours du XIXe siècle, l’importance de la transhumance diminue ; les montagnes se dépeuplent et l’élevage d’altitude perd de son importance quand les prairies artificielles de plaine se multiplient et dispensent de sortir le bétail de l’étable. Les moyens de transport modernes, le chemin de fer d’abord puis le camion, ôtent à ces remues de bêtes le pittoresque du voyage à pied. Aujourd’hui, la transhumance n’est souvent plus qu’un souvenir et l’estive du bétail local suffit à animer les régions de montagne. D’ailleurs la montagne, d’un point de vue économique, est beaucoup plus profitable l’hiver par la pratique du ski. À coups de subventions européennes et de plans d’aménagement, on s’efforce, par le biais du tourisme d’été, par l’attribution d’AOC aux productions fromagères ou à la viande l’agneau des Causses, de redonner vie à la présence animale aux altitudes élevées ; des fêtes de la transhumance apparaissent, très populaires, qui accompagnent la montée des troupeaux en Provence surtout, et le folklore qui ravit les populations urbaines aide à la survivance des pratiques anciennes. La nécessité d’entretenir les pelouses et de limiter la croissance spontanée de l’arbre joue aussi en ce siècle soucieux d’écologie et d’environnement. La transhumance, réadaptée, peut encore avoir de beaux jours ; cela dépend uniquement de la volonté des hommes plus que des impératifs économiques liés à l’élevage. Un livre donc qui non seulement enrichit considérablement nos connaissances mais qui, par les questions qu’il pose, fait réfléchir à l’avenir de l’Europe. 165Marcel LACHIVER. Pierre Charbonnier dir., Les anciennes mesures locales du Centre-Est d’après les tables de conversion, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, 2005, 403 p. 166Les équipes locales que Pierre Charbonnier anime depuis près de vingt ans le premier volume de la collection qui concernait, comme il se doit, le Massif central a paru en 1990 poursuivent régulièrement leur travail. Avec ce volume, le cinquième de la collection, tout le centre-est de la France est exploré, de la Haute-Saône et de la Côte-d’Or à la Drôme 11 départements qui s’ajoutent aux 46 déjà étudiés. Ainsi, le territoire français se trouve couvert aux deux tiers et il suffira de trois volumes pour assurer l’exploration des départements situés au nord d’une ligne Nantes-Mulhouse. 167Pour la première fois, les auteurs ne se sont pas contentés d’utiliser les tables de conversion généralement élaborées par les soins de l’Administration du début du XIXe siècle. Ils ont eu recours au cadastre, principalement pour les trois départements que composait la Franche-Comté, le cadastre, en certaines communes, ne se contentant pas d’indiquer la valeur des anciennes mesures agraires ; ils ont aussi utilisé différentes séries des archives départementales, en particulier les séries B, C, E, H, L. 168Commune par commune, on trouvera donc, malgré quelques points communs dans les dénominations, l’étonnante variabilité des mesures agraires, des mesures de longueur, des mesures de capacité pour les matières sèches avec le cas, toujours particulier, de l’avoine et pour les liquides, le vin, l’huile, le lait même, ne se mesurant pas de la même façon. N’oublions pas les mesures pour le bois bois d’œuvre et bois de chauffage, pour le charbon de bois, pour le fil, les tissus, les pommes de terre même. 169Bien sûr, des érudits locaux, comme pour les volumes déjà parus, ne manqueront pas de relever quelques inexactitudes, de mentionner le cas particulier de telle seigneurie ou de tel hameau, ou le changement de valeur de la mesure dans le cours du temps à la suite de la réorganisation de tel ou tel marché des grains. Le dépouillement exhaustif des minutes notariales livre toujours des particularités de ce type. D’ailleurs les auteurs ont pris la précaution de traiter de l’évolution des mesures depuis le Moyen Âge, en particulier en Savoie. 170Mais, répétons-le, ces livres constituent de remarquables instruments de travail et il faut espérer la parution rapide des trois derniers volumes. Tous les ruralistes, mais aussi tous ceux qui s’intéressent à la production et aux échanges commerciaux, ne peuvent que se féliciter de l’œuvre entreprise et remercier Pierre Charbonnier et tous ses collaborateurs. 171Marcel LACHIVER. Grégory Quenet, Les tremblements de terre aux XVIIe et XVIIIe siècles, Seyssel, Champ Vallon, 2005, 587 p. 172Voilà un travail lourd d’informations, soutenu par des analyses subtiles, un livre érudit en dépit de quelques redondances et d’une complexification de la pensée parfois un peu vaine. Bref, une belle thèse qui interroge le tremblement de terre en France à la fois pour lui-même, sorte d’événement local en quelque sorte, comme y invite le chapitre 4 sur le désastre de Manosque en 1708, mais aussi comme une donnée culturelle majeure en raison de ses larges implications. À travers le tremblement de terre, en effet, se révèlent des enjeux intellectuels liés à l’évolution des interrogations et des explications scientifiques, un enjeu social avec les réactions des communautés, voire un enjeu politique dans une prise en compte assez timide des séquelles du séisme de la part de l’État. Il permet ainsi à Grégory Quénet d’inscrire le phénomène comme une contribution majeure à l’histoire du des risques au cours de l’époque moderne et de saisir ainsi une autre facette des relations complexes de l’homme et de la nature. 173L’ouvrage propose d’emblée d’analyser le processus informatif qui conduit un événement naturel à devenir une catastrophe, contribuant à faire du risque une construction sociale dont il faut examiner ... les catégories d’acteurs et d’organisations impliquées, les stratégies et procédures mobilisées, les instrumentations mises en œuvre, les modélisations effectuées, le rôle des représentations et des conceptualisations du risque constituées et véhiculées, la hiérarchisation entre les différents risques, l’évaluation du rôle des représentations et des perceptions » p. 66. Cet ambitieux programme, qui se fonde essentiellement sur quatre grandes sources les procès-verbaux de l’Académie des sciences, les gazettes, les textes littéraires et les écrits des curés à la fois mémoriels, gestionnaires et médiateurs, subtilement traités ici, a privilégié un dialogue fructueux avec les scientifiques et a permis de répertorier plus de 750 séismes entre 1600 et 1800 en France. Il a surtout mis en valeur l’évolution décalée des perceptions grâce à l’adoption d’un plan chronologique. 174Au début de la période considérée, l’interprétation se nourrit d’abord de l’imaginaire des phénomènes prodigieux, se réfère à une dimension religieuse explicative nécessairement punitive, volontiers prophétique et dont l’exégèse se trouve ainsi aisément récupérée par la culture politique. Le second temps, qui court du milieu du XVIIe siècle au tremblement de Lisbonne, constitue le temps de la mise à distance où se répondent, sans se combattre vraiment, les interprétations religieuses, qui privilégient désormais les bienfaits de la catastrophe comme truchement du salut, et les approches scientifiques et laïques alors que se maintient une lecture politique à l’exemple du séisme pyrénéen de juin 1660 tenu pour le présage d’un règne difficile. La dernière phase commence après la tragédie lusitanienne de novembre 1755, moment privilégié sans doute mais qui ne fait qu’amplifier des changements déjà à l’œuvre. Comme le souligne clairement l’auteur, même si Lisbonne interroge la fonction providentielle du divin et la place du mal, ce n’est pas elle qui laïcise la catastrophe. Dès avant cette date, la recherche des causes et la mesure des effets des tremblements de terre plus que leur signification l’emportaient déjà. La mobilisation technique et scientifique mit en œuvre de nouveaux protocoles d’observations et de mesures diffusés par les gazettes et inscrivit le séisme comme un dérèglement naturel d’intensité plus ou moins variable. Jadis tenu pour une rupture unique, le tremblement de terre participait désormais à un cycle d’évolution tellurique. Néanmoins ces inflexions n’évinçaient pour autant des lectures morales et religieuses, à l’image de la Lettre sur la Providence de Rousseau en 1756, ni n’effaçaient de l’horizon intellectuel l’inquiétude pérenne du siècle des Lumières. 175Le bref rappel de ce parcours aux chevauchements composites souligne indirectement la part prise par certains acteurs dans les appréhensions et les modifications du phénomène clercs, scientifiques, politiques, journalistes ou écrivains. Restait à savoir comment la société dans son ensemble vivait et percevait le séisme. La mise en place d’un nécessaire jeu d’échelle restait délicate et menaçait de renvoyer à l’opposition bien connue mais souvent peu opératoire entre le peuple et les élites p. 417. Grégory Quénet se demande justement si, au XVIIIe siècle, les différentes gestions de la catastrophe, la confrontation des multiples lectures de l’événement ne permettent pas d’illustrer une facette de ce clivage manichéen. La démonstration difficile et réitérée p. 398-402, 424-430 révèle, bien sûr, l’émergence d’une distinction sociale après 1740 entre la parole des experts et les interprétations de la nature de la part des populations concernées autant que par celles... qui ne l’étaient pas. Elle demeure cependant hésitante et généralisante. Et, après la bonne analyse du récit de Jacques-Louis Ménétra sur les secousses ressenties à Bordeaux pendant l’été 1759, les conclusions du paragraphe consacré à la complexité des attitudes “populaires” » et appuyées sur ce seul témoignage ne convainquent pas totalement. Après tout, le malaise métaphysique et le souci matériel des élites » face au tremblement de terre du XVIIIe siècle ne seraient-ils pas une autre manière de traduire la crainte obligatoirement superstitieuse et fataliste du peuple » ? 176Bien des développements intéressants de ce travail permettent cependant de s’interroger, et en l’inscrivant dans un contexte plus vaste, sur les figures originales du tremblement de terre dans la construction d’une culture du risque. Ainsi, la fonction religieuse bienfaisante de la catastrophe dans l’économie du salut se retrouve dans les récits de confrontation avec les tempêtes océanes. Il en est de même pour l’influence de la physico-théologie à travers une lecture renouvelée du spectacle de la nature beaucoup trop rapidement évoquée ici quelques lignes confuses, p. 422. On pourrait questionner pareillement le rôle joué ici par la communication dans la transformation de l’événement naturel en catastrophe p. 125. La condition d’une telle métamorphose ne vaut-elle pas en réalité pour tout événement, ce fait porteur de sens Paul Ricœur et, par là, producteur potentiel d’un discours ? Par ailleurs, et en dépit des utiles précautions liminaires de l’A. p. 69-70, les ambiguïtés propres au mouvement de laïcisation ne sont pas toutes levées. Peut-être en raison d’une analyse un peu succincte des savoirs empiriques, comme explication complémentaire au providentialisme, ou du rôle non seulement scripturaire mais public et pastoral tenu par ces curés-écrivains dans l’affirmation du processus le sermon du curé Marchais de 1783 fournissant alors un contre- exemple. Enfin, au sujet de l’efficacité relative de l’État, auquel on recourt pourtant plus fréquemment, ne peut-on plaider aussi la faiblesse quantitative d’un phénomène qui n’aura quand même suscité aucun saint protecteur ?... 177Ces courtes observations veulent toutefois contribuer à souligner combien la grille de lecture élaborée à propos du tremblement de terre constituera désormais un outil indispensable pour toute recherche sur l’histoire sociale et culturelle du risque naturel. 178Alain CABANTOUS. Harro Höpfl, Jesuit Political Thought. The Society of Jesus and the State, c. 1540-1630. Ideas in Context, Cambridge, Cambridge University Press, 2004, XII-406 p. 179Si les catholiques intransigeants ont attribué les origines de la Révolution française aux gallicans et aux jansénistes, il s’est trouvé des conservateurs protestants, comme Ranke, pour accuser les Jésuites d’en avoir été les premiers et véritables instigateurs. Par la suite, cette thèse sera reprise dans un sens progressiste par de nombreux auteurs anglophones qui ont transformé les membres de la Compagnie de Jésus en proto-démocrates. À l’inverse, en France ou en Espagne, une forte tradition vise à considérer les Jésuites comme les ennemis par excellence de la modernité politique ! 180Récemment, les études du jésuite Robert Bireley et de la non-jésuite Lynn Martin ont obligé à nuancer ces thèses en mettant à mal toute vision monolithique et unilatérale de la Compagnie de Jésus. Elles ont montré, en effet, qu’en France et en Allemagne les Jésuites dépendaient de leurs patrons princiers, et que leur fameux vœu d’obéissance au Général à Rome ou leur lien indissoluble au gouvernement central s’avéraient très problématiques dans la pratique. Mais personne n’avait encore osé s’attaquer frontalement aux idées politiques des Jésuites avant la tentative de Harro Höpfl, historien des idées britannique, connu par ailleurs pour sa précédente étude sur la pensée politique de Calvin. 181Il est vrai que le sujet est piégé, pour ainsi dire, de naissance. Depuis le XVIe siècle, il a fait l’objet d’une polémique qui accompagne l’histoire même de la naissance et du développement de la Société de Jésus au sein de la constitution et du renforcement des nations européennes. On peut se demander si la démarche n’aurait pas gagné à mettre d’emblée en perspective le vaste corpus de reproches que les adversaires des Jésuites ont élaboré précisément à propos de leurs ingérences et interférences dans le domaine de l’État ou de la société civile. Et cela d’autant plus que l’A. ne cesse de s’y référer tout au long de son livre. Jusqu’à nos jours, ainsi qu’en témoigne l’article Jesuits » de l’Oxford English Dictionary cité à la première page, aucun autre groupe religieux n’a suscité, que ce soit de la part des machiavéliens », des politiques », des gallicans », des protestants », des parlements », des dominicains » ou des jansénistes », autant de critiques et de peurs que la Compagnie de Jésus. Sans doute la vision optimiste de la relation chrétienne au monde propre aux Jésuites et la reconnaissance de la dignité de la vocation politique qui va avec ne sont-elles pas étrangères à ces vives réactions. 182Alors que, face à l’émergence de l’État et de sa raison », les machiavéliens » séparent radicalement politique et vertu morale, les Jésuites, à la pointe de la Contre-Réforme et de l’anti-machiavélisme, aspirent au contraire à la restauration de l’universalisme, de l’unité et de l’hégémonie du catholicisme. C’est de cette volonté d’adaptation de l’Église aux nouveaux défis lancés par l’évolution de la société que découlent leurs pratiques d’éducateurs, de missionnaires, de conseillers du Prince, de casuistes ou de polémistes. Toutes ces nouvelles fonctions à la fois religieuses et sociales vont être interprétées par leurs adversaires dans un sens exagéré et unilatéral jusqu’à donner lieu à la théorie du complot, forme extrême du soupçon de cacher des ambitions politiques et d’aspirer à la monarchie universelle. 183Traiter de la pensée politique jésuite revient donc à se lancer dans un sujet intrinsèquement polémique. H. Höpfl n’en est pas inconscient, puisqu’il se défend de vouloir écrire la théorie politique que les Jésuites ne sont pas parvenus à élaborer. Il ne leur attribue pas d’avoir développé des considérations spéculatives sur la République, à l’instar des auteurs classiques du domaine. Il n’ignore nullement l’ambition essentiellement religieuse et spirituelle des pères fondateurs, des missionnaires et des éducateurs qui entendent rétablir l’unité de l’Église sous le patronage de protecteurs princiers. Néanmoins, il ne peut pas s’empêcher de leur prêter, ne serait-ce qu’en pointillé, une doctrine constituée. À cet égard, la source d’inspiration de sa réflexion est moins le livre de Bireley, The Counter Reformation Prince. Anti-Machiavellianism or Catholic Statecraft in Early Modern Europe Chapel Hill, 1990, qui insiste sur la diversité des situations spécifiques propres aux pratiques des moralistes ou des casuistes jésuites, que celui de Quentin Skinner, The Foundations of Modern Political Thought Cambridge, 1978. L’ouvrage est, du reste, édité dans la collection du maître de l’École de Cambridge, Idées en contexte ». 184Conformément au modèle skinnérien de l’histoire des idées, l’entreprise se distingue par son souci de précision. Elle repose sur l’analyse minutieuse des écrits d’une série d’auteurs jésuites, Francisco Suarez, Luis de Molina, Juan de Mariana, Gabriel Vasquez, Giovanni Botero, Adam Contzen, Robert Persons, ou le cardinal Robert Bellarmin, miroirs des princes, littérature polémique ou traités théologico-juridiques en rapport avec les contextes intellectuels du néothomisme, de la scolastique espagnole, du droit naturel et, bien évidemment, des débats sur la raison d’État. C’est la grille conceptuelle élaborée par Skinner autour de la légitimation du pouvoir, du contractualisme et du constitutionnalisme qui organise la problématique. H. Höpfl ne s’occupe ni des moyens de la puissance, ni des finances de l’État, ni du contrôle des sujets, moins encore des exigences économiques. Il n’aborde pas non plus le conseil politique ou le problème de la guerre juste qui a pourtant beaucoup intéressé Contzen. 185Sa démarche balance continuellement entre, d’un côté, la nécessité de replacer les théoriciens jésuites dans le champ problématique de leur époque, ce qui conduit à les diversifier, voire à les banaliser, et, de l’autre, le besoin de cerner l’expression d’une théorie politique distinctement jésuite » p. 2, d’une conception identifiable à l’œuvre » p. 367, voire d’une homogénéité de pensée » p. 366. H. Höpfl ne croit certes pas à l’existence d’une doctrine politique collective qui serait propre à la Compagnie de Jésus dans son ensemble. Cependant, il pense pouvoir mettre en évidence une série de croyances concernant la nature du bon ordre dans la collectivité et de pratiques de gouvernement qui seraient constitutives de la spiritualité, de l’activité missionnaire et éducative ainsi que de l’ecclésiologie des Jésuites, même si elles n’éliminent pas la possibilité d’un désaccord entre eux. 186Pour caractériser la Société de Jésus, H. Höpfl commence très classiquement par examiner les Règles » ou Constitutions » qui, de tout temps, notons-le en passant, ont eu le don d’intriguer et d’inquiéter les adversaires des Jésuites, d’Étienne Pasquier aux parlementaires français du milieu du XVIIIe siècle et au-delà. Il resitue parfaitement l’Institut dans le projet tridentin de reconstruction de l’unité de l’Église catholique, Societas Perfecta, menée contre la fracture protestante. Il en représente la forme d’organisation la plus efficace. Toutes les activités de la Société sont au service de ce grand dessein de la Contre-Réforme l’éducation, la prédication, la confession des princes, la casuistique, la controverse, les livres de piété. Le bon ordre à l’intérieur de la Société est conçu, tel un microcosme, comme une anticipation du bien commun » à l’extérieur. 187Leur organisation admirée en même temps que redoutée par tous leurs détracteurs est fondée sur quelques principes qui ont des implications politiques ou qui contiennent des références explicites à la politique, ainsi le contrôle des passions ou l’ obéissance » chez des auteurs comme Pedro de Ribadeneira, Robert Persons ou Robert Bellarmin. Certes, personne ne doute à l’époque que l’obéissance ne soit une injonction divine, mais l’originalité jésuite repose sur la conception de la volonté de Dieu comme liée à une supériorité visible. Elle implique la hiérarchie et ses incarnations, le supérieur général, le général, le pape. Tous les auteurs jésuites optent pour la monarchie comme meilleure forme de l’État. Les principes de hiérarchie et de subordination sont également pour eux les conditions de l’ordre social. Cependant, H. Höpfl est obligé de reconnaître que ces croyances sont largement partagées aux XVIe et XVIIe siècles, d’Arnisius à Althusius et de Hobbes à Filmer p. 57. 188La dimension politique » découle logiquement de l’ingérence dans les affaires séculières », negotia secularia. La pratique du patronage princier et l’instrument que constitue la casuistique permettent d’accommoder la conscience chrétienne à la raison d’État. Néanmoins l’A. relève, avec beaucoup d’honnêteté, l’existence de traités d’apologétique, dus à la plume d’auteurs jésuites qui dénoncent précisément ce mélange avec les affaires publiques ou s’en plaignent comme ceux de Richeome p. 60-61. L’ambiguïté est déjà présente chez les pères fondateurs, par rapport à cette captation de la bienveillance des puissants. La situation objective du patronat des Guises pendant les guerres de Religion, ou la pratique de Contzen, confesseur de Maximilien de Bavière, ne font que l’aggraver. Contre les politiques, les Jésuites entendent bien défendre l’unité du catholicisme et, par voie de conséquence l’intolérance qui est considérée comme indispensable au maintien de l’État. 189Une des thèses fondamentales du livre veut que la source de cette recherche d’une coïncidence entre le spirituel et le temporel provienne précisément de l’objectif tridentin combattre la peste » de l’hérésie. La Compagnie de Jésus s’en est faite la championne. Les Jésuites prônent le devoir de répression contre l’hérésie qui, à leurs yeux, entraîne de graves conséquences politiques. Ils insistent sur le caractère profondément rebelle et subversif du calvinisme. 190Mais, pour H. Höpfl, les Jésuites, notamment Giovanni Botero présenté comme prototypique, ne se contentent pas de répondre aux réformés. Il insiste sur le rôle de leur polémique contre les machiavéliens associés, il est vrai, à l’hérésie, mais aussi à l’athéisme, à la politique selon les politiques » et à la tolérance. Contre Machiavel et sa critique du christianisme, des théoriciens comme Ribadeneira affirment la vertu civile du catholicisme présenté comme facteur social stabilisant et modèle de bonne conduite pour les citoyens. À l’opposé, ils soutiennent que la tolérance religieuse ne peut avoir que des conséquences désastreuses tant sur le plan spirituel que dans l’ordre politique. 191H. Höpfl éclaire très bien l’enjeu des débats autour des différentes conceptions de la raison d’État. Aux yeux des théoriciens jésuites, la vraie raison d’État ne se définit que par ce qui est moralement soutenable dans la conduite politique. Cette tentative d’accommodation entre morale et politique implique des techniques souples comme l’équivoque, la restriction mentale, la casuistique ou la prudence. Cependant ces dernières ne parviennent pas à éliminer complètement les tensions et les incompatibilités entre les deux objectifs. 192Dans les chapitres concernant l’autorité politique et la légitimation du pouvoir, les Jésuites sont présentés comme des théoriciens du droit divin très proches de Bodin ou de Hobbes p. 261, 300. Mais l’auteur prend grand soin d’éviter toute généalogie modernisante et souligne l’absence du rôle de l’état de nature dans la conception jésuite du transfert du pouvoir de la communauté au Prince. Il n’y a pas de place chez eux pour l’institutionnalisation d’une quelconque limitation du pouvoir, et spécialement à partir d’un contrat », malgré quelques exceptions apparentes comme Suarez ou Mariana. Dans la ligne des thèses de Skinner, la démonstration vise à marginaliser la dimension contractualiste, au sens moderne, de ces deux auteurs qui restent, selon H. Höpfl, des exceptions sans réelle postérité au sein de la Compagnie de Jésus. Ils conservent par ailleurs des aspects archaïques qui interdisent, selon lui, d’établir toute filiation en ligne directe avec Locke. L’A. reste néanmoins sensible aux tensions qui découlent de la conception de l’autorité en termes de règles et de devoirs des sujets à l’égardens co3;miessio17;en t&es p.& de 7507;litique ;𱇈n le lR lectuiiences, pouvoirseux poi conm217;une ne croit3;suites qui liminaires de l33;s deressias232;ron admd H&>at="exposant">e 233;tatlieu du XVIIe de17;Arnis e cette co-re mn44;le de dltaines eniode c la dimensio,ependant cntrelaceholridér&233;l C̵r, Champationant sur le p;ran8217;en plaige de la ncues iden est fégitimati160;57. at="exe d&deoN m&;&Ino7;une cn spirituel que dpua="pactis="marquage italiia s17;hommDeb186">Compagnie sé, ;cis’nes le ne sera3;monstration difres, de è3;cit deus"pavtiqa189A/sup>>Une et, de lee J&974ns&igieue conduite podiresution et rn Err3;tiqus"pavtiqcontinuel appapas t ne sere copt qu&33;nnsuites d les troiA/sup>>Une et, de lee attXVI homogénéité de pens&m࢐es fonction">&i160;5233;oricie233;s d𔃺si&d’undérel picroco7;éduca puissants. rreferencepa179-817;homm cls sensib-Gs=t goerenant lave1rceptionus"pavtiqpa191"> assi0pfl,lmoins80">rip33;coulentienne à la nfoe3;e. Às"pav7gmoattXVI homogénéité de pens&m&le de l&nr l&ateciens ;odtu du XVIIUn231;;en est f&;tamorti ée co livre de Bi; la politiquo-821217;une qureLaLes s ddlabzczynskaques d̵s t dans uns3ecrluissansiartrat&i187;aut2ant sur le plit&e trait-ctdeHöpfl,ution frarv2&, le cpolitique selo233;d33;volution latcosme, comme &nt sur ref que sue conduite po33;rer les Jéociarche oph guerr;au ln&qou ds éducateur les Jolitiqut3est moOr avec lea situatiMo tepolitiqox et 7;est lc de leur pr&ducateur les Je Ve4;uc23eumrait-celeur &emmetleur éaut ,rAymar- d’une sa 821s. &8217;A. res8217;ua160;t𸼳;ea189;rieugtiqpa191"> ntre les de1;&mitnduite ph83m g23olitiqut-8i;r&7;, malgr33;dTh83ay asi lae;évolconque es,une di17;uu pomx obj; ces v;aut2l appah,oquua 7;&, d auxm-placsda23gieuse ne nce de tsutaletis sujets, moins encore des exigen2e de protecteurs princiers. Nजanmoins, il ne peut pas s’e2e de2elyse un peu ss="para"du187;aut2auic807;2h d&ensidoir quempses v23">e183Trass="ppquuôlrincea p.sDp cesbats S17;obéismen,p217on 2e selonida1ae2&, le c233;n&, dbrae217;fer la di;s par fo-d-70pfl,c8é Mgat="exe n’irsif2;res fondateurit-elxoyxpressionstratiopin8217erse selog;», Alo217;un244;on de Damcrocosm 533;susjanv; pré 757ctrineaut23;;pa174e2&, le c233;n&ionoarolei80&7;hérns ;odtld&ensidu24; la nf187P cesbats& princm la233;ritiques et n 82ndent rऍanala class="nnc prése17;intgicide les récits de confron22es économiques. Il n’ab2rde pas non plus le conseil polit2es t2elyseEnnmuits à ncceration de saucho retrtgiondnr l&atecienntrelbj; ces v;aut2liileu pfl,ution fque i90lu Ichr;tatlnstratiolss qui ns qite quis intgic de leur pr&3;cifiqu2ison d𔊉->01;dence eeu82 Sdxets n17iatsRactis="marqu-al. CRoion mporins lernscient, 4; l& la pi"paesmi244;lerie-8 que p2;ph guerSdxe,l’&fe3me 187;aut21747-1767,7on 2ss="no82actridge,cit descroco233;teomènee et, de le2-j9-mension2;neete et 82pt nduite pi90lu Icr&3; po23gieusede l̵st vs, lfrs à cad-j9-Xav3;s e33; comt="no82ae selonue;suitesla class="nhs dernigmore e croi80&7;hér, Auguun&loir I,&mit&2ison d⁇attrurel e&res des J, Louis’XV160;? to233asic8u que ds d’inq ration dque, > 183Trt d’abord de l’imaA sur la es comme7;ion e7;ioire deuonution fsidn et rnP cesbats&nt-ecabnt sur i3;al Hnt surnanl2,231;aisearrefereluu3233;duca30erencee Skd22ion!-plac323, social stabilisi;? s d&821vuoveué ges ine, meBac31nfiine, meBi; l̻, malplesue parpou la pratlorrJepfl pfsrrit&istneur&uis intgi>rip33;couentB16 qs-L233;s,uncs2F d&magfl pS;riu se,oFal31nct,tlitC213iu82 Sdur e-Palayeiopou>rip33;coue l&u2it-i sue co7;éducalnstratiolib1,ffairesune R&énam3;gitimsiua17;u="préc33;s lue des Fumarolr, 217;homm386confusesRfir;press33;tens;3cusla class="nomnact66. H. tefe clasune anthlacsdd&i1;uffi7;éeu2it,ss="maol3;cit de&lide Dgturopn dus7ou t23/p> n8i;r;reSic233ypdrennstratiossociuitesp217on on l828nilat&exge it&lder3; la pisD;intgides3 la>16tagfl pii"paa que rqrefere3;mique, li. a233;f3; la tre les de1Höpfl,p copssss3;ciqua l& la pi diot3;oriciep laClereln& t7;a. 1bilit;i IlthituitsD;intgides3 laon ddeuan f&lioupcorrobpa182">1333;2politiqunse selog;lea=uvoir,patis su es commt. Néartdet17;unau24; la n,tLocke. L&a prudence. Cnfo la pisDeln&nfoueLsvoadoissou 3;cit deplntresagCprudenzolss p,placeholderoentauiduNgr. te d33;tensc la ; una nstratiobs Ichrefn4; viorine, mce. age ital?it questionner232;nssphysiat&i1edions qui dUS. ceI dpauupce233;viddrinle s8217;unmuits à t descpects&7;dà la nfoes&cs 0. ess 80&cs ;unalref q?itec boni-ci se3u d&ss=der3; vage7gmo; la pisDg23eubot gnfoes&va2ique. Ce;reS">183Trtp sae anth lest17;unau24; la nf/ueblsshoyeen7;&94lgs, onstration dif17 ; uni dény v m&ou17;i Il1Höpfl,p ctra" hrefa quutorit&.commvaunP&7prutat="exorg33euane sn16 qle233;quemdence entauidrieumes liminaires dde rau2"pfl, oir que dlat&exge 4; t a quutorit&r efr160;XV 217;homm71,dlderreferassovip ctra" hr de2e seloveloppion et bbionr17;un das Pt ga prov4 les récits de confron23e de protecteurs princiers. Nझanmoins, il ne peut pas s’e3e de3elyseEnnico-j9-ces7nutionque ds2vih217;83">183Tr238;ne d21tsD;8vs ommi;tusn laionr/p> n8i;r;eetat 233;i9c82 en bl8217;l qu;sui2;le dqictsDcs 0. ess 80&cs ;unalreffon de ge . Levuede1Höpfl,a2n3e voir deic;a su217;Aas233;que232e selossbts àites d oit&r e lgnque. Ce;,eon dass="pres itii syetrtdldetioner8s;sui2;dn etp. 36narsoi;rarmminitouent3;r&a&pa&cs ;un, t7; dsuPfl, oir que dlholdfuiur&e2;du temp 3;cit det7;a suss6co2ique. Cgi8reu poc8mrs tec, lip2parv2a sus7;homm10as3;rieur ttardq bbeser2" lch,juunifiine, me 3;cit deale ded&fi ;vceefsbiEpentace ->a sus7;homm11fenviMagqd1sDp ccurce rioeras24; la nfsqictsDh83mesune disnntecieit&s on d𔏪upnti-MachiteictsDi1;tat ne ssc233;qi su ge ass="pu233; M denfoe17;ex&dmees dsg les récits de confron22s de la Société sont au 3ervice de ce grand dessein de la 2s d 2s le Satice1éss83i4tut17;a73;cit deau33;s,uS17;hommGom2 fliil33;sie dqictlxorsi t, qunilpolitiqurel provir n’i217eyar organih!-uzsectholderrel provi;quenc,uentomatice trd tec, lson&&C̵udsextedencep t dR partneurdynsmis;36tti246;pfl,rel provie n’irsifc80tinup t dRactoebisoinfiernant ur at cesg les récits de confron22» découle logiquement de3l’ingérence dans les &2&2&ne dtruno RESTIF34;me si elles n’éliminent pas la possibilitmissionnaire et éducative tme du risque naturel. Trlgrs.;Arnis,toire rsi ta! 821s. &eson d≏,dldetioneser2" lchne3;e. opin82142337;itiqlia3dsuJu60 tenu pot dRRnscienvole une, conpes don difs uNa 1dn&3;qce2dcurce 7o7r4&elxo; l3"puang;g les récits de confron25ues qui interdisent, selon lui, d&58217;établir toute filiation5uesn5u le p2om&nt sur iqu;ea1rappa8dé lder3;uts Jerts&e constnen ess dsminaires dcontinuey v lesicacu2Rnscienvole uneg Ef tholders2achrefninq age;rduIBas-Limou2i uCorocke. Lzefns82n et/p>tens83Tr8staur3;tiq&C̵ang;tet&vidn e9-sdge,ee selovidter3ee on itimelderu8l’au. CComsos L vC8etat ani&rqmmeorici2ptefini1con d≖,2ara182"que;2pteée g3sltenst, 3cuslsce un peu 7;itiqleq;nntgi>ln&agfardq l’uup7;cunnico-jtet&Thdpicrn33eu2it3;eo813leur qe Icil' Oncle Sam incite les jeunes américains à rejoindre le contingent américain qui se rend sur le front européen en 1917. (voir l'article : Conscription aux États-Unis ). La conscription ou service militaire obligatoire est la réquisition par un État d'une

Accueil •Ajouter une définition •Dictionnaire •CODYCROSS •Contact •Anagramme Circonscription de la Grèce archaïque — Solutions pour Mots fléchés et mots croisés Recherche - Solution Recherche - Définition © 2018-2019 Politique des cookies.

Vocabulairede la Grèce antique. Trouver le terme avec la définition Jeu normal. Tentez le sans faute et le Quizy d'or ! Contre-la-montre. Serez-vous assez rapide pour décrocher le Quizy d'ébène ? Entraînement. Rejouez les questions à volonté Fiches et autres quiz. Retour à la page principale de ce thème Voici les derniers articles ajoutés sur notre site Prat’hic 13 Re découvrir le grec ancien au lycée par la lecture de l’Iliade 21 juin 2022 A la une d'ATC, Actualités des LCA, Enseigner les LCA, Prat'hic récits de pratiques pédagogiques 301 Vos pratiques sont fantastiques ! Régulièrement, ATC donne la parole à des enseignants pour qu’ils nous fassent découvrir une activité menée en cours de langues anciennes. Chaque semaine, Jérémy Stanić fait découvrir le grec ancien à ses élèves latinistes d’un lycée dans l’Académie de Normandie l’enseignant présente un extrait court de l’Iliade, servant de support pour acquérir des éléments … lire la suite » La canicule, un temps de chienne ! ju wo 15 juin 2022 Actualités des LCA, Etymologie 932 Alors que la canicule sévit sur l’Hexagone, voici une carte mentale qui interroge l’origine du mot canicule [embeddoc url=” lire la suite » Prat’hic 12 Monter un spectacle en grec – ΙΚΕΙΔΕ ou la voix des femmes ju wo 15 juin 2022 A la une d'ATC, Actualités des LCA, Prat'hic récits de pratiques pédagogiques 196 Vos pratiques sont fantastiques ! Régulièrement, ATC donne la parole à des enseignants et à leurs élèves pour qu’ils nous fassent découvrir une activité menée en cours de langues anciennes. Sylvie Breugnot-Mathé nous explique comment est né le projet musical et littéraire de ses élèves de l’option grec ancien dans son lycée de l’Académie de Clermont-Ferrand, dans lequel les oeuvres … lire la suite » Délai supplémentaire pour les votes du 3e Prix Littérature Jeunesse Antiquité Robert Delord 15 juin 2022 A la une d'ATC, Le Prix Littérature Jeunesse Antiquité 264 Comme à chaque fois, la fin de l’année est très chargée par les programmes et projets à finir, les bulletins et les conseils de classe et la fatigue qui va avec. Cela explique certainement en bonne partie le fait que certaines d’entre vous n’ont pas trouvé le temps de reporter les votes de leurs élèves pour le 3e Prix Littérature … lire la suite » ALERTE TON CHAR juin 2022 ju wo 13 juin 2022 A la une d'ATC, Alerte Ton Char 261 3e Prix Littérature Jeunesse Antiquité Délai encore 5 jours pour le vote en ligne fin des votes lundi 20 juin à minuit ! Relevez dès à présent les défis lecture Une centaine de défis lecture autour des ouvrages en lice pour le 3e Prix Littérature Jeunesse Antiquité créés par les classes sont déjà en ligne. … lire la suite » À Delphes, l’intrigante transformation du sanctuaire d’Apollon en cité chrétienne Arrête Ton Char ! 12 juin 2022 Actualités des LCA, Archéologie & Actualités des musées 90 ARCHÉOLOGIE – L’École française d’Athènes a mis en évidence un développement du site au tournant des Ve et VIe siècles. Les derniers feux de l’antique cité de Delphes ne se sont pas éteints avec la fermeture du sanctuaire panhellénique qu’elle abritait. Dédié à Apollon et réputé pour son oracle et sa prophétesse, la Pythie, ce site juché sur les escarpements … lire la suite » Du plurilinguisme dans l’antiquité gréco-romaine Arrête Ton Char ! 12 juin 2022 Actualités des LCA, Civilisation, Ressources pédagogiques 154 Parmi les arguments invoqués en faveur de l’apprentissage du grec et du latin, il en est un, canonique, presque proverbial C’est pratique pour apprendre d’autres langues étrangères ! » Bien entendu, cet adage prend tout son sens dans la mesure où un certain nombre de langues occidentales et usuelles sont tributaires du grec et du latin, ne serait-ce qu’étymologiquement. Ceci étant, explorer … lire la suite » La beauté antique des immenses Hôpitaux de Saint-Maurice Arrête Ton Char ! 12 juin 2022 Actualités des LCA, Réception de l'antiquité 47 Seize patios et jardins clos, 22 kilomètres de corniches, 900 colonnes doriques. Les Hôpitaux de Saint-Maurice constituent un ensemble architectural cohérent, inspiré par Rome et Pompéi, accessible aux simples passants. Le point de départ d’une balade qui vous conduira jusqu’à Vincennes. L’économie, loin d’être un obstacle à la beauté, en est au contraire la source la plus féconde. » … lire la suite » Nunc est clicandum le Thesaurus Anbrutalis Arrête Ton Char ! 12 juin 2022 Actualité de l'enseignement des LCA en France et dans le Monde, Actualités des LCA, Enseigner les LCA, Ressources pédagogiques 94 Le Thesaurus Ambrutalis est une ressource indispensable qui se présente sous la forme d’une liste de 34 pages de liens renvoyant à des dictionnaires, des livres, des documents audio, des ressources académiques, des portfolio, des liens, des podcasts…. en lien avec l’enseignement du latin. Lien pour consulter la liste lire la suite » Confronter 5 points de vue sur l’esclavage à l’aide de la proposition infinitive ju wo 9 juin 2022 A la une d'ATC, Grammaire, Oralisation, latin grec vivant, Ressources pédagogiques 219 Chronologiquement, Varron, Horace, Sénèque, Pline l’Ancien et Pline le Jeune, ont donné la définition de l’esclave et de l’esclavage. Il est possible en latin de rapporter la parole de nos auteurs en employant la proposition infinitive. Pour cela, voici quelques lanceurs credit, existimat, putat, judicat, scit, videt, dicit, narrat, fama est, refertur, apparet, … La confrontation de ces points … lire la suite » Législatives Pyrénées-Orientales une candidate de la Nupes veut du latin et du grec pour tous les collégiens Arrête Ton Char ! 9 juin 2022 Actualités des LCA, Réception de l'antiquité 87 À cinq jours du premier tour des élections législatives dans les Pyrénées-Orientales, France Bleu Roussillon présentait ce mardi matin les candidats de la troisième circonscription. “Je veux une initiation au grec et au latin dès le collège”, expliquait la candidate de la Nupes, Nathalie Cullell. Nathalie Cullell habite à La Cabanasse. Professeure de français au lycée de Font-Romeu, la candidate … lire la suite » Prat’hic 11 Imaginez que l’empereur Auguste soit l’invité du journal télévisé ju wo 8 juin 2022 A la une d'ATC, Actualités des LCA, Prat'hic récits de pratiques pédagogiques 301 Vos pratiques sont fantastiques ! Régulièrement, ATC donne la parole à des enseignants et à leurs élèves pour qu’ils nous fassent découvrir une activité menée en cours de langues anciennes. Pour conclure sa séquence pédagogique “Divus augustus”, Jean-François Dru, professeur de lettres classiques dans l’Académie de Versailles, propose à ses élèves de réaliser un journal télévisé avec une interview de … lire la suite » Passerelles BNF Anatomie d’un temple Arrête Ton Char ! 6 juin 2022 Actualités des LCA, Civilisation, Iconographie, HDA, Ressources pédagogiques 251 Le mini-site “Passerelles BNF” proposent de nombreuses ressources, notamment des édifices à visiter simplement, parmi lesquels un temple grec D’autres édifices de l’antiquité classique à visiter lire la suite » S’inscrire à l’Académie des langues anciennes pour l’été 2022 Arrête Ton Char ! 6 juin 2022 Actualités des LCA, Promotion des LCA, Ressources pédagogiques 256 Il est possible de s’inscrire à l’Académie des Langues Anciennes 2022 jusqu’au 30 juin. Toutes les informations sont ici Quarante heures de cours intensifs 5h/jour permettront aux débutants de prendre un bon départ et aux autres niveaux d’entretenir des connaissances parfois insuffisamment mobilisées. Cet été 2022, des spécialistes – universitaires, membres du CNRS… – dispenseront des cours d’arabe littéraire, … lire la suite » Séminaire en ligne Réception classique et pédagogie 4ème journée Arrête Ton Char ! 6 juin 2022 Actualités des LCA, Enseigner les LCA, Prat'hic récits de pratiques pédagogiques 100 La quatrième et avant-dernière séance du séminaire en ligne “Réception classique et pédagogie” Aix-Marseille Université aura lieu ce mercredi 8 juin, à partir de 17h00. Elle sera consacrée à la thématique Histoire / histoires l’art de construire un récit. Nous écouterons deux conférences Sébastien Cabes Enseignant d’Histoire-géographie en collège “La place de l’archéologie dans les programmes d’histoire … lire la suite » Cicéron ou Hermès pour aider à traduire Arrête Ton Char ! 6 juin 2022 Actualités des LCA, Grammaire, Numérique, Ressources pédagogiques 308 Demander à Cicéron ou Hermès un peu d’aide pour faire ses devoirs, en particulier ses versions, c’est possible sur la plateforme italienne Après inscription gratuite, vous pourrez choisir un des 12 tuteurs virtuels. La plateforme est évidemment en italien, mais les services d’un traducteur en ligne peuvent pallier la difficulté. lire la suite » Partie en voyage scolaire de chez soi Arrête Ton Char ! 5 juin 2022 Actualités des LCA, Enseigner les LCA, Prat'hic récits de pratiques pédagogiques 208 Partir en Grèce Antique tout en restant chez soi ? C’est un projet qui a été porté par Kevin Péloquin, enseignant en sciences sociales à Québec, lors du confinement. Découvrez-en davantage dans le Petits Cahiers Ludens n*6 ! lire la suite » Le garum, la botte secrète des chefs Arrête Ton Char ! 4 juin 2022 Actualités des LCA, Réception de l'antiquité 140 DÉCRYPTAGE – Partout dans le monde, des étoilés se réapproprient ce condiment issu de la fermentation d’entrailles de poisson, omniprésent dans la Rome antique. Exhausteur de goût, antigaspi et bon pour la digestion, il est aussi accessible au grand public. Garum Lupus, le condiment des champions» les viscères de poisson fermentées conservées dans des amphores s’affichent au fil des pages … lire la suite » A voir sur Arte TV Patrimoine mondial de lUnesco – Trésors culturels Arles Arrête Ton Char ! 4 juin 2022 Actualités des LCA, Référencement des livres, Audios, Videos, Video les documentaires, films, dessins animés 103 Du 05/06/2022 au 02/09/2022 Réputée pour ses monuments d’architecture antique et romane, la ville d’Arles fait vivre son héritage culturel tout en se renouvelant, avec notamment la spectaculaire tour Luma de l’architecte Frank Gehry. À Arles, vestiges antiques et médiévaux témoignent de la riche histoire de la ville. De remarquables monuments attestent notamment d’une présence romaine de … lire la suite » Entrer dans la lecture de Pline et de l’Orbis terrarum ju wo 4 juin 2022 A la une d'ATC, Actualités des LCA, Civilisation, Oralisation, latin grec vivant, Ressources pédagogiques, Séances & séquences 530 L’extrait de Pline l’Ancien, Histoire naturelle III, 3 est un classique pour étudier la vision que les Romains se faisaient du globe. Terrarum orbis universus in tres dividitur partes, Europam, Asiam, Africam. Origo ab occasu solis et Gaditano freto, qua inrumpens oceanus Atlanticus in maria inferiora diffunditur. Hinc intranti dexterea Africa est, laeva Europa, inter has Asia. Termini amnes Tanais … lire la suite » CIRCONSCRIPTIONGRECQUE - 4 Lettres - Mots-Croisés & Mots-Fléchés et Synonymes circonscription grecque — Solutions pour Mots fléchés et mots croisés Cliquez sur un mot pour découvrir sa définition. D'autres définitions intéressantes Circonscription d'un évêque Circonscription du Saint Empire romain germanique circonscription

LIVRE DEUXIÈME. LA PEINTURE. es moyens d’étudier pourront, sans doute, paraître trop laborieux aux jeunes gens ; aussi veux-je leur démontrer que la peinture n’est pas indigne que nous nous y appliquions avec tout notre zèle et toute notre ardeur. En effet, ne possède-t-elle pas en elle comme une force divine, cette peinture qui, entre amis, rend pour ainsi dire présent l’absent lui-même, et, qui plus est, peut, après bien des siècles, montrer les morts aux vivants, de telle façon qu’ils sont reconnus, à la grande admiration de l’homme d’art et au grand plaisir des spectateurs ? Plutarque nous rapporte que Cassandre, un des généraux d’Alexandre, comme il regardait une image de feu son maître, dans laquelle il reconnaissait la majesté royale, se prit à trembler de tout son corps ; et qu’Agésilas, Lacédémonien, se trouvant trop laid, refusa de laisser son portrait à la postérité, ne permettant ni qu’on le peignît, ni qu’on le sculptât. C’est qu’en effet, les visages des morts mènent pour ainsi dire une vie prolongée par la peinture. Mais, de ce que la peinture exprima les visages des dieux, objet de la vénération des peuples, on la regarda comme un des plus grands dons faits aux mortels. En effet, elle a rendu les plus grands services à la piété qui nous rattache aux immortels, et à la retenue des âmes dans les liens d’une religion inaltérée. Phidias exécuta, en Élide, un Jupiter dont la beauté n’ajouta pas médiocrement au culte en vigueur. Mais ce que la peinture apporte aux jouissances honnêtes de l’âme et ce qu’elle ajoute à la splendeur des choses, nous le pouvons voir de reste, principalement en ceci, qu’il n’est d’objet si précieux que la peinture, par sa présence, ne rende plus précieux encore et plus important. L’ivoire, les gemmes et autres objets de prix gagnent encore au contact du peintre. L’or lui-même, travaillé par l’art de la peinture, a plus de valeur qu’à l’état de simple métal. Il n’est pas jusqu’au plomb, le plus vil des métaux, qui, transformé en une effigie quelconque sous les doigts d’un Phidias ou d’un Praxitèle, n’acquît un prix bien supérieur à celui de l’argent brut et non travaillé. Zeuxis avait cette coutume d’offrir ses œuvres en présent, car, disait-il, nul salaire ne les saurait payer. En effet, il pensait qu’aucun prix ne pouvait satisfaire l’homme qui, en peignant ou en sculptant des êtres animés, se considérait lui-même comme un dieu parmi les mortels. Donc, la peinture a cet honneur, que ceux qui la savent éprouvent, en voyant admirer leurs œuvres, comme un sentiment de leur ressemblance avec la Divinité. Et vraiment, n’est-elle pas la maîtresse et le principal ornement parmi tous les arts ? C’est du peintre que l’architecte tient, si je ne me trompe, les architraves, les chapiteaux, les bases, les colonnes, les faîtes et toutes les richesses des édifices. C’est évidemment par la règle et l’art du peintre que le lapidaire, le sculpteur, les officines d’orfèvreries et tous les arts manuels sont dirigés ; enfin, il n’en est presque pas, si infime soit-il, qui n’ait quelque rapport avec la peinture. Si bien que tout ce qui touche à l’ornement semble, j’ose le dire, lui être emprunté. Elle a d’ailleurs été, par-dessus tout, tellement honorée des anciens, qu’alors que tous les artisans étaient compris sous la dénomination de fabri, le peintre seul en était exempt. Cela étant, j’ai coutume de dire, parmi mes familiers, que l’inventeur de la peinture doit être ce Narcisse qui fut métamorphosé en fleur. Qu’est-ce que peindre, en effet, si ce y n’est saisir, à l’aide de l’art, toute la surface d’une onde ? Quintilien suppose que les premiers peintres avaient coutume de circonscrire les ombres au soleil et d’augmenter leur travail par des adjonctions. Il y en a qui disent qu’un certain Philodès, Égyptien, ou qu’un Cléanthès, je ne sais lequel, fut un des premiers inventeurs de cet art. Les Égyptiens assurent qu’il était pratiqué chez eux depuis six mille ans avant qu’il parvînt en Grèce. C’est de cette dernière contrée qu’il nous vint, dit-on, en Italie, après les victoires de Marcellus en Sicile. Mais il importe fort peu de connaître le nom des premiers peintres ou des inventeurs de la peinture. D’autant que nous n’en faisons pas, comme Pline, l’historique, mais que nous en passons l’art en revue, et cela tout à nouveau. Car je ne sache pas qu’il y ait quelque traité subsistant des anciens auteurs. Cependant on affirme qu’Euphranor Isthmius écrivit quelque chose sur la symétrie et les couleurs [1], qu’Antigone et Xénocrate traitèrent de la peinture et qu’Apelles en fit un livre dédié à Persée. Diogène Laërce raconte que Démétrius le philosophe se distingua dans la peinture. Or, puisque nos ancêtres ont laissé des monuments de leur admiration pour tous les arts, j’estime que celui-là ne fut pas laissé de côté par nos vieux écrivains italiens. D’ailleurs, en Italie, les anciens Étrusques s’y distinguèrent par-dessus tous. Trismégiste, très-ancien auteur, pense que la sculpture et la peinture naquirent ensemble, avec la religion, car il dit à Asclépius La nature, se souvenant de son origine, figura les dieux à sa ressemblance[2]. » Et qui pourrait nier que la peinture, aussi bien dans les choses privées que publiques, profanes que religieuses, ne se soit attribué la place la plus honorable ? Où trouver, entre tous les hommes d’art, quelqu’un dont on ait fait plus de compte que du peintre ? On rapporte les prix incroyables de certains tableaux. Aristide de Thèbes vendit une peinture jusqu’à cent talents. On dit que Rhodes ne fut pas incendiée par le roi Démétrius, afin de sauver un tableau de Protogènes, et nous pouvons affirmer que Rhodes fut rachetée au prix d’une seule peinture. On a colligé bien d’autres récits afin de démontrer que les bons peintres ont toujours été louangés et honorés extrêmement par tous, de même que de très-nobles citoyens, philosophes et rois se sont délectés non-seulement à la vue, mais à la pratique de la peinture. Lucius Manilius, citoyen romain, et Fabius, personnage de noblesse urbaine, furent peintres. Turpilius, chevalier romain, peignait à Vérone. Sitedius, préteur et proconsul, se fit un nom par la peinture. Pausius, poète tragique, petit-fiils par sa mère du poëte Ennius, fit un Hercule dans le forum. Les philosophes Socrate, Platon, Métrodore, Pyrrhon, se distinguèrent dans la peinture ; les empereurs Néron, Valentinien et Alexandre Sévère y furent très-appliqués. Il serait trop long d’énumérer tdus les princes et tous les rois qui s’adonnèrent à cet art très-noble. Il y a encore moins lieu de citer la foule des peintres de l’antiquité. On peut s’en faire une idée en songeant que Démétrius de Phalère, fils de Phanostrates, détruisit par les flammes, en l’espace de quatre cents jours, trois cent soixante statues, tant équestres qu’en quadriges ou en biges. Pensez-vous que dans une ville où il y avait tant de sculpteurs, il dût y avoir peu de peintres ? La peinture et la sculpture sont des arts qu’un même esprit entretient ; mais je préférerai toujours le génie du peintre qui s’applique à une chose extrêmement difficile. Revenons à notre sujet. La foule des peintres et des sculpteurs devait être grande en ces temps où les princes et les plébéiens, les doctes et les ignorants se délectaient de la peinture. Alors on exposait sur les théâtres, parmi les plus précieuses dépouilles des provinces, des statues et des tableaux. On en vint à ce point que Paul-Émile et un grand nombre de citoyens romains firent, entre autres arts libéraux, enseigner la peinture à leurs enfants, pour les dresser à une vie honnête et heureuse. Il faut noter ici, surtout, cette excellente coutume des Grecs, qui voulaient que les ingénus et les enfants, élevés librement, fussent instruits dans l’art de peindre en même temps que dans les lettres, la géométrie et la musique. Bien plus, la peinture fut en honneur auprès des femmes, et les auteurs célébrèrent les œuvres de Martia, la fille de Varron. Enfin la peinture fut en si grand honneur et en telle estime chez les Grecs, qu’ils rendirent un édit par lequel il était défendu aux esclaves de l’étudier, ce qui n’est pas une injustice, car cet art est tellement digne des esprits les plus libéraux et les plus nobles, que, pour moi, j’ai toujours jugé pourvu d’une intelligence des meilleures et des plus élevées celui que je voyais s’en délecter. Toutefois, la peinture est agréable aux savants comme aux ignorants. En effet, il est rare, quand elle réjouit les capables, qu’elle n’émeuve pas les inexperts, et tu ne saurais trouver personne qui ne fût grandement jaloux d’y exceller. La nature elle-même semble s’être complu à peindre, car nous la voyons quelquefois représenter sur les marbres des hippocentaures et des visages barbus de rois. On raconte que, sur une gemme appartenant à Pyrrhus, on voyait les neuf Muses représentées distinctement, par un effet naturel, avec leurs attributs. Ajoutez qu’il n’y a pas d’art dont la pratique ou l’étude, à quelque âge que ce soit, apporte un plus grand contingent de plaisir à ceux qui le connaissent comme à ceux qui l’ignorent. Qu’il me soit permis de dire de moi-même, lorsque je me mets à peindre pour mon plaisir, ce qui m’arrive souvent quand mes autres affaires me le permettent, que je persiste dans ce travail avec tant de bonheur, que trois ou quatre heures s’écoulent sans que je puisse le croire. Ainsi donc, la culture de la peinture sera pour toi une cause de plaisir, et, si tu y excelles, une source de louanges, de richesses et de perpétuelle renommée. Cela étant, et la peinture pouvant se considérer comme le meilleur et le plus antique ornement des choses, digne des hommes libres, agréable aux doctes et aux ignorants, j’exhorte de toutes mes forces les jeunes gens à se livrer, autant qu’ils le pourront, à sa pratique ; j’exhorte surtout ceux qui sont épris de cet art à consacrer toute leur étude et tout leur zèle à le porter à sa perfection. Mais si vous cherchez à vous distinguer par la peinture, ayant à cœur, avant tout, la renommée et la gloire que vous savez avoir été si chères aux anciens, qu’il vous plaise vous souvenir que l’avarice fut toujours l’adversaire de l’honneur et de la vertu. L’esprit enclin à ce vice récoltera rarement le fruit de la postérité. J’en ai vu plusieurs qui, au beau moment d’apprendre, s’étant adonnés au gain, n’ont jamais pu, par cela même, acquérir l’ombre de gloire ni la moindre fortune, tandis que, s’ils eussent porté leur intelligence à l’étude, ils eussent atteint la réputation qui leur eût dispensé richesse et bonheur. En voilà suffisamment à cet égard, revenons à notre sujet. Nous diviserons la peinture en trois parties division que nous avons empruntée à la nature elle-même. Or, puisque la peinture s’évertue à représenter les objets visibles, remarquons de quelle manière les objets tombent sous la vue. Tout d’abord, quand nous apercevons quelque chose, nous voyons que ce quelque chose occupé une certaine place. Aussi, vraiment, le peintre circonscrit-il l’espace de cette place, et le fait de tracer les contours s’exprime-t-il par le mot de circonscription. En considérant comment les diverses superficies du corps examiné se relient entre elles, l’homme d’art dessine ses conjonctions à leur place propre et nomme cela avec justesse la composition. Enfin, par la vue, nous discernons plus distinctement les couleurs des surfaces ; et parce que la représentation de ce phénomène, en peinture, subit, par les lumières, diverses modifications, nous nommerons cela la distribution des lumières. Donc, la circonscription, la composition et la distribution des lumières constituent la peinture. D’où résulte ce que nous allons exprimer très-brièvement, et d’abord, examinons la circonscription. La circonscription est cette opération qui consiste, en peignant, à tracer les circuits des contours. C’est en quoi excellait Parrhasius, ainsi que nous l’apprend Xénophon dans un entretien de Socrate. On rapporte, en effet, qu’il apporta le soin le plus délicat dans le tracé des lignes. J’estime que, dans cette circonscription, ils s’appliqua principalement à mener ces traits avec une grande finesse, d’une manière presque invisible, exercice où il lutta, dit-on, d’habileté avec Protogènes. Ainsi donc, la circonscription n’est autre chose que le tracé des contours, et s’ils se faisaient avec une ligne trop apparente, ils ne représenteraient plus les bords des superficies, mais bien plutôt de petites fissures. C’est pourquoi désiré-je qu’on ne vise pas à déterminer, par la circonscription, autre chose que les circuits des contours ; et j’affirme qu’on s’y doit exercer extrêmement, attendu que, là où la circonscription sera mauvaise, il n’y aura lieu de louer ni la composition, ni la distribution des lumières. Tandis qu’au contraire, la circonscription toute seule peut encore être très-agréable à considérer. Applique-toi donc à cette opération, pour laquelle je ne sache pas qu’on puisse trouver rien de mieux que ce voile auquel j’ai coutume, avec mes amis, de donner le nom à l’intersecteur. C’est moi qui en ai inventé l’usage. Voici ce qu’il en est. Je tends sur un cadre un voile de fil très-fin et tissé très-lâche, de n’importe quelle couleur, divisé en carrés égaux parallèles au cadre par des fils plus gros ; je l’interpose entre mon œil et ce que je veux représenter, de façon à ce que la pyramide visuelle pénètre au travers du voile par l’écartement des fils. Cette intersection du voile a en elle de fort grands avantages. Le premier, c’est de te représenter les mêmes superficies immobiles ; car, ayant placé les premiers contours, tu retrouveras toujours les points de la pyramide suivant laquelle tu as opéré tout d’abord, ce qui, sans l’emploi de cet intersecteur, est chose fort difficile à obtenir. Or, sache qu’il est impossible, en peignant, de bien imiter un objet, si, tant qu’on le peint, on ne lui conserve pas toujours le même aspect. C’est ce qui fait que les peintures ressemblent bien plus au modèle que les sculptures, parce qu’elles conservent toujours le même aspect. Sache, en outre, que si tu changes la distance et la position du point central, l’objet lui-même paraîtra modifié. Aussi ce voile ou intersecteur sera-t-il, ainsi que je l’ai dit, d’une assez notable utilité, puisqu’il maintient l’objet sous un même aspect. Le premier avantage sera de pouvoir établir à des places certaines, sur le tableau qu’on exécute, la position des contours et les limites des superficies. En effet, considérant que le front tient en tel carré, le nez dans celui au-dessous, les joues dans les plus voisins, le menton dans le plus bas, et ainsi de suite pour toutes les parties, chacune à sa place, tu peux colloquer de nouveau ces parties sur le tableau ou sur la paroi, dans des divisions parallèles préalablement établies. Un autre avantage qu’apporte cet instrument à l’exécution de la peinture, c’est de te montrer dessinés et peints, sur sa surface plane, tous les reliefs et les bosses de ce que tu veux représenter. Par cela nous pouvons, avec de l’expérience et du jugement, voir suffisamment de quelle utilité peut nous être ce voile pour peindre avec facilité et justesse. Je ne veux pas écouter ceux qui prétendent qu’un peintre ne doit pas s’habituer à de semblables moyens, parce que, bien qu’ils lui apportent un grand secours, ils sont tels, que sans eux il ne saurait plus rien faire par lui-même. Mais, si je ne me trompe, nous n’avons pas à demander au peintre de prendre une peine infinie, mais seulement de nous rendre en peinture les reliefs exacts que nous voyons dans les objets. C’est là, à moins que je ne manque d’intelligence, une qualité qui me semble devoir être obtenue beaucoup moins bien sans l’usage de ce voile. C’est pourquoi, que ceux qui veulent progresser en peinture fassent emploi de cet intersecteur dont je viens de les entretenir. Toutefois, si quelques-uns entendaient exercer leur intelligence sans le secours de ces carreaux, qu’ils s’imaginent sans cesse les avoir devant les yeux, tirant fictivement une ligne transversale coupée par une perpendiculaire, afin de déterminer la position des contours. Mais, pour la plupart des peintres inexpérimentés, les contours des superficies paraissent incertains, comme, par exemple, dans les visages, sur lesquels ils ne savent souvent discerner l’endroit où s’arrêtent les tempes. Il importe de leur enseigner le moyen d’acquérir cette connaissance. La nature le démontre parfaitement. En effet, de même que nous distinguons les surfaces planes par les lumières et les ombres qui leur sont propres, de même aussi, parmi les surfaces sphériques ou concaves, pouvons-nous remarquer que celles qui contiennent plusieurs superficies se distinguent par plusieurs taches d’ombre ou de lumière. Ainsi, on peut tenir pour des parties différentes celles qui sont diversifiées par le clair ou par l’obscur. Que si une partie, passant insensiblement d’un effet ombré à un effet très-clair, formait une superficie unique, nous devrions tracer notre ligne au beau milieu, afin de ne pas être incertains quant à la manière de colorer tout le morceau. Nous avons encore à dire quelque chose sur la circonscription, attendu qu’elle importe considérablement pour la composition. Mais il ne faut pas ignorer ce qu’on entend par cette dernière. La composition est une opération de la peinture par laquelle, dans une œuvre, on réunit les différentes parties. Le sujet est, pour le peintre, de la plus grande importance. Les corps sont les parties du sujet, le membre est une partie du corps, la superficie une partie du membre. Or, la circonscription est cette opération de peinture par laquelle on indique, en quelque objet que ce soit, les superficies des corps. Ces dernières sont petites chez les êtres animés, grandes sur les édifices et dans les colosses. Les préceptes donnés jusqu’ici sont suffisants pour arriver à circonscrire les petites superficies, et nous avons montré comment on peut en avoir raison à l’aide de l’intersecteur. Quant à la circonscription des grandes, il faut s’enquérir d’une autre méthode. Pour cela, nous devons remémorer tout ce que nous avons dit dans les rudiments, touchant les rayons, la pyramide et l’intersection. D’une autre part, il ne faut pas oublier ce dont j’ai parlé à propos du point central et de la ligne du même nom. Supposons que sur le sol, divisé parallèlement, nous ayons à élever les ailes d’un mur ou toute autre chose semblable, que nous nommerons superficies dressées. Je vais dire en peu de mots comment je ferai cette élévation. Tout d’abord, je commencerai par les fondations. J’inscris sur le sol la longueur et la largeur des murs. À ce propos, nous ferons remarquer cette loi naturelle qui consiste en ce que, dans un corps rectangulaire, on ne saurait jamais voir à la fois, sous un seul et même aspect, que deux superficies debout. C’est pourquoi j’observe, en inscrivant les fondations des parois, de ne tracer que les contours des côtés qui tombent sous la vue, et je commence toujours par les superficies les plus rapprochées, principalement par celles qui sont parallèles à l’intersection. Je les trace donc avant toutes les autres, et j’établis, par des lignes parallèles sur le sol, la longueur et la largeur que j’entends leur attribuer. Ainsi, je prends autant de lignes parallèles que je pense à leur donner de brasses, et je détermine le milieu de ces parallèles par l’intersection des diamètres entre chacune d’elles ; si bien que, grâce à cette mesure des parallèles, j’inscris parfaitement la longeur et la largeur des murs sortant du sol. Il ne m’est pas difficile, alors, d’établir la hauteur de mes murailles. En effet, cette mesure, comprise entre la ligne du centre et la place du sol d’où s’élève la quantité de l’édifice, conservera la même mesure. Or, si tu voulais que cette quantité fût, à partir du sol jusqu’au faîte, quatre fois de la hauteur d’un homme qui y serait peint, en supposant la ligne du centre placée à la hauteur de celui-ci, la quantité comprise entre le sol et cette ligne mesurerait trois brasses d’élévation, puis, pour l’accroître jusqu’à ce qu’elle mesurât douze brasses, superpose-lui trois fois la quantité comprise entre la base et la ligne du centre. Ainsi donc, si nous retenons bien ces préceptes de peinture, nous saurons circonscrire parfaitement les superficies formant des angles. Il nous reste à dire comment on circonscrit, par leurs contours, les superficies circulaires. Elles s’extraient des superficies angulaires. Voici comment j’opère. J’inscris une surface circulaire dans un rectangle équilatéral, dont je divise les côtés en autant de parties égales que la base du rectangle, où se fait la peinture, aura subi de divisions ; puis, de chaque point, tirant des lignes au point correspondant, j’en remplis le susdit rectangle. Là, j’inscris un cercle de la grandeur qui me convient, de manière que ce cercle fasse, avec les parallèles, des intersections que je note et que je reporte aux endroits correspondants sur les lignes parallèles tracées sur le sol de mon tableau. Mais comme ce serait un travail excessif que d’inscrire tout ce cerclé à l’aide de parallèles tirées à l’infini jusqu’à ce que son contour se déterminât par d’innombrables points d’intersection, je m’arrange pour ne le marquer que par huit points ou à peu près, et puis je trace d’inspiration la circonférence, en la faisant passer par ces points déterminés. Il serait peut-être plus court de circonscrire ce contour par l’ombre que porterait une lampe, attendu que le corps qui causerait cette ombre recevrait la lumière d’après un principe certain et serait juste en place. Nous avons donc défini la manière de tracer avec des parallèles les premières surfaces angulaires et circulaires. Après avoir dit tout ce qui a rapport à la circonscription, il convient d’en venir à ce qui regarde la composition. Nous ferons bien de répéter ce que c’est. La composition est cette opération de la peinture par laquelle, dans une œuvre peinte, on relie les différentes parties ensemble. L’œuvre la plus colossale ne consiste pas à représenter un colosse, mais un sujet ; et il y a beaucoup plus d’honneur à rendre bien celui-ci que celui-là. Les corps sont les parties du sujet, la partie du corps est le membre, la partie du membre est la superficie ; les parties élémentaires de l’œuvre sont donc les superficies. D’elles se composent les membres, des membres se font les corps, et des corps le sujet qui constitue l’œuvre dernière et absolue du peintre. C’est de l’assemblage des superficies que résultent et cette convenance et cette grâce qu’on nomme la beauté. Car tel faciès qui aura des superficies grandes et d’autres petites, trop saillantes d’une part et trop rentrées de l’autre, ainsi que le visage des vieilles femmes, sera certainement une chose laide à voir. Mais de telle figure qui aura ses superficies attachées de façon que de douces lumières s’y convertissent insensiblement en ombres suaves, qui n’aura aucune aspérité anguleuse, nous dirons avec raison qu’elle est belle et pleine de charme. Ainsi donc, ce qu’on doit surtout rechercher dans la composition des surfaces, c’est la grâce et la beauté. C’est pourquoi, quelle que soit la manière de nous y prendre, la plus certaine que je sache est encore d’observer la nature, examinant longtemps et avec soin comment cette merveilleuse ouvrière agence elle-même les superficies dans les beaux corps. Aussi importe-t-il extrêmement de prendre plaisir à l’imiter avec toute l’attention et tout le zèle possibles, en employant le voile dont j’ai parlé. Et quand nous aurons relaté et mis en œuvre les superficies des plus beaux corps, nous devrons nous occuper tout d’abord de leurs limites, afin de tracer des lignes à la place déterminée. Cela suffit quant à la composition des superficies. Voyons celle des membres. Dans la composition des membres, ce qu’il faut avant tout observer, c’est qu’il y ait convenance entre eux. Cette convenance sera parfaite si, par leur grandeur, leur office, leur coloration, ou par toute autre propriété qui leur appartient, il y a entre eux cette correspondance qui fait la grâce et la beauté. Si, par exemple, dans un simulacre quelconque, la tête est grosse, la poitrine étroite, la main énorme, le pied gonflé, le corps obèse, la composition en sera laide à voir. Il y a donc, quant à la grandeur, une certaine raison qu’il faut observer ; et pour obtenir les mesures en peignant des êtres animés, il est d’une importance capitale de considérer avec l’esprit quels sont les os, attendu que, ne se pliant jamais, ils se trouvent toujours en un lieu fixe et certain. Puis il convient de savoir mettre en place les nerfs et les muscles. Enfin, pour achever, il faut savoir revêtir avec la chair et là peau les ossements et la musculature. Peut-être qu’ici on m’objectera ce que j’ai dit plus haut, que le peintre n’a que faire de s’occuper de ce qui ne se voit pas. Soit ; mais si l’on veut habiller des figures, il faut d’abord les tracer nues avant que de les vêtir ; de même, si l’on veut peindre le nu, il faut savoir mettre en place les os et les muscles qu’on devra après recouvrir de chair et de peau, afin de n’éprouver aucune difficulté à reconnaître où ces premiers sont placés. Or, puisque la nature nous démontre elle-même toutes les mesures en les mettant parmi nous, le peintre studieux ne trouvera pas un médiocre avantage à les reconnaître, par son travail, sur la nature même. C’est pourquoi, que ceux qui sont diligents prennent cette peine, afin qu’ils sachent bien qu’ils profiteront autant à mettre leur étude et leur application à connaître la proportion des membres qu’à se la fixer dans la mémoire. Une chose que je recommande principalement pour mesurer un être animé, c’est dé prendre quelque partie de ses propres membres. L’architecte Vitruve dénombre les mesures de l’homme en se servant de son pied comme étalon. Je pense, quant à moi, qu’il serait plus convenable que les autres quantités se rapportassent à la mesure de la tête. Toutefois j’ai remarqué, chez l’homme, que la mesure du pied était presque toujours égale à celle du menton au sommet de la tête. Ainsi donc, prenant un membre, il faut, d’après lui, établir les autres ; car, dans tout être animé, il n’y a aucune longueur ni aucune largeur de membre qui ne corresponde à celles des autres. Il faut encore bien veiller à ce que tous les membres remplissent bien leur office dans une action quelconque. Il convient, chez un coureur, que les mains ne se jettent pas plus loin que les pieds, et je préfère qu’un philosophe en prière trahisse, par sa membrure, plutôt la modestie que la gymnastique. Le peintre Dœmon représenta un Hoplite combattant qui semblait être tout en sueur, et un autre, déposant les armes, qu’on eût dit essoufflé. Il y eut tel peintre qui peignit Ulysse de façon que tu aurais reconnu en lui, non la folie véritable, mais la folie simulée. Les Romains font un grand éloge d’une peinture qui représente Méléagre apporté mort, et ceux qui l’entourent remplis d’angoisses et les membres affaissés. Cependant, chez un mort, il n’y a nul membre qui ne paraisse mort également ; tous pendent les mains, les doigts, la tête, tombent languissamment. Tout, enfin, concourt à donner au corps l’aspect de la mort ; ce qui est d’une grande difficulté. Or, c’est aussi bien le fait d’un grand artiste de représenter, dans une figure, des membres oisifs que des membres animés et agissants. Donc, il faut observer, en peinture, que chaque membre remplisse bien l’office qui lui est propre et que la plus petite articulation ne laisse pas que de faire son service ; de telle sorte que tout membre inanimé ou tout membre vivant semble être tel jusqu’au bout des ongles. On dit qu’un corps est en vie quand, de son plein gré, il agit et se meut. On le dit mort lorsque les membres se refusent à continuer les offices de la vie, c’est-à-dire le sentiment et le mouvement. C’est pourquoi le peintre qui voudra que ses simulacres de corps paraissent vivants devra faire en sorte qu’en eux chaque membre exécute parfaitement ses mouvements. Mais il faut, dans chaque mouvement, rechercher la grâce et la beauté. Or, de tous, les plus agréables et qui semblent vivre davantage sont ceux qui s’élèvent en l’air. En outre, il faut dire que, dans la composition des mouvements, il importe de considérer l’espèce, car ce serait le comble de l’absurde si les mains d’Hélène ou d’Iphigénie paraissaient séniles et rustiques ; si le torse de Nestor était représenté juvénile avec une tête délicate ; si Ganymède avait le front ridé et une jambe d’athlète ; ou bien si nous donnions à Milon, le plus robuste des hommes, des flancs veules et grêles. De même, dans les effigies où les visages sont solides et, comme on dit, pleins de suc, il serait véritablement honteux de mettre des mains et des bras consumés par la maigreur, tandis que celui qui peindrait Achaménides découvert par Énée dans son île avec le visage que dépeint Virgile, sans lui donner des membres congruents à la face, serait un peintre inepte et des plus ridicules. Ainsi donc, il faut que toutes choses soient en rapport de convenance avec l’espèce, et je l’entends ainsi quant à la couleur. En effet, à des visages rosés, charmants, blancs comme neige, un sein et des membres noirs et affreux ne sauraient convenir. Nous avons suffisamment dit tout ce qu’il faut observer dans la composition touchant la grandeur, l’office, l’espèce et la couleur. Il faut prendre garde à tout cela pour la dignité de l’œuvre. Il serait inconvenant de faire Minerve ou Vénus vêtue d’un sayon, et d’habiller indécemment Jupiter ou Mars d’une robe de femme. Les anciens peintres, dans leurs peintures, s’efforçaient de représenter Castor et Pollux tels que des jumeaux, et cependant ils faisaient sentir chez l’un la supériorité au pugilat, et chez l’autre à la course. Ils voulaient même que, chez Vulcain, le vice de claudication fût sensible sous ses draperies, tant ils prenaient de soins à rendre ce qu’ils voulaient exprimer, selon l’office, l’espèce et la dignité convenables. Après cela s’ensuit la composition des corps qui constitue l’honneur et tout le génie du peintre, composition dont nous avons parlé quelque peu en traitant de celle des membres. Il est important que, dans le sujet, les corps soient en rapport de convenance quant à l’office et à la grandeur. Si, en effet, tu avais peint des centaures tumultueux dans un festin, il serait inepte de placer, en un désordre si sauvage, quelque individu sommeillant par ivresse. Ce serait également une faute que de faire des hommes situés sur un même plan beaucoup plus grands les uns que les autres ; de même que si, dans un tableau, les chiens étaient de la taille des chevaux. Il faut blâmer aussi, ce que je vois souventes fois, des hommes représentés dans un édifice comme enfermés dans un écrin, où ils pourraient à peine se tenir assis ou courbés en deux. Il faut donc que tous les corps aient entre eux, suivant ce dont il s’agit, une convenance quant à la grandeur et quant à l’office. Mais, pour ce qui regarde un sujet qu’on puisse à juste titre louer et admirer, il faut qu’il se présente de telle sorte et pourvu de tels attraits qu’il paraisse agréable et orné, et retienne longtemps sous le charme et sous l’émotion l’esprit du spectateur instruit comme celui de l’ignorant. Ce qui, tout d’abord, dans un sujet, t’apportera quelque plaisir, c’est l’abondance et la variété des choses. De même que, dans la bonne chair et dans la musique, une abondance renouvelée charme principalement, entre autres raisons parce qu’elle apporte quelque différence et quelque changement dans les choses anciennes et habituelles, ainsi l’âme se complaît extrêmement en toute abondance et en tout changement. C’est pourquoi la variété des corps et des couleurs est agréable en peinture. Je dirai qu’une composition est très-abondante lorsque, chaque chose à sa place d’ailleurs, on y verra mêlés des vieillards, des hommes faits, des adolescents, des jeunes garçons, des matrones, des vierges, des petits enfants, des animaux domestiques, des chats, des oiseaux, des chevaux, des pécores, des édifices, des campagnes. Or, je louerai toute abondance, pourvu qu’elle soit en parfaite convenance avec ce dont il s’agit. Il en résulte que plus les spectateurs sont arrêtés par la vue des choses, plus leur gratitude envers le peintre est considérable. Mais je voudrais que non-seulement cette abondance fût parée par la diversité, mais encore qu’elle fût pondérée et modérée par de la dignité et de la grâce. Je blâme vraiment ces peintres qui, voulant paraître féconds dans leurs œuvres et n’y pas laisser de place vide, au mépris de toutes les lois de la composition, y disséminent les objets d’une manière confuse et déréglée ; d’où il advient que le sujet ne semble plus être une action, mais bien un tumulte. Il se peut même que celui qui, avant tout, recherchera la dignité devra rechercher extrêmement la sobriété ; car, de même que chez un prince la sobriété des paroles ajoute à leur majesté, pourvu toutefois qu’on en comprenne le sens, de même aussi, dans un sujet, un nombre mesuré de corps répand de la dignité. La variété donne de la grâce. Je redoute la pauvreté dans une composition, mais je craindrais bien plus une abondance qui ne s’accorderait pas avec la dignité. Aussi approuvé-je singulièrement ce qu’observent les poètes, tant tragiques que comiques, alors qu’ils représentent leurs fables avec le moins grand nombre possible de personnages. À mon sens, il n’est sujet si compliqué qui ne se puisse rendre avec neuf ou dix personnages. C’est ainsi que je prise l’opinion de Varron qui, dans un banquet, tenant à éviter le tumulte, n’admettait pas plus de neuf convives. Mais comme la variété aura toujours un grand charme, la peinture où il y aura des attitudes et des positions de corps très-différentes plaira particulièrement. Il faut donc qu’il y ait des personnages vus de face, les mains levées, les doigts en mouvement, portant sur un pied ; d’autres la face en sens inverse, les bras pendants, les pieds joints. Surtout que chacun ait bien les inflexions et les mouvements qui lui conviennent. Que ceux-ci soient assis, à genoux, où à demi couchés ; que ceux-là soient nus s’il le faut, ou, par un compromis entre deux formes de l’art, à demi vêtus. Mais ayez soin d’observer toujours la pudeur et la modestie ; que les parties obscènes ou disgracieuses soient voilées par des draperies, par des feuillages, ou bien couvertes avec la main. Apelles, en peignant Antigone, eut soin de représenter son visage du côté où n’était pas le défaut de son œil. On voit dans Homère, là où il décrit Ulysse naufragé sortant, à son réveil, de la forêt et s’avançant à la voix de jeunes filles, qu’il lui donne un voile de feuilles d’arbres autour des parties honteuses du corps. On raconte que Périclès avait la tête trop longue et mal faite, aussi les peintres et les sculpteurs ne le représentaient pas la tête nue, comme les autres, mais ils le coiffaient d’un casque. Enfin Plutarque nous apprend que les anciens peintres, lorsqu’ils portraituraient des rois, avaient coutume, quant aux défauts, de ne pas vouloir paraître les avoir entièrement négligés, mais de les amender le plus possible. Ainsi donc, j’entends que la pudeur et la modestie soient si bien observées dans un sujet, que les laideurs soient laissées de côté, ou tout au moins arrangées. Je pense enfin, comme je l’ai dit, faire extrêmement en sorte que le même geste ou que la même attitude ne se trouve pas répétée dans un tableau. Un sujet sera capable d’émouvoir les spectateurs lorsque des personnages immobiles y manifesteront fortement les mouvements de leur âme. C^st un fait naturel que rien ne tend plus à la réciprocité ; tellement que nous pleurons à l’aspect des larmes, que le rire provoque le rire et que nous souffrons en présence de la souffrance. Mais ce sont les mouvements du corps qui révèlent ces mouvements de rame ; car nous voyons que les hommes chagrins, accablés de soucis et de maux, ont les sens engourdis, sont alanguis et vont lentement, les membres pâles et pendants. En efiet, les mélancoliques ont le front baissé, la tête languissante et les membres comme affaissés et abandonnés. Les hommes colères, dont l’esprit est enflammé par l’emportement, ont le visage et les yeux gonflés, rougissent et se démènent vivement sous l’impression de la fureur. Mais quand nous sommes joyeux et gais, nos mouvements sont dégagés et d’une souplesse agréable. On loua Euphranor d’avoir fait à Paris-Alexandre un visage tel, qu’on discernait en lui tout à la fois l’élu des Déesses, l’amant d’Hélène et le meurtrier d’Achille. Ce fut un merveilleux honneur pour le peintre Dæmon qu’on pût reconnaître facilement, dans ses tableaux, l’homme violent, l’injuste, l’inconstant, aussi bien que le généreux, le clément, le miséricordieux, l’humble et le brave. Entre autres choses, on rapporte que le Thébain Aristides, presque l’égal d’Apelles, sut rendre en perfection ces mouvements de l’âme, et nous pourrons y exceller nous-mêmes quand nous voudrons bien y apporter l’étude et la diligence qui conviennent. Il faut donc que les mouvements du corps soient parfaitement connus du peintre, et c’est dans la nature qu’il devra soigneusement les étudier. C’est une chose fort difficile, attendu que les mouvements infinis de l’âme font varier également ceux du corps. Quel est le peintre, s’il n’est très-expert, qui pourra croire jusqu’à quel point il est difficile, quand on veut rendre un visage qui rie, de ne pas le faire plutôt pleurant que joyeux ? Bien plus, qui se sentira capable, sans une étude et une application infinies, de traduire un visage où la bouche, le menton, les yeux, les joues, le front, les sourcils, s’accordent ensemble pour exprimer la douleur ou la joie ? C’est pourquoi il faut, là-dessus, consulter la nature, et imiter toujours, en premier, les aspects les plus fugitifs. Mais il faut peindre, de préférence à ce qui frappe seulement les yeux, ce qui cause une impression à l’âme. Avant tout, disons quelque chose sur ce que nous a suggéré notre propre génie touchant les mouvements. Et d’abord, je crois qu’il importe que les corps, selon ce qu’ils ont à faire, se meuvent entre eux avec une certaine grâce. En outre, j’aime que, dans un sujet, il y ait quelqu’un qui fasse aux spectateurs comme un signe de la main, les invitant à voir ce qui s’y passe, ou bien, si au contraire il s’agit d’un acte mystérieux, que ce même personnage leur indique de s’éloigner par un visage et des yeux épouvantés ; qu’il* te démontre enfin qu’il y a là ou un danger ou quelque merveille, et que, par ses gestes, il t’engage à rire ou à pleurer. Bref, il faut que tout ce que font les personnages entre eux, comme par rapport au spectateur, soit autant d^actes qui concourent au rendu et à l’éclaircissement du sujet. On vante le Cypriote Timanthe de ce que, dans le tableau par lequel il l’emporta sur Colotès [3], ayant fait Calchas affligé du sacrifice d’Iphigénie, Ulysse plus triste encore, et ayant réuni sur Ménélas tout ce qu’il avait d’art et de ressources pour exprimer le chagrin, comme il avait épuisé les formes de l’affliction et ne trouvait rien qui pût rendre la douleur du père, il lui couvrit la tête d’une draperie, laissant ainsi au spectateur à s’imaginer par son propre cœur une désolation plus grande que celle qu’eussent pu percevoir ses yeux. On vante également, à Rome, le navire de M. Giotto, peintre toscan, où il exprima si bien l’épouvante et la stupéfaction des onze apôtres à la vue de leur compagnon marchant sur les ondes, que chacun, à part soi, laisse voir le trouble de son âme et représente différemment, par les attitudes corporelles, l’effroi dont il est saisi. Mais déduisons rapidement tout ce passage sur les mouvements. Il y a ceux de l’âme, que les doctes nomment des affections, comme la colère, la douleur, la joie, la crainte, etc. Les autres sont propres au corps. On dit que les corps se meuvent différemment, selon qu’ils croissent ou diminuent, qu’ils passent de l’état sain à l’état malade, et retournent de la maladie à la santé ; ou bien encore quand ils changent de place. Nous autres peintres qui voulons exprimer les affections de l’esprit par les mouvements des membres, — mettant à part toute autre question, — nous, traiterons seulement de ce mouvement, qu’on dit être produit lorsque la place est changée. Toute chose qui est changée de place a sept directions de mouvement, car elle est dirigée en haut ou en bas, à droite ou à gauche, en se retirant loin de là ou en venant à nous ; un septième mode de mouvement est celui qui consiste à tourner en rond. Je désire donc que tous les mouvements soient rendus en peinture ; qu’il y ait des corps qui se dirigent vers nous, d’autres qui s’en éloignent ; que les uns tendent vers la droite, d’autres vers la gauche, que quelque nombre de ces corps se présente en face des spectateurs, qu’un certain nombre s’en éloigne ; que ceux-ci s’élèvent en haut, que ceux-là tendent vers le bas. Cependant, en peignant ces mouvements, on transgresse en général toutes les règles. Aussi convient-il que je rapporte ici, sur la situation et les mouvements des membres, plusieurs observations que j’ai puisées dans la nature ; d’où nous devrons bien comprendre avec quelle mesure il faut employer ces différents mouvements. J’ai reconnu chez l’homme, en effet, combien, dans son attitude entière, tout son corps est subordonné à la tête, qui, de tous les membres, est le plus pesant. Or, s’il appuie tout son corps sur un seul et même pied, toujours ce pied, comme la base d’une colonne, sera placé perpendiculairement sous la tête ; et le visage d’une personne ainsi posée est presque toujours tourné vers le point où le pied est dirigé. Nous avons remarqué que, quelquefois, les mouvements de la tête sont tels, qu’elle n’a pas toujours au-dessous d’elle quelques parties du corps possédant une pesanteur constante, à moins qu’elle n’attire, ce qui est certain, quelque membre dans la partie opposée, comme un bras de balance, pour lui faire contre-poids. Nous voyons que ce fait a lieu lorsqu’une personne, soutenant un fardeau à bras tendu, tient un pied fixé fermement comme le fuseau de la balance, et résiste, avec toute l’autre partie du corps, pour maintenir l’équilibre. J’ai compris que la tête de l’homme qui se tient debout ne peut se pencher en arrière au delà de la position où les yeux aperçoivent le milieu du ciel, et qu’elle ne saurait se tourner par côté au delà du point où le menton atteindra l’épaule. Quant à cette partie du corps où nous nous ceignons, c’est à peine si nous pouvons la tourner en dedans suffisamment pour que l’épaule arrive en droite ligne au-dessus de l’ombilic. Les mouvements des bras et des jambes sont plus libres, afin de ne pas gêner les parties nobles du corps. J’ai remarqué, d’après la nature, qu’avec le bras tendu les mains ne peuvent presque jamais s’élever au-dessus de la tête et le coude au delà des épaules, et de même, que le pied, quand la jambe est tendue, ne saurait s’élever au-dessus du genou, ni s’écarter de l’autre pied d’une quantité plus grande que sa propre mesure. J’ai fait cette observation que, si nous élevons une main, toutes les parties qui sont de son côté, jusqu’au pied, suivent ce mouvement, et que le talon même est entraîné par le bras à se soulever du sol. Il y a bien des choses semblables qu’un homme d’art habile apercevra, et peut-être que ces observations sont si évidentes, qu’il peut paraître superflu de les relater. Néanmoins, nous n’avons pas négligé de le faire, parce que nous avons remarqué que la plupart des peintres se sont gravement trompés à cet égard. Ils rendent, en effet, des mouvements trop forcés, et ils font en sorte que, dans la même figure, la poitrine et les fesses soient vues sous une même perspective ; ce qui est aussi impossible qu’indécent. Mais qu’ils sachent bien que leurs images aux mouvements forcés n’acquièrent une telle apparence de vivacité qu’en rendant des attitudes d’histrions, au mépris de toute dignité en peinture. Par ce fait, non-seulement leurs œuvres sont privées de grâce et de beauté, mais encore elles dénotent chez l’artiste un esprit déréglé. La peinture exige des mouvements doux et gracieux, appropriés à la chose dont il s’agit. Qu’il y ait chez les jeunes filles une allure et un extérieur élégants, parés de la simplicité de l’âge, agréables, et montrant de préférence à une attitude agitée des mouvements pleins de douceur et de la tranquillité. Toutefois, Homère, dont Zeuxis suivit le goût, préfère chez les femmes une forme très-vigoureuse. Que chez l’adolescent 09 exprime des gestes plus légers et joyeux, avec une certaine expression d’âme vaillante et virile. Qu’il y ait chez l’homme fait des mouvements plus fermes et des poses propres aux fortes luttes ; chez les vieillards, de la lenteur et des attitudes fatiguées, de sorte qu’ils ne soutiennent pas seulement leur corps à l’aide de leurs jambes, mais qu’ils s’appuient encore avec les mains sur quelque chose. Qu’enfin on donne à chacun, en conservant la dignité, des mouvements du corps en rapport avec les affections morales qu’on veut représenter ; car il est essentiel de signifier, à l’aide des membres, les plus grandes perturbations de l’âme. Cette observation touchant les mouvements est absolument commune à tout être animé. En effet, il ne conviendrait pas qu’un bœuf qui laboure fît les mêmes mouvements que Bucéphale, le généreux cheval d’Alexandre. Cependant, nous pourrions peindre facilement cette célèbre fille d’Inachus qui fiit changée en vache [4], la tête haute, les pieds levés et la queue entortillée. Ces courtes remarques sur les mouvements des êtres animés seront suffisantes. Mais, maintenant, puisque je crois qu’il est nécessaire, en peinture, de rendre les mouvements des choses inanimées, je dois dire suivant quelles règles elles se doivent mouvoir. Le mouvement des chevelures, des crinières, des rameaux, des feuillages, des vêtements, bien exprimé, plaît dans une peinture. Je veux, en vérité, que les cheveux exécutent les sept mouvements dont j’ai parlé plus haut. Effectivement, il faut que parfois ils tournent, qu’ils se nouent, qu’ils ondoient dans l’air, imitant les flammes, et que tantôt ils se portent sur les unes ou les autres parties. Il faut que les sinuosités des rameaux se courbent en montant, rentrent et se tordent comme une corde. Qu’il en soit ainsi des vêtements ; qu’ils s’étendent de tous côtés comme les rameaux d’un arbre ; que d’un pli naissent d’autres plis, comme des branchages autour de la déesse Puta [5] ; que les mouvements de ces plis soient rendus de telle sorte qu’il n’y ait aucune partie des vêtements où on les trouve semblables. Mais, comme je le recommande sans cesse, que ces mouvements soient modérés et aisés, et qu’ils tendent plutôt à montrer de la grâce que de la difficulté vaincue. Et puis, comme nous voulons que les vêtements se prêtent aux mouvements, et comme, de leur nature, ils sont pesants et tombent toujours vers la terre, il est bon, en peinture, de faire que le zéphyr ou l’autan souffle dans un coin du sujet et repousse ainsi les vêtements qu’il rencontre. Il en résulte ce gracieux effet que, le vent frappant le corps, les vêtements s’y impriment, et le nu apparaît à travers leur voile, tandis que, de l’autre côté, agités par le vent, ils débordent convenablement dans l’air. Mais en rendant cet effet, il faut bien prendre garde que les vêtements agités ne s’élèvent contre le vent, et ne soient trop réprimés ou trop développés. Le peintre doit donc bien retenir ce que nous venons de dire sur les mouvements des êtres animés et des choses inanimées. Il faut également observer tout ce que nous avons remarqué touchant la composition des surfaces, des membres et des corps. Ainsi donc, nous avons traité au complet de deux parties de la peinture la circonscription et la composition. Il nous reste à parler de la réception des lumières. Nous avons suffisamment démontré, dans nos premiers enseignements, quelle puissance ont les lumières pour modifier les couleurs car, les genres des couleurs demeurant fixes, nous avons enseigné qu’elles deviennent tantôt plus claires, tantôt plus foncées, suivant l’application des lumières ou des ombres, et que le noir et le blanc sont les couleurs avec lesquelles nous exprimons en peinture le clair fit l’obscur, tandis qu’on tient les autres couleurs pour la matière à laquelle s’ajoutent les alternatives de la lumière et de l’ombre. Mettant toute autre chose à part, il faut expliquer de quelle manière le peintre doit se servir du blanc et du noir. Les anciens peintres s’étonnaient que Polignote et Timanthe ne se servissent que de quatre couleurs, et surtout qu’Aglaophon se complût à n’en employer qu’une seule. Ils pensaient qu’il était peu modéré que ces excellents peintres, parmi un si grand nombre de couleurs connues, en eussent si peu mis en usage ; d’où ils concluaient que le propre d’un maître fécond est de mettre en œuvre le plus grand nombre de couleurs possible. J’affirme avec raison que, pour la grâce et la beauté de la peinture, l’abondance et la variété des couleurs sont d’un grand prix ; mais je voudrais pourtant que les peintres instruits estimassent qu’on peut apporter une grande industrie et un art considérable dans la disposition du blanc et du noir seulement, et qu’il faut déployer une rare intelligence et une parfaite habileté pour placer convenablement ces deux couleurs. Car, comme la chute de la lumière et des ombres produit un effet tel, qu’elles apparaissent en tout endroit où les superficies se soulèvent ou se retirent en creux, et en toute partie où elles déclinent ou fléchissent, ainsi, l’arrangement du blanc et du noir produit l’effet qui valait des louanges au peintre Nicias d’Athènes. C’est là ce que doit d’abord rechercher l’artiste, afin que ses peintures semblent avoir un grand relief. On dit que le très-noble et très-ancien peintre Zeuxis, à peu près le premier, observa cette principale loi des lumières et des ombres ; mais on n’en fait presque pas honneur aux autres. Quant à moi, je tiendrai pour nul ou médiocre tout peintre qui ne comprendra pas parfaitement quelle puissance toute ombre et toute lumière exercent sur les superficies. Mais, de l’avis des savants et des ignorants, je priserai fort ces figures qui semblent, comme des sculptures, sortir du tableau. Au contraire, je ne saurai que blâmer celles qui n’auraient d’autre qualité d’art que dans les contours. Je veux qu’une composition soit bien dessinée et bien colorée aussi. Or, pour qu’un peintre échappe au blâme et mérite des louanges, il faut qu’il observe surtout les lumières et les ombres. Il faut noter que la couleur doit être plus brillante et plus claire sur une surface où tombent des rayons lumineux, et qu’elle s’assombrit à partir de l’endroit où la force de la lumière commence à s’affaiblir. Enfin, il faut considérer ce fait par lequel les ombres correspondent toujours aux lumières dans un sens opposé ; de sorte qu’en aucun corps une surface ne saurait être éclairée sans que les surfaces qui lui sont opposées soient couvertes d’ombre. Mais j’engage fortement à imiter les lumières et les ombres par le blanc et le noir, afin d’apporter une étude toute spéciale dans la connaissance des surfaces qui sont touchées par la lumière ou l’ombre. C’est ce que la nature, c’est ce que les objets mêmes vous apprendront parfaitement. Lorsque, enfin, vous posséderez bien ces notions, vous modifierez la couleur en son lieu et place et dans ses contours par une quantité de blanc extrêmement petite, et au même instant vous aurez soin de poser quelque peu de noir dans la partie opposée, afin que, par cet équilibre de blanc et de noir, pour ainsi dire, un relief, s’élevant, prenne plus d’apparence. Vous continuez à ajouter ainsi ces deux couleurs avec la même modération, jusqu’à ce que vous sentiez être parvenu à un effet suffisant. Le miroir sera un juge excellent pour l’apprécier. Je ne sais vraiment par quel phénomène une peinture sans défaut paraît gracieuse dans le miroir, et il est étonnant que les fautes y semblent plus grandes. Ainsi donc, les choses faites d’après le naturel sont amendées par le jugement du miroir. Qu’on me permette de rapporter ici plusieurs observations que nous avons extraites de la nature. En effet. nous avons remarqué que les surfaces planes conservent leur couleur uniforme dans toute leur étendue, mais que les surfaces sphériques ou concaves la voient modifiée ; car ici elle est plus claire, là plus foncée. Cependant une sorte de couleur moyenne est conservée en un certain endroit. Cette altération des couleurs sur les surfaces non planes présente quelque difficulté aux peintres paresseux ; mais si le peintre a bien tracé les contours des surfaces, ainsi que nous l’avons enseigné, s’il a bien indiqué la place des lumières, la manière de colorer sera facile alors. En effet, il peindra d’abord la surface en noir et en blanc, ainsi qu’il faut le faire, comme s’il épandait une légère rosée ; ensuite il arrosera de nouveau, si je puis dire ainsi, toute la superficie, mais en deçà des contours ; puis il reviendra par-dessus en deçà de cette dernière couche, il en résultera que la partie lumineuse sera d’une couleur beaucoup plus claire qui se fondra comme une fumée dans les parties qui lui sont contiguës. Toutefois, il faut se souvenir qu’aucune superficie ne doit être peinte tellement blanche, qu’il ne soit pas possible de la blanchir encore. Même en représentant des vêtements blancs, il faut se tenir bien en deçà de l’extrême couleur blanche ; car le peintre n’a qu’elle pour imiter le dernier éclat des surfaces les plus brillantes, de même qu’il ne possède que le noir pour rendre les plus épaisses ténèbres de la nuit. C’est pourquoi, pour peindre des vêtements blancs, il faudra prendre une des quatre espèces de couleurs claires et brillantes, de même que, pour peindre un manteau noir, il faut au contraire employer une couleur à l’extrême opposé qui ne s’écarte guère du ton de l’ombre, comme serait celui d’une mer sombre et profonde. Enfin, cet assemblage du blanc et du noir a une telle puissance, qu’employé avec art et méthode, il peut représenter, dans la peinture des surfaces, l’or, l’argent et la splendeur du verre. On ne saurait donc trop fortement blâmer les peintres qui emploie^ le blanc sans modération et le noir avec négligence. C’est pourquoi je voudrais que la couleur blanche fût vendue aux peintres beaucoup plus cher que les pierres les plus précieuses. Il serait à souhaiter que la couleur blanche et que la noire se fissent de ces perles que Cléopâtre liquéfiait dans du vinaigre ; cela ferait qu’on en serait plus parcimonieux. Les œuvres en seraient plus belles et plus rapprochées de la vérité ; car il est difficile de dire avec quelle discrétion et quelle méthode on doit distribuer le blanc en peinture. Zeuxis, à cet égard, avait coutume de reprendre les peintres de ce qu’ils n’avaient aucune notion de l’excès. Cependant, s’il faut pardonner à l’erreur, ceux qui emploient le noir avec profusion sont moins à blâmer que ceux qui gaspillent du blanc sans modération ; car, par la nature même, nous apprenons, avec l’usage de peindre, à exécrer les œuvres noires et horribles ; et d’autant plus sommes-nous instruits, d’autant plus laissons-nous nos mains incliner vers la grâce et la beauté. En effet, nous aimons tous naturellement les choses claires et voyantes. Donc il faut fermer avec soin la porte ouverte plus facilement à la faute. Nous avons jusqu’ici parlé sur l’emploi du blanc et du noir ; il faut y joindre quelques préceptes sur le genre des couleurs. Il s’ensuit donc que nous allons traiter de quelques-unes des espèces de couleurs ; non pas, vraiment, comme l’architecte Vitruve, en déclarant où se trouvent les meilleures terres rouges et les couleurs les plus estimées, mais en indiquant par quelle méthode on doit combiner, en peignant, les couleurs préalablement bien choisies et bien broyées. On dit que le peintre antique Euphranor a rapporté par écrit quelque chose sur la matière. Ses écrits n’existent plus. Pour nous qui avons remis en lumière cet art de la peinture, soit que, décrit jadis par d’autres, nous l’ayons rappelé des demeures infernales, soit que, n’ayant jamais été décrit par personne, nous l’ayons tiré des cieux, nous continuerons cette œuvre pour l’instruction d’autrui, cela d’après notre propre génie, ainsi que nous l’avons fait jusque-là. Je voudrais qu’en peinture les genres et les espèces de couleurs apparussent, autant que possible, munies d’une certaine grâce et d’une certaine douceur. Et vraiment il y aura de la grâce alors que les couleurs seront juxtaposées avec une exacte habileté. Que si vous peignez une Diane conduisant des chœurs de Nymphes, il conviendrait de donner des vêtements verts à celle-ci, des blancs à sa voisine, des pourpres à celle-là et des jaunes à cette autre. Qu’elles soient vêtues avec cette diversité de couleurs telle, que les claires soient toujours proches des plus foncées et d’un genre différent car un tel assemblage procure, grâce à la variété, un grand charme, et grâce au contraste, une plus grande beauté. La couleur rouge placée entre le bleu de ciel et le vert leur communique une mutuelle noblesse. La couleur blanche placée entre le cendré et le jaune les enrichit d’une certaine gaieté, ainsi d’ailleurs que presque toutes les autres couleurs. Les couleurs foncées ne se piacent pas parmi les claires sans une dignité remarquable, et de même les couleurs claires font le meilleur effet parmi les foncées. Le peintre mettra doit dans sa composition la variété de colorations que j’ai indiquée. Il y a des personnes qui emploient l’or immodérément dans les tableaux, pensant que ce métal apporte au sujet une certaine noblesse. Je ne saurais les approuver. Si, par exemple, je voulais peindre la Didon de Virgile, dont le carquois était attaché par une ceinture d’or, les cheveux relevés par des rubans d’or, le vêtement maintenu par une agrafe d’or, et qui était traînée par des chevaux aux freins d’or, environnée d or en un mot, je m’efforcerais de rendre tout cela avec des couleurs de préférence à de l’or, dont l’éclat blesse les yeux des spectateurs. Car, comme tout le mérite de la coloration gît dans un artifice, il est facile de voir que de l’or posé dans un tableau uni fait paraître obscures, aux yeux des spectateurs, des surfaces qui eussent dû paraître claires et brillantes, tandis que d’autres qui eussent dû paraître foncées sont présentées plus lumineuses. Assurément, je ne condamne pas les ornements ajoutés à la peinture, comme des colonnes sculptées, des bases et des chapiteaux, fussent-ils en or et en argent massifs très-purs, attendu qu’une composition bien achevée, enjolivée d’ornements de pierreries même, est chose fort convenable. Jusqu’ici nous avons traité de trois parties de la peinture, en toute brièveté. Nous avons parlé du dessin, des superficies petites et grandes nous avons parlé de la composition des membres et des corps ; nous avons dit, à propos des couleurs, combien nous pensions qu’elles avaient d’importance pour k peintre. Nous avons donc traité de toute la peinture, que nous avons dit consister en trois choses la circonscription, la composition, et la réception des lumières. ↑ Ευφράνρ, statuaire et peintre grec, né dans l’isthme de Corinthe, élève d’Ariston fils d’Aristide de Thèbes, composa le traité De symmetria et coloribus. Il ne faut pas le confondre avec un Euphranor dont parle Vitruve, et qui fit un traité De praceptibus symmetriarum. ↑ Voir la belle traduction d’Hermès Trismégistc, par M. Louis Ménard. ↑ Colotès Κολώη, peintre grec qu’il ne faut pas confondre avec son homonyme, sculpteur élève de Phidias. ↑ Io, fille d’Inachus, changée en vache par Jupiter. ↑ Puta, déesse qui préside à la coupe des arbres.

Leprincipal organisme agissant en faveur de l’emploi est l’Organisme pour l’emploi de la main-d’œuvre (ΟΑΕΔ). Il dispose de 117 centres de promotion de l’emploi (ΚPΑ ou ΚPΑ2) répartis dans tout le pays et d’un personnel auquel les chômeurs peuvent s’adresser pour obtenir un placement, une orientation, ainsi que pour participer à des programmes actifs d’emploi, d

Accueil •Ajouter une définition •Dictionnaire •CODYCROSS •Contact •Anagramme Grand orateur de la Grèce antique — Solutions pour Mots fléchés et mots croisés Recherche - Solution Recherche - Définition © 2018-2019 Politique des cookies.
PrésentationL'équipe de circonscription Les écoles de la circonscription. Espace pédagogique. J'enseigne au cycle 1. Le cycle 1 présentation, programmes, le cycle 1 sur Eduscol Domaine 1: Mobiliser le langage dans toutes ses dimensions Domaine 2: Agir, s’exprimer, comprendre à travers l’activité physique Domaine 3: Agir, s’exprimer, comprendre à
En septembre 1991, les postes grecques ont rappelé à notre mémoire que la démocratie faisait partie des plus anciennes formes de gouvernement. 1 2 Le timbre émis à cette occasion 1 reprend un sujet qui avait déjà fait l’objet d’une figurine en 1985, dans une série consacrée à la proclamation d’Athènes comme capitale culturelle de l’Europe 2. Il s’agit d’un bas-relief, conservé au musée de l’Agora Athènes, illustrant un décret de 336 av. contre la tyrannie. On connaît d’autres bas-reliefs athéniens dont l’en-tête sculpté ornait – divers textes officiels. Ceux-ci montrent un personnage, debout s’appuyant sur un bâton ou assis comme c’est le cas ici , symbolisant le dêmos, c’est-à-dire le peuple. Il est toujours représenté comme un homme dans la force de l’âge, barbu, vêtu d’un manteau laissant une partie du corps à découvert c’est l’image traditionnelle du citoyen. A côté de lui figure souvent la déesse Athéna, patronne de la cité, qui sert ainsi de garante à l’acte célébré. Sur les deux timbres, un autre personnage se tient debout, s’apprêtant à déposer une couronne sur la tête de Démos c’est une jeune femme qui peut symboliser ici la démocratie. Il y a 2 500 ans, Athènes mettait un terme à la tyrannie des Pisistratides 51 0 av. et les réformes de l’Athénien Clisthène 508 ouvraient la voie à la démocratie. L’aristocratie et la tyrannie Au début du septième siècle, Athènes, comme l’ensemble de la Grèce, est dominée par une aristocratie guerrière qui seule détient la richesse foncière. Tous les pouvoirs, religieux, judiciaire, politique, sont entre ses mains. La masse de la population est constituée d’une paysannerie dépendante, économiquement et socialement, de ces grandes familles. Entre ces deux groupes, des paysans libres sont assez aisés pour acheter l’équipement lourd nécessaire aux milliers de fantassins hoplites qui, à partir du milieu du siècle, constituent la force militaire de la cité. Les artisans sont encore peu nombreux. Mais l’essor de la colonisation, commencée au siècle précédent avec les fondations de Syracuse, de Tarente et d’autres colonies grecques d’Italie méridionale et de Sicile, allait provoquer des crises violentes dans toutes les cités. Le développement du commerce, consécutif aux implantations grecques dans tout le bassin méditerranéen, fait naître une classe moyenne d’artisans et de marchands. La concurrence des produits étrangers aggrave la condition paysanne. L’apparition de la monnaie autour de 680 favorise les échanges et permet à ces classes moyennes d’acquérir une certaine richesse. Or ces couches nouvelles de la population, qui voient ainsi s’accroître leur rôle économique et social, n’ont aucun droit politique. Des guerres civiles éclatent alors dans de nombreuses cités. C’est à la fin du septième siècle qu’Athènes, qui jusqu’alors était restée à l’écart du grand mouvement de colonisation, entre à proprement parler dans l’Histoire. Le premier épisode connu est la tentative d un certain Cylon pour s’emparer de la tyrannie, vers 630. Celle-ci échoua et Cylon fut exécuté. En 621 est rédigé le code de Dracon – dont le nom est aujourd’hui associé à des mesures particulièrement sévères – qui instituait un droit commun pour tous dans les affaires de meurtres afin de mettre un terme aux pratiques de vendetta des familles aristocratiques. Cette publication d’une loi écrite, qui pouvait donc être connue de tous, tranchait radicalement avec les méthodes de l’aristocratie, qui tenait ses lois secrètes. Ce fut une des premières étapes vers la démocratie. 3 Cependant, ces lois ne modifiaient en rien les privilèges de l’aristocratie dans les domaines politique et social. La crise agraire notamment était aiguë les paysans étaient fortement endettés et risquaient d’être réduits en esclavage. Le législateur Solon a laissé son nom à un ensemble de lois 594-593 destinées à résoudre cette crise. Le timbre émis en 1974 à Chypre pour le 2e Congrès international d’études chypriotes 3 reproduit un médaillon d’une mosaïque romaine de la fin du troisième siècle de notre ère trouvée à Baalbek Liban où sont réunis les Sept Sages de la Grèce antique – parmi eux, Solon, – personnages qui ont réellement vécu mais qui, dans l’imagination des Anciens, prenaient un caractère semi-fabuleux. Agréé par les nobles comme par les petites gens, Solon donna à Athènes sa première Constitution démocratique, qui s’efforçait, selon précisément le principe du rien de trop », de trouver un juste milieu entre les pauvres et les riches. Il abolit la contrainte par corps, empêchant ainsi les paysans endettés d’être asservis par les nantis. Il répartit les citoyens en quatre classes, non plus d’après la naissance mais d’après la fortune. Il aurait aussi créé un Conseil de quatre cents membres pour contrebalancer celui de l’Aréopage où seules siégeaient les grandes familles. Il aurait enfin institué un tribunal populaire dont les membres étaient choisis dans les quatre classes, ce qui permettait aux pauvres comme aux riches d’être représentés. Quelque temps plus tard, les querelles reprirent car, par sa Constitution modérée, Solon n’avait satisfait aucun des extrêmes. C’est avec lui néanmoins qu’Aristote fait commencer la démocratie. Après Solon, l’anarchie régna épisodiquement à Athènes jusqu’à ce Pisistrate que prenne le pouvoir en s’appuyant sur les petits propriétaires de l’Attique et les mécontents. Comme dans d’autres cités grecques, bien avant Athènes, ce gouvernement dirigé par un seul homme, dont l’autorité, au contraire de celle d’un roi, ne présente aucun caractère divin, a reçu le nom de tyrannie. Ce terme pourrait provenir d Asie Mineure et n’a pas tout de suite revêtu le sens défavorable que nous lui donnons aujourd’hui. Bien au contraire, c’est sous Pisistratt 561-528 qu’Athènes connut son premier essor architectural un nouveau temple fut construit sur l’Acropole pour la déesse Athéna. A la mort de Pisistrate, ses fils Hippias et Hipparque lui succédèrent 528-510. Mais ils n’avaient pas l’envergure de leur père et les opposants à la tyrannie gagnaient chaque jour des partisans. Hipparque fut assassiné en 51 4 et Hippias dut capituler pour s’exiler à la suite de l’intervention du roi de Sparte appelé par les aristocrates athéniens 510. L’épisode de la tyrannie était clos. Le triomphe de la démocratie Le régime aristocratique rétabli par les Spartiates après la chute d’Hippias ne put tenir devant la pression des démocrates, qui trouvèrent en Clisthène un chef de grande classe. Ses réformes, menées en 508-507, étaient particulièrement hardies, ce qui justifie pleinement son titre de père de la démocratie athénienne», dont le souvenir se lit en filigrane dans l’émission grecque de 1991. C’est lui en effet qui établit un Etat nouveau, laïc, où les privilèges de la naissance ne jouent plus aucun rôle dans la vie politique. L’Attique est divisée en une centaine de circonscriptions appelées dèmes, terme dérivé de dêmos. Cette nouvelle répartition des citoyens ne doit plus rien à la fortune, comme du temps de Solon, mais repose sur une division géographique de l’Attique la ville, la côte et l’intérieur, qui fournissent chacune un tiers des membres du nouveau Conseil mis en place par Clisthène. Ce dernier crée également un collège de dix stratèges, à l’origine officiers supérieurs, mais qui au cinquième siècle devinrent les magistrats suprêmes de la cité avec les fonctions de ministres des affaires étrangères, responsables du budget de la guerre. 4 La démocratie athénienne au cinquième siècle était une démocratie directe où les citoyens déterminaient, sans l’intermédiaire de députés, la politique et le gouvernement de la cité. Elle reposait sur quelques principes fondamentaux l’égalité de tous devant la loi; l’accès de tous aux honneurs et aux fonctions publiques par élection ou tirage au sort ; le droit de tous à la parole devant les tribunaux et l’assemblée du peuple ecclésia . Celle-ci, après s’être réunie sur l’agora, prit l’habitude de se réunir sur la colline de la Pnyx en face de l’Acropole. Les marches apparaissent à l’angle inférieur droit des timbres grecs de 1927 commémorant le centenaire de la défense de l’Acropole par le général français Fabvier 4. Pour permettre aux plus pauvres d’exercer le pouvoir politique au sein de l’ecclésia, Périclès fit accorder à tous des indemnités parlementaires. 5 Périclès a laissé son nom à ce qui fut la période phare de la démocratie athénienne le siècle» de Périclès. Il entra dans la politique en 469. Aristocrate, Périclès avait compris que l’avenir était entre les mains du parti démocratique. En 463, il brisa la puissance du tribunal aristocratique de l’Aréopage. A partir de 461, il fut réélu stratège voir supra pendant près de trente ans, fait unique dans l’histoire grecque. Les années Périclès feront d’Athènes la capitale politique et culturelle d’une partie du monde grec. C’est la transformation de la ligue de Délos, du nom de cette île des Cyclades dont elle était le siège, en véritable empire colonial dirigé par et pour la cité d’Athènes. En effet, les cités versaient un impôt annuel , d’abord conservé dans le sanctuaire d’Apollon à Délos, puis transporté à Athènes où il fut utilisé pour embellir la ville. C’est de fait au milieu du cinquième siècle que furent construits les plus beaux édifices de l’Acropole, des Propylées entrée monumentale au Parthénon en passant par l’Erechthéion 5. 6 7 8 Un célèbre buste de Périclès est aujourd’hui conservé au Musée du Vatican. Ce buste est reproduit sur trois timbres grecs d’une série Art antique» le premier à 100 drachmes 1954, le second et le dernier exprimés en nouvelle monnaie, à 30 lepta 1955 et 10 l epta 1958-60 6. Sous un autre angle, ce même buste figure sur un timbre du Vatican de 1977 7 et sans doute dans un cachet temporaire de Berlin-Est de 1983 8. La démocratie directe, à la mode athénienne, n’était possible que dans des conditions particulières, celles de petites cités au territoire limité. Elle supposait l’esclavage, qui déchargeait les hommes libres des activités prenantes. Autres exclus de la vie politique les étrangers domiciliés à Athènes métèques, qui exerçaient des activités artisanales ou commerciales, ainsi que les femmes. Quand l’empire athénien, qui par l’impôt fournissait les subsides nécessaires à l’exercice de la démocratie, s’écroula à la fin du cinquième siècle, les pauvres songeaient à assurer leur existence avant tout. 9 10 Le quatrième siècle sonna alors le glas de la démocratie. Paradoxalement, cette période vit naître les premiers ouvrages de réflexion sur le fait politique. Ce fut tout d’abord Platon 9 qui donna dans la République sa conception de l’État idéal, un État dont la Constitution est nettement aristocratique. Son disciple Aristote 10 publia en 336, l’année même de l’avènement de son ancien élève Alexandre le Grand, un traité connu sous le nom de Politique, élaboré à partir des renseignements réunis sur les constitutions de plus de cent cinquante Etats grecs ou barbares. Enfin, vers 329, il publia sa Constitution d’Athènes. 11 12 Une autre grande figure de la vie politique et littéraire grecque domine les années 350-330 Démosthène, dont le nom même signifie la force du peuple». Il court sur sa période de formation à l’art oratoire quantité d’anecdotes plus ou moins sûres. L’une d’elles en tout cas est restée suffisamment célèbre pour justifier le choix de l’illustre orateur par les postes mexicaines en 1974 11. Cette anecdote raconte que, pour s’entraîner à parler en public, Démosthène se rendait sur le rivage il mettait des cailloux dans sa bouche et s’efforçait de dominer de la voix le bruit des vagues. Ce récit n’est sans doute pas absent du timbre du Mexique qui associe Démosthène et un congrès hispano-américain sur les difficultés d’apprendre à lire et à écrire. L’orateur athénien figure aussi sur un timbre d’Albanie 1974 à travers une tête découverte à Apollonie, cité grecque de la côte illyrienne 12. En 355, Démosthène aborde les affaires de l’Etat en intervenant à l’Assemblée dans les débats de finances ou de politique extérieure. Mais au nord de la Grèce, une nouvelle puissance grandit. En 351 commence le duel entre Démosthène et Philippe, roi de Macédoine. Par discours interposés, l’orateur athénien chercha inlassablement à convaincre ses compatriotes de la menace que les ambitions de Philippe II faisaient peser, non seulement sur Athènes, mais sur la Grèce tout entière. A la tête du parti démocratique anti-macédonien, il lutta, dans un combat inégal, contre l’inertie des Athéniens et les intrigues de ses adversaires favorables à Philippe. Ce dernier pourtant fut le plus fort et la défaite des Athéniens à Chéronée 338 devant l’armée macédonienne soumettait l a Grèce au puissant royaume du Nord. A la mort de Philippe, assassiné en 336, Démosthène essaie encore une fois de réveiller le patriotisme des Athéniens, en vain. Alexandre, fils de Philippe, mata rapidement ce sursaut d’énergie. Quand Alexandre mourut, en 323, un dernier frisson d’espoir souleva les patriotes athéniens mais Antipater, lieutenant d’Alexandre, anéantit bientôt les espérances grecques et exigea l’abrogation de la Constitution démocratique d’Athènes. Une garnison macédonienne s’établit au Pirée 322. Pour ne pas être livré au vainqueur, Démosthène s’empoisonna. La république grecque 13 14 15 16 Les Grecs de l’Antiquité nommaient leur pays Hellade et eux-mêmes se désignaient par le mot Hellènes. Ce terme ancien a prévalu quand furent émis les premiers timbres-poste du nouveau royaume indépendant en 1861 13. Jusqu’en 1965, le mot Hellas», en caractères grecs seuls, a figuré en légende des timbres grecs, aussi bien pendant la courte période 1924-1935 où la Grèce a vécu sous un régime républicain 14 que sous la monarchie restaurée en 1935 15. En 1966 fut adjoint le nom en caractères latins 16. 17 Depuis 1982, de même que les timbres français portent la légende République française», les timbres grecs ont abandonné le terme Hellas », maintenu seulement en caractères latins, pour le remplacer par Hellenike Demokratia » qui se traduit par République grecque » 17. Cette légende n’avait servi qu’à une seule reprise, en 1927, pour les trois timbres dédiés à Charles Nicolas Fabvier voir 4 qui s’illustra dans la guerre d’indépendance en défendant Athènes attaquée par les Turcs 1827. 18 En grec moderne, le même mot signifie démocratie» et république», comme on le constate sur le timbre émis en 1 984 pour célébrer le retour à la démocratie après les sept années de la dictature des colonels 18. Un retour aux sources en somme, quelque 2 500 ans après les débuts de la démocratie athénienne. Paru dans Le Monde des Philatélistes n° 468 – Novembre 1992
circonscription de la grece antique 4 lettres
CirconscriptionAdministrative Grecque En 4 Lettres Circonscription Grecque Antique Circonscription Grecque Ancienne Circonscription Rurale Ancienne Circonscription Federale Du Manitoba Circonscription Ecclesias Circonscription D Un Eveque Circonscription Dun Eveque Circonscription Religieuse Circonscription Administrative Dune Cite En Grece
Accueil •Ajouter une définition •Dictionnaire •CODYCROSS •Contact •Anagramme golfe de la côte ouest de la grèce — Solutions pour Mots fléchés et mots croisés Recherche - Solution Recherche - Définition © 2018-2019 Politique des cookies.
p6zFm.
  • 3mzl0j1v0v.pages.dev/4
  • 3mzl0j1v0v.pages.dev/263
  • 3mzl0j1v0v.pages.dev/442
  • 3mzl0j1v0v.pages.dev/127
  • 3mzl0j1v0v.pages.dev/314
  • 3mzl0j1v0v.pages.dev/106
  • 3mzl0j1v0v.pages.dev/129
  • 3mzl0j1v0v.pages.dev/303
  • circonscription de la grece antique 4 lettres