6citations. « Ennui. Rien n'est si insupportable à l'homme que d'être dans un plein repos, sans passions, sans affaires, sans divertissement. ». « Sans divertissement, il n'y a point de joie; avec le divertissement, il n'y a point de tristesse. ». « Qu'on laisse un roi tout seul sans compagnie, penser à lui tout à loisir ; et l'on
Jean Giono Un Roi sans divertissement 1947 SOMMAIRE Qu'on laisse un roi tout seul sans aucune satisfaction des sens, sans aucun soin de l'esprit, sans compagnies et sans divertissements, penser à lui tout à loisir, et l'on verra qu'un roi sans divertissement est un homme plein de misères. [...] Et c'est pourquoi, après leur avoir préparé tant d'affaires, s'ils ont quelque temps de relâche, on leur conseille de l'employer à se divertir, et jouer, et s'occuper toujours tout entiers.» Pascal, Pensées, 137, 139. I - Genèse de l'œuvre - Le genre de la chronique. Un Roi sans divertissement est contemporain d'une phase sombre dans la vie de Jean Giono. Incarcéré en 1939 au moment de la mobilisation parce qu'il avait signé des publications pacifistes, l'écrivain a été arrêté fin août 1944, quelques jours après le débarquement allié, sur les ordres du Comité de Libération de Manosque, qui lui reproche sa collaboration à la revue La Gerbe. Giono est interné pendant quelques mois, et il est le 9 septembre inscrit sur la liste noire du Comité National des Écrivains, redoutablement actif dans l'épuration. En mars 1945, libéré, il séjourne pendant quatre mois à Marseille chez son ami Gaston Pelous, à l'extrémité du Boulevard Baille, dans l'intimité familiale qu'il a évoquée dans Noé. Un nouveau personnage surgit alors dans son esprit, c'est Angélo, le futur héros de Le Hussard sur le toit, dont Noé nous conte aussi la naissance. C'est donc vraisemblablement au printemps de 1945 que le romancier forme le projet d'un cycle consacré au Hussard avec l'idée, semble?t?il, de faire alterner des épisodes anciens et des épisodes modernes. Du printemps à l'automne 1945, il commence Le Hussard sur le toit, mais, rencontrant des difficultés, il écrit brusquement, au début de l'automne 1946, Un Roi sans divertissement commencé en 1943, suivi immédiatement de Noé. Un Roi, c'est donc une sorte de brusque crochet à l'intérieur du cycle d'Angélo. Ce crochet, ? ou cette parenthèse ? est lié à l'idée de la chronique, germée dès 1937 mais réactivée au printemps de 1946 pour des raisons matérielles. Alors que le cycle d'Angélo est fait de gros romans épais, longs à écrire, des chroniques assez brèves comme Un Roi répondraient mieux en effet à des nécessités alimentaires dans la mesure où Giono était sur la liste noire, "un conte par mois pour l'Amérique permettrait de vivre en attendant". On voit ainsi se former le projet d'œuvres courtes, proches de la nouvelle, écrites "à la volée", en "style récit", conduisant "rapidement au dénouement". Un Roi sans divertissement appartient donc à ce genre nouveau de la chronique, dont l'ensemble est imaginé comme un gigantesque opéra?bouffe formant un cycle de courts récits où alterneraient deux époques, le XIXème siècle et le XXème siècle. Voici ce que disait Giono Composer un opéra?bouffe de la façon la plus libre. Se placer également dans le moderne de la façon suivante. Le I étant Un Roi sans divertissement, le II pourrait être par exemple un récit de voyage à pied, en car, à travers la Drôme, etc. [...], les pays que j'aime. Ce que j'emporte, mon carnier, pipe, livre, tabac. Mes hôtels et auberges. Mes rapports avec les gens [...]. Le III pourrait être une très bucolique histoire d'amour avec Cadiche, la fille aînée de Mme Tim [...]. De temps en temps, venir aux temps actuels ». D'un côté, une suite au drame conté dans Un Roi ; de l'autre, un fantaisiste et actuel récit de voyage mettant en scène l'auteur lui?même on songe aux Choses vues de Victor Hugo, que Giono venait de relire, et au Voyage sentimental de Sterne. Giono s'est expliqué lui?même avec une parfaite netteté sur ce qu'il appelait ses "chroniques" dans la préface de 1962 Le plan complet des chroniques romanesques était fait en 1937. Il comprenait une vingtaine de titres dont quelques?uns étaient définitifs, comme Un Roi sans divertissement, Noé, Les Âmes fortes, Les Grands chemins, Le Moulin de Pologne, L'Iris de Suse etc. [...] Toutes les histoires sont maintenant écrites, certaines sont publiées, d'autres n'ont pas encore atteint le degré de maturité et de correction pour l'être. Il s'agissait pour moi de composer les chroniques, ou la chronique, c'est-à -dire tout le passé d'anecdotes et de souvenirs, de ce "Sud imaginaire" dont j'avais, par mes romans précédents, composé la géographie et les caractères. Je dis bien "Sud imaginaire", et non pas Provence pure et simple. [...] J'ai créé de toutes pièces les pays et les personnages de mes romans. [...] J'avais donc, par un certain nombre de romans, Colline, Un de Baumugnes, Regain, Le Chant du monde, Le Grand troupeau, Batailles dans la Montagne, etc... créé un Sud imaginaire, une sorte de terre australe, et je voulais, par ces chroniques, donner à cette invention géographique sa charpente de faits divers tout aussi imaginaires. Je m'étais d'ailleurs aperçu que dans ce travail d'imagination, le drame du créateur aux prises avec le produit de sa création, ou côte à côte avec lui, avait également un intérêt qu'il fallait souligner, si je voulais donner à mon œuvre sa véritable dimension, son authentique liberté de non?engagement. C'est pourquoi j'avais placé dans les premiers numéros du plan général un livre comme Noé où l'écrivain lui?même est le héros et, vers la fin, plusieurs petits ouvrages où, au contraire, il disparaissait entièrement dans la création livrée brute. [...] Entre ces deux extrêmes le thème même de la chronique me permet d'user de toutes les formes du récit, et même d'en inventer de nouvelles, quand elles sont nécessaires et seulement quand elles sont exigées par le sujet.» Voir sur Amazon On peut ainsi fédérer les chroniques de Giono autour des caractères suivants La chronique se distingue du roman par un style plus narratif, moins descriptif ou moins lyrique. Le personnage y devient plus important que la nature. Le temps y est déterminant. Les chroniques sont historiquement situées aux XIXème et XXème siècles, avec des glissements d'un siècle à l'autre. Il ne s'agit pas d'histoires ni de romans historiques, mais d'annales, rapportées selon l'ordre du temps, avec l'opacité d'une pure chronologie, et constituées de détails de vies individuelles plus que d'un tableau d'époque. Les chroniques s'inscrivent dans un milieu, un Sud imaginaire, c'est-à -dire un groupe social, une réalité plus sociologique que géographique. On a souvent tort en effet de confondre ce "Sud mental" avec la Provence Giono n'est rien moins qu'un écrivain régionaliste !. Dans Un Roi sans divertissement, les lieux sont certes parfaitement identifiables la région de Lalley, dans le Trièves, aux confins de l'Isère et de la Drôme, mais c'est une région que Giono s'est réappropriée. De ce "cloître de montagnes", il a pu dire "C'est de ce pays au fond que j'ai été fait pendant plus de 20 ans" Journal, 1946. La chronique raconte un fait divers à portée métaphysique ce qui est en cause ici, c'est la condition humaine. Mais qu'on n'en attende pas non plus de leçon ». L'incertitude maintenue sur les mobiles des personnages et même sur leurs actes se contente tout au plus de poser des questions fondamentales. A la différence des romans, la présence du narrateur ou du récitant peut être concurrencée par une succession de "témoins" auprès desquels il mène une sorte d'enquête. Ce n'est que par la reconstitution de ces fragments, comme dans un puzzle, que le lecteur peut prétendre appréhender les ressorts fondamentaux de l'intrigue et des personnages. II - Temporalité et narration. Le livre, écrit Giono, est parti parfaitement au hasard, sans aucun personnage. Le personnage était l'Arbre, le Hêtre. Le départ, brusquement, c'est la découverte d'un crime, d'un cadavre qui se trouva dans les branches de cet arbre. Il y a eu d'abord l'Arbre, puis la victime, nous avons commencé par un être inanimé, suivi d'un cadavre, le cadavre a suscité l'assassin tout simplement, et après, l'assassin a suscité le justicier. C'était le roman du justicier que j'ai écrit. C'était celui-là que je voulais écrire, mais en partant d'un arbre qui n'avait rien à faire dans l'histoire. » Évinçant plus tard le rôle de l'arbre, Giono a proposé lui-même, dans le Carnet du roman, un résumé possible de l'intrigue d'Un Roi sans divertissement à travers le portrait moral de Langlois, son protagoniste central C'est le drame du justicier qui porte en lui-même les turpitudes qu'il punit chez les autres. Il se tue quand il sait qu'il est capable de s'y livrer. [...] Quelqu'un qui connaîtrait le besoin de cruauté de tous les hommes, étant homme, et, voyant monter en lui cette cruauté, se supprime pour supprimer la cruauté.» Résumé Dans un village du Trièves enfoui sous la neige, ont lieu des événements étranges. Une jeune bergère, Marie Chazottes, disparaît, un homme est attaqué, un porc est mutilé. L'hiver suivant, à nouveau, un homme disparaît. Arrivent alors au village six gendarmes conduits par le capitaine Langlois, chargé de résoudre ces mystères. Nouvelle disparition. L'hiver suivant, Frédéric II, qui possède une scierie à l'écart du village, voit un homme descendre d'un grand hêtre. Il monte dans l'arbre, découvre les cadavres des disparus et suit l'homme jusqu'à Chichilianne. Il apprend son identité c'est un certain M. V. Langlois, à son tour, part à la recherche du criminel, le trouve chez lui, le tue, puis démissionne. Quelques mois plus tard, Langlois revient au village, comme commandant de louveterie. Il s'installe chez Saucisse, une "vieille lorette de Grenoble", qui tient le Café de la Route. Il fréquente le monde de la contrée la créole Mme Tim, le procureur royal de Saint-Baudille, se marie, s'ennuie. Lorsqu'un loup ravage le pays, Langlois le traque et le tue dans une cérémonieuse battue. Dès lors, il comprend que le seul divertissement qui vaille est le meurtre. Il se suicide en fumant un bâton de dynamite pour que la fascination du sang ne fasse pas de lui, à son tour, un assassin. Cette fiction étalée sur quatre années nous est contée dans un système narratif relativement complexe qui consiste en un va-et-vient du temps de l'écriture 1946 au temps de la fiction 1843-1848, en passant par les relais narratifs fournis par des témoins ultérieurs 1868, 1916. Le champ temporel couvert par la fiction se situe ainsi au XIXème siècle, alors que celui de la narration se poursuit jusqu'à l'époque moderne, ce que Giono appelle le "temps présent". Au début de Noé, il évoque ce moment où, Un Roi terminé, le romancier est comme happé par la vie de ses personnages dans un mélange temporel qui est bien celui du roman Ce pays où je viens de vivre sous la neige de 1843 à presque 1920, puisque c'est en 1920 que j'ai imaginé qu'on m'a raconté l'histoire ». Il est facile de repérer les différents mouvements par lesquels le narrateur passe des événements de 1843 une série de disparitions mystérieuses dans un village de montagne aux années du temps présent, où il connaît les descendants de ceux qui ont, soixante-quinze ans auparavant, joué un rôle dans l'histoire. La numérotation des Frédéric I, II, III, IV est l'expression cocasse de cette circulation à travers les époques. Un descendant supposé de lit Gérard de Nerval pendant les vacances. Ici, une allusion au buste de Louis-Philippe, là une évocation de l'huile pour autos Texaco. Quand j'interrogeais Giono, dit Robert Ricatte, sur les raisons qui l'avaient incité à manipuler curieusement dans les chroniques le cours du temps, il invoquait son bon plaisir "Je me suis aperçu que c'était une technique amusante et qui m'offrait des facilités. Jusqu'ici, j'avais écrit des histoires qui commençaient au début, qui se suivaient. J'en avais assez. Ça m'a séduit de mélanger les moments. J'ai voulu ajouter un piment, m'amuser."» Cet amusement a consisté à multiplier, du même coup, les instances de la narration. Et en effet, le narrateur, maître du jeu temporel, glisse, avec des effets plus ou moins cocasses, d'une époque à l'autre parfois, il renonce à occuper une position en surplomb, il disparaît, par exemple, pour laisser la place aux perceptions, à l'angoisse, à l'attente des villageois pendant l'hiver 1843. Le jeu des pronoms est intéressant à étudier, car il correspond à un changement d'instance temporelle en même temps qu'à un changement de point de vue. Car, dès qu'on évoque les divers niveaux temporels, on est renvoyé à la question qui parle ? C'est-à -dire à la désignation du ou des locuteurs. Les caractères de la narration interfèrent avec ces couches temporelles diversifiées A cet ordre de la fiction, schématisé ci-dessus, l'écrivain préfère une tout autre organisation qui coïncide avec l'entrée en scène de plusieurs voix narratives LES POINTS DE VUE les numéros de pages renvoient toujours à l'édition Folio, Gallimard. pages pronoms époque de la narration époque de la fiction commentaires à 51 Je = le narrateur. 1946 1843 Jusqu'ici cette alternance nous fait partager les angoisses d'une famille du village et le point de vue supérieur d'un narrateur qui prépare ses thèmes. On, Nous = collectivité villageoise. 1843 1843 pp. 64 à 80 pas de narrateur apparent. p. 80 Je = Frédéric. 1845 1845 Au cours de la poursuite de les parenthèses nous font pénétrer dans la pensée de Frédéric. p. 86 p. 127 Nous, On = des vieillards Je = l'un d'eux. 1916 1846 Entre le Narrateur et l'histoire, s'installent des relais ainsi ces vieillards qui, "à une certaine époque", "il y a plus de trente ans", lui ont parlé de Langlois. pp. 152 à 160 Je = Saucisse. 1868 1847 Saucisse parle plus de vingt ans après les faits elle s'adresse à ceux de son village, qui ont conservé une vive curiosité à l'égard des événements passés. p. 240 Je = Anselmie. 1868 1847 Rapporté par Saucisse, le récit d'Anselmie nous fait voir, par son regard borné, l'épisode pourtant essentiel de la décapitation de l'oie. p. 243 Je = le narrateur. 1946 1848 Pour le récit rapide du suicide de Langlois, on retrouve le narrateur, capable d'en interpréter le sens symbolique. III- Un récit lacunaire. C'est sans doute une des caractéristiques du roman moderne, par rapport au roman qu'on appelle classique ou traditionnel, que d'être un récit lacunaire, c'est-à -dire un texte qui ne livre pas d'emblée tous les tenants et aboutissants de l'intrigue, et qui, au fond, laisse le lecteur sur sa faim, ne lui disant pas tout ce qu'il aimerait savoir et lui laissant le soin d'interpréter, d'émettre des hypothèses, de se poser des questions. Encore faudrait?il se garder de l'idée simpliste que tout roman classique est d'une clarté parfaite, que les comportements des protagonistes y sont constamment mis en pleine lumière, qu'aucun des éléments de l'histoire racontée ne demeure dans une zone d'ombre. Il y a bien de "silences du récit" l'expression est de Marcel Schwob à propos de Stevenson dans les grands romans du XIXème siècle. Mais c'est un fait que sous l'influence de beaucoup de romanciers étrangers Dostoïevski, Stevenson, Conrad, Henry James le roman français a été progressivement conduit André Gide, avec Les Faux-Monnayeurs, a été un relais important à faire une part de plus en plus belle aux silences du récit. Tel roman de Bernanos, Monsieur Ouine, est un exemple de roman lacunaire. Beaucoup de "nouveaux romans" pourraient être rangés sous cette rubrique. Chez Giono, une chronique comme Les Âmes fortes se présente comme une série de témoignages contradictoires sur un passé lointain ; chacune des protagonistes voit ce passé selon son optique présente, les mots proférés servant autant à le recréer selon la pente du désir ou de la rêverie qu'à être le compte rendu scrupuleux de ce qui a été. Une phrase d'Un Roi sans divertissement semble résumer toute l'esthétique de Giono "On ne voit jamais les choses en plein". L'observateur, aussi bien, n'est pas toujours situé à la meilleure place il arrive même, à plusieurs reprises, qu'il soit hors du lieu où se passe une scène essentielle. D'où tout un art du silence, de l'allusion, de la discrétion, qui vise à ménager des ombres, à respecter des secrets. Mais il faut se garder d'un jugement simpliste, car, dans ce domaine du récit lacunaire, il existe bien des degrés, et l'on est est loin avec Un Roi de ces puzzles auxquels nous ont habitués certains romans récents. D'autant que, d'un autre côté, Un Roi sans divertissement se présente un peu comme un apologue, une illustration saisissante d'une observation de moraliste, à savoir la phrase de Pascal citée à la fin du roman "Un roi sans divertissement est un homme plein de misères". Cette maxime, au moins a posteriori, inonde de lumière tout le récit. Le prix d'Un Roi, ce qui en fait sans doute un chef-d'œuvre, c'est justement l'effort du romancier pour voiler cette lumière, ménager des zones d'ombre. La manœuvre n'est évidemment jamais d'ordre simplement esthétique l'éclatement des points de vue dans le roman, et les incertitudes qu'ils créent sur ce qui est vraiment su et dit, ressortissent à une conviction morale. Les lacunes du récit nous invitent en effet à la plus extrême prudence quant aux jugements que nous pourrions hâtivement porter sur les personnages, et nous convainquent que, dans ce domaine, tout est bien affaire de point de vue. IV- Une fable métaphysique ? Ce qui frappe le lecteur d'Un Roi, c'est d'abord la verve du conteur, la liberté d'allure, le ton parlé, le caractère parfois familier, toujours savoureux d'un parler pittoresque pour raconter des choses cocasses. Par exemple, le portrait de Martoune "Suivre Martoune n'est pas de la petite bière !" etc... On peut citer aussi l'évocation de Mme Tim, mère et grand?mère, saisissant "au hasard un de ses petits-enfants qu'elle se mettait à pitrogner..." Il faut se rappeler ici la conception que Giono a de la chronique comme opéra?bouffe. Beaucoup d’exemples nous sont ainsi offerts, et beaucoup de nuances, dans la goguenardise, la désinvolture, la cocasserie le portrait d' Anselmie, les circonstances mêmes de la disparition de son mari, le portrait de Delphine, la corpulence de Saucisse et le cheval de Langlois, "cheval noir et qui savait rire", etc. Cette cocasserie du langage jure avec l'atmosphère pesante et même tragique du roman soucieux de désarçonner son lecteur, Giono organise volontiers des contrastes, tel ce hêtre somptueux qui contient les ossements des cadavres, et même un cadavre frais le végétal et les ossements !. Hêtre monstrueux par sa beauté et par ce qu'il porte de façon incongrue, cet "Apollon citharède" des hêtres, c'est l'arbre aux oiseaux et aux cadavres. Autre thème contrasté est le motif du sang vermeil sur la neige. Le goût de la cruauté - et d'une cruauté assez monstrueuse - est ancien chez Giono, mais il a pris chez lui de plus en plus d'importance. Le thème du sang sur la neige apparaît en tout cas dans le roman à plusieurs reprises, sans doute trouvé, comme le suggère Luce Ricatte, dans l'épisode de l'oie blessée du Perceval de Chrétien de Troyes L'oie était blessée au col. Elle saigna trois gouttes de sang, qui se répandirent sur le blanc. On eût dit une couleur naturelle. L'oie n'avait tant de douleur ni de mal qu'il lui fallût rester à terre. Le temps qu'il y soit parvenu, elle s'était déjà envolée. Quand Perceval vit la neige qui était foulée, là ou s'était couchée l'oie, et le sang qui apparaissait autour, il s'appuya sur sa lance pour regarder cette ressemblance. Car le sang et la neige ensemble sont à la ressemblance de la couleur fraîche qui est au visage de son amie. Tout à cette pensée, il s'en oublie lui-même. Pareille était sur son visage cette goutte de vermeil, disposée sur le blanc, à ce qu'étaient ces trois gouttes de sang, apparues sur la neige blanche.» Le Conte du Graal ou Le Roman de Perceval. On peut en relever les occurrences, et apprécier le jeu des contrastes contrastes du blanc et du rouge, du tiède et du froid, de la pulsation et de l'immobilité, de la vie et de la mort. En même temps, se déploie une intensité croissante dans la fascination de Langlois, qui est à son comble quand il regarde un long moment, à la fin du roman, le sang de l’oie sur la neige. Deux autres thèmes essentiels parcourent Un Roi, celui de la fête, et, très lié à ce thème, celui de la parure, des objets et des vêtements de cérémonie. Là encore, c'est sur le mode de la contemplation fascinée qu'apparaît l'éclat des lumières, ou la beauté des verres, des cristaux, des porcelaines sur la table dressée chez Mme Tim. Au cours de la messe de minuit, Langlois avoue avoir été "fortement impressionné" par les candélabres dorés, et par les belles chasubles. Voyez comme il évoque l'ostensoir, "cette chose ronde avec des rayons semblables au soleil". Mais à la fête spontanée, exercice de liberté et d'improvisation, Langlois préfère la cérémonie soigneusement organisée. Ainsi, militaire et monacal, il règle de main de maître la battue au loup. Ce qui donne à la fête son caractère, outre le cérémonial, c'est qu'elle rompt la chaîne des habitudes. Le dimanche de la battue est un "dimanche insolite". La fête, solennelle et cérémonieuse, c'est le divertissement elle est lumière et exaltation sur fond de noir, de néant, de disparition prochaine. Le contraire de la fête, l'enfer de l'absence de fête, c'est sans doute, en contrepoint, l'épisode de la visite à Mme V. Cette veuve aux yeux rougis est une figure de désespoir, et la brusque intrusion de Langlois dans une quotidienneté sans joie le situe peut?être à la source même de ce qui a été chez besoin à tout prix de divertissement, le divertissement suprême étant le meurtre. Car le thème central du roman est, bien sûr, l'ennui, cet ennui que Langlois cherche secrètement à conjurer par une surenchère de fêtes et de cérémonies. Pour peindre cette vacuité, le narrateur évoque aussi bien le silence engourdi des campagnes pp. 15-16 que les rituels par lesquels le héros prétend y échapper chasse au loup, repas chez Mme Tim, messe de minuit réduite à son esthétique... Le lecteur ne dispose que de quelques notations brèves pour mesurer le sens de cette agitation et aussi son échec "L'homme dit que la vie est extrêmement courte." p. 223. Par là , le roman touche à la métaphysique. Loin de proposer à l'ennui qui ronge l'humanité la solution pascalienne, qui ne saurait résider que dans la foi, Giono se limite à l'évocation d'une recherche jamais assouvie de tout ce qui peut le conjurer, fût-ce le meurtre. Mais on ne peut parler ici d'une vision tragique de l'existence car, dans Un Roi, outre une illustration métaphorique de la condition humaine, on retiendra surtout le mélange d'amusement et de monstruosité. Giono écrivait le 12 avril 1946, probablement à propos du Hussard sur le toit "Je manque totalement d'esprit critique. Mes compositions sont monstrueuses et c'est le monstrueux qui m'attire. Pourquoi ne pas lâcher la bride et faire de nécessité vertu ?". Se divertir avec du monstrueux ? Une certaine provocation n'est pas absente de cette intention, d'autant que le narrateur d'Un Roi nous invite souvent à considérer que et Langlois sont "des hommes comme les autres". Simplement, nous ne disposons pas du même système de mesures pour en juger. De ces deux personnages, il importe en tout cas de souligner le naturel, ce goût pour les "choses non geignardes", comme Giono le note dans Noé, qui nous empêche de parler de registre tragique, encore moins de pathétique "Les hommes comme Langlois n'ont pas la terreur d'être solitaires. Ils ont ce que j'appelle un grand naturel. Il n'est pas question pour eux de savoir s'ils aiment ou s'ils ne peuvent pas supporter la solitude, la solitude est dans leur sang, comme dans le sang de tout le monde, mais eux n'en font pas un plat à déguster avec le voisin" Noé. Ledocument : "« Un roi sans divertissement est un homme plein de misères. » Blaise Pascal, Pensées, 142. Commentez cette citation. " compte 762 mots. Pour le télécharger en entier, envoyez-nous l’un de vos travaux scolaires grâce à notre système gratuit d’échange de ressources numériques ou achetez-le pour la somme symbolique d Passer au contenu Thérapies high-techs des traitements et du divertissement Thérapies high-techs des traitements et du divertissement L’innovation en santé prend des détours inattendus quand elle s’affranchit des médicaments. Grâce à la musique ou au jeu, l’unité de recherche EuroMov Digital Health in Motion* développe des traitements thérapeutiques pointus pour la rééducation du mouvement. Un roi sans divertissement est un homme plein de misères ». La pensée de Pascal a pu inspirer les chercheurs en sciences du mouvement d’EuroMov DHM alors que plusieurs de leurs innovations associent traitement et distraction. Par la musique d’abord dont les vertus sur la marche et l’équilibre ont inspiré l’application smartphone BeatMove. En imposant un rythme extérieur, la musique améliore la marche des personnes souffrant de la maladie de Parkinson », précise Benoît Bardy, professeur en sciences du mouvement et de la santé. Avec son équipe, il développe un logiciel capable de synchroniser de manière adaptative la musique avec la cadence du pas. Concrètement, le patient doit s’équiper de son smartphone et de ses écouteurs, ainsi que des semelles équipées de capteurs de mouvements. Pendant la première minute de marche, l’algorithme détecte les caractéristiques du pas pour paramétrer l’application et choisir le morceau qui correspond », explique Benoît Bardy. Le logiciel BeatMove puise dans une base de données de près de 600 morceaux pour trouver celui qui correspond à la bonne cadence. Comme il n’est pas question de contrarier le marcheur, il peut choisir entre cinq genres musicaux pop, rock, classique, variété, jazz. Division par deux des chutes La grande innovation de cet algorithme est qu’il adapte en temps réel le rythme de la musique à celui de la marche. L’appli gère une variation de 10 à 20 % de la cadence pour compresser ou dilater la musique, sans que cela soit sensible à l’oreille. Puis si le rythme du marcheur change de manière trop importante, l’appli change automatiquement de morceau », souligne Benoît Bardy. Le choix des musiques a été fait avec l’Université de Gand en Belgique pour couvrir une gamme très large. L’intelligence artificielle utilisée permet aussi à l’algorithme d’anticiper le mouvement, de gérer les évènements parasites comme la montée sur un trottoir, de gérer les changements de rythme comme pour gravir un escalier… », précise le chercheur. BeatMove augmente aussi progressivement la cadence de manière subliminale pour atteindre une vitesse optimale, calculée pour chaque patient. Une accélération qui contrebalance la tendance des personnes atteintes de Parkinson à ralentir leur marche, souvent par prudence ou peur de la chute. Les premiers résultats sont spectaculaires. En 2021, une étude sur 40 patients montre une division par deux des chutes, une stabilisation de la marche et augmentation de la vitesse de 20 %. Une large étude clinique est en cours sur le territoire national auprès de 400 patients, réalisée sous la responsabilité de la Clinique Beau Soleil avec le docteur Valérie Cochen de Cock pour bien s’assurer que les effets bénéfiques sont liés à l’application et pas seulement à la reprise régulière d’une activité physique. La distraction de l’effort Une vingtaine de publications et un brevet plus tard, la start-up BeatHealth doit maintenant assurer la phase de commercialisation de l’application Beat-Move. Plusieurs améliorations sont déjà prévues, en particulier la suppression des capteurs pour n’utiliser que ceux présents dans les smartphones. Autre perspective, avec le programme Companies on campus de l’I-Site et le CHU de Montpellier, proposer cette solution non médicamenteuse à des personnes obèses pour les inciter à pratiquer une activité physique, en profitant de l’effet motivant de la musique. La distraction de l’effort est d’ailleurs l’argument d’un autre projet initié au sein d’EuroMov la plateforme de jeux thérapeutiques pour la rééducation des mouvements Medimoov. Le point de départ du projet, ce sont des doctorants du Laboratoire d’informatique, de robotique et de microélectronique de Montpellier bien décidés à montrer les effets positifs des jeux vidéo », se rappelle Antoine Seilles, alors doctorant dans ce laboratoire et aujourd’hui PDG de Naturalpad, l’entreprise créée pour développer Medimoov. Le groupe de jeunes chercheurs s’intéresse alors à l’intérêt de jeux vidéo dynamiques sur l’exercice physique, en particulier sur la prévention des chutes et la rééducation dans les Ephad. Leur projet trouve un écho auprès des médecins spécialisés, qui constatent que les trois quarts de leurs patients âgés interrompent leur rééducation, lassés par une pratique répétitive ou par la peur de se faire mal. De la piraterie et de la conquête spatiale Reste à concevoir des jeux à la fois efficaces et ludiques. Naturalpad développe une mécanique itérative de conception des jeux, en collaboration avec les soignants et les patients, pour bien comprendre les besoins thérapeutiques et les envies de jeu », explique Antoine Seilles. Ainsi, des entretiens avec les soignants permettent de choisir les mouvements les plus efficaces pour la rééducation. Les ergothérapeutes veulent que le joueur utilise des gestes amples, qui mobilisent les deux mains. Les kinésithérapeutes ciblent au contraire des gestes précis pour une rééducation plus ciblée. Nous échangeons aussi avec les joueurs pour bien comprendre leurs envies », raconte le développeur. Car si les soignants tablent sur des univers de jeu familiers, comme par exemple un simulateur de conduite, les patients – eux – demandent de la piraterie, de la conquête spatiale ou encore de la course automobile sans limitation de vitesse ! Des patients voulaient un jeu sur la chasse, une envie pas facile à concilier avec des soignants critiques sur la présence d’armes et les propres réticences des développeurs, globalement plutôt anti-chasses. Finalement, notre jeu met en scène des lapins et des sangliers qui tirent sur des ballons auxquels sont suspendus des chasseurs… une solution qui satisfait tout le monde ! », s’amuse Antoine Seilles. Forte de quinze salariés, l’équipe de Naturalpad développe aujourd’hui des jeux pour des personnes ayant différentes pathologies, en particuliers des handicaps parfois lourds. Depuis le premier jeu développé en 2011, la société propose aujourd’hui ses jeux à 150 établissements médicaux dont la moitié sont des Ehpad. * EuroMov DHM UM, IMT Mines Ales Partager sur les réseaux sociaux Articles similairesDansUn roi sans divertissement, publié en 1947 et écrit en un peu plus d’un mois, du 1 er septembre au 10 octobre 1946, Jean Giono situe l’histoire un hiver de 184 dans un village de montagne. Une série de disparitions se produit dont le coupable reste introuvable jusqu’à ce qu’arrive un capitaine de gendarmerie qui se charge de[box type= »bio »] Senda Souabni Jlidi, Université de Tunis I [/box] [box type= »info »] Varia du dossier L’absurde au prisme de la littérature, les vignettes présentent, sous forme de brèves, quelques unes des œuvres emblématiques du mouvement littéraire de l’absurde.[/box] Dans Un roi sans divertissement, publié en 1947 et écrit en un peu plus d’un mois, du 1er septembre au 10 octobre 1946, Jean Giono situe l’histoire un hiver de 184… dans un village de montagne. Une série de disparitions se produit dont le coupable reste introuvable jusqu’à ce qu’arrive un capitaine de gendarmerie qui se charge de l’enquête Langlois. L’intrigue pourrait être simplement policière si les motivations du meurtrier et celles du policier n’étaient pas d’un autre ordre que celles qui d’ordinaire régissent ce genre. Le titre et la phrase de clausule[1] qui renvoient à Pascal donnent au texte une résonnance qui situe l’enquête sur un plan différent de celui commun aux romans policiers. De fait, s’il s’agit bien de meurtres et de disparitions, il s’agit aussi d’occuper le vide d’un monde insubstantiel » tel que l’affirme Robert Ricatte[2]. Dans ce village que la neige ensevelit pour de longs mois d’inactivité et d’ennui, le blanc devient synonyme de vide à remplir et d’angoisse à dissiper. Car cette nature rendue soudain hostile n’est pas tant une menace physique qu’une atteinte à l’être même, mettant l’homme face à soi, l’obligeant à une confrontation qui, pour le dire comme Pascal, fait réfléchir au Malheur naturel de notre condition faible et mortelle, et si misérable, que rien ne peut nous consoler, lorsque nous y pensons de près[3]. Tous droits réservés C’est en cela qu’Un roi sans divertissement module de façon fort originale la thématique de l’absurde et doit se lire comme une protestation contre la condition humaine. Giono ne démontre pas. Il raconte – d’ailleurs de façon fort lacunaire pour garder aux personnages tout leur mystère – le tâtonnement au bout duquel le gendarme finit par comprendre les motivations du meurtrier s’il tue c’est par fascination pour le rouge du sang contrastant avec le blanc de la neige, y trouvant un remède à l’ennui distillé par un hiver qui semble ne jamais vouloir finir. Introduisant ainsi le motif esthétique, Giono fait le pari que seul le recours au Beau est salutaire dans une condition désespérée. Plus innocemment, les villageois – prisonniers dans un village que la neige rend inaccessible de l’extérieur mais également paralysés de peur à l’idée d’être surpris par le meurtrier – rêvent, cloîtrés et oisifs, d’un monde aux couleurs du paon[4] ». La couleur, négation du blanc assimilé au linceul de neige qui recouvre le village et y fige toute vie, est la possibilité d’introduire dans l’hostilité primitive du monde[5] », un divertissement, c’est-à -dire une possibilité de détourner l’esprit de la pensée tragique de la mort. La couleur se charge d’apporter une consolation à l’absurdité de l’existence. C’est pourquoi le narrateur d’Un roi sans divertissement qui a vite compris que l’interprétation la plus probante des crimes commis échappe aux raisons admises et conventionnelles dans ce genre d’affaire, situe son enquête sur le plan de la Beauté non sur celui de la Vérité. Il rejette par exemple le point de vue – prosaïque – de son ami historien pour faire de l’acte meurtrier une réponse au néant[6]. Si l’assassin tue c’est donc pour apposer son empreinte sur un monde qui le nie. Le meurtre pourrait être compris comme la réponse à ce silence déraisonnable du monde[7] » dont parle Camus dans Le Mythe de Sisyphe. Ainsi donc, dans ce roman qui illustre le tragique de la conscience quand elle prend acte de l’absurde, le but de Giono n’est pas, malgré le titre, de se rallier à Pascal et de trouver le salut dans la pensée de Dieu, mais de montrer que la tentative la plus aboutie, la seule digne d’être retenue pour contrer l’absurde est le geste esthétique. En faisant couler le sang de ses victimes sur la neige, le meurtrier se crée par ce spectacle hypnotique les conditions du bonheur. Que ce bonheur soit temporaire, illusoire, factice, là n’est pas la question et d’ailleurs les victimes potentielles sont légion. Le temps de l’extase, tiré hors de lui-même, diverti, le meurtrier dépasse les limites de la condition humaine et échappe à la finitude. Dans l’espace illimité de la neige sans contours ni repères, il inscrit son désir d’absolu. Il existe alors hyperboliquement. Giono ne se soucie pas de morale. Peu importe que la victime soit innocente. La question n’affleure jamais dans le texte. La réflexion esthétique exclut la réflexion éthique. Le narrateur affirme, entrant dans les raisons du criminel […] je veux dire qu’il est facile d’imaginer, compte tenu des cheveux très noirs, de la peau très blanche, du poivre de Marie Chazottes, d’imaginer que son sang est très beau. Je dis beau. Parlons en peintre[8]. Par ailleurs, le désir de cruauté est inscrit dans tous les hommes. Il ne s’agit pas d’en discuter. Giono le note comme une évidence. L’affirmation que l’auteur des crimes est un homme comme les autres[9] » n’est pas une condamnation de tous les hommes mais le constat qu’ils répondent aux insuffisances de la condition humaine par les moyens qui leur sont donnés, en particulier par cette part de monstruosité naturelle à tout un chacun. Par cette illustration de la banalité du mal », Un roi sans divertissement fait allégeance au contexte qui l’a vu naître. Cependant, n’est pas roi qui veut. Le meurtre conjurateur de l’ennui dans Un roi sans divertissement est le fait de ces âmes d’exception – que Giono appelle les âmes fortes[10] » – qui font fi des normes aussi bien humaines que divines et bousculent les limites qui leur sont imparties. En tuant, est un roi qui se divertit. En acceptant d’être tué par Langlois qui reconnaît en lui un homme au-dessus de la loi puisqu’il ne le livre pas à la justice, il paye le tribut de cette transgression et montre que le défi lancé à la condition humaine vaut bien qu’on en meure. C’est sans doute cela que Langlois comprend dans l’ultime et silencieux face à face avec Devenant son frère, son semblable, contaminé par le vertige existentiel, confronté à l’absurdité d’une existence devenue étriquée et dont le sens en dehors de l’acte de tuer est absent, se sentant incapable de résister plus longtemps à l’attrait du meurtre, ayant essayé en vain des divertissements moins royaux, Langlois se suicide en fumant un bâton de dynamite. Mais quel hommage plus grand à l’art que celui que lui rend Giono en en faisant le divertissement par excellence, celui qui sublime la peine de vivre et de mourir ? Car l’auteur sait bien que la conscience c’est l’ennui[11] » et qu’il est un besoin vital pour l’homme de trouver à s’en détourner. Dans une boutade qui n’en est peut-être pas une Giono affirme Le cinéma j’entends par cinéma toute industrie d’illusion nous permet d’accomplir nos crimes sans fatigue, sans danger, dans un fauteuil. Ajoutons que ce fauteuil aide à l’usage de la métaphysique dans la vie courante […][12]. homme d’avant le cinéma, devait, lui, parcourir de grandes étendues, quittant son village pour le village voisin, traversant la montagne à la lisière des nuages, pour obtenir cette divine satisfaction. Affronter l’absurde ne va pas sans risque ni fatigue. [1] Qui a dit Un roi sans divertissement est un homme plein de misères ? », Œuvres romanesques complètes, III, Paris, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade », p. 606. Dorénavant ORC. [2] Le genre de la chronique » in ORC, p. 1288. [3] Fragment 139 des Pensées dans l’édition Brunschvicg. [4] ORC, p. 459. [5] Albert Camus, Le Mythe de Sisyphe, in Essais, Paris, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade », 1965, p. 108. Edition établie et annotée par Roger Quilliot et Louis Faucon. [6] Evidemment, c’est un historien ; il ne cache rien il interprète. Ce qui est arrivé est plus beau, je crois. » ORC, [7] L’absurde naît de cette confrontation entre l’appel humain et le silence déraisonnable du monde. » Albert Camus, Essais, p. 117-118. [8] ORC, p. 480. [9] Affirmation plusieurs fois réitérée dans le récit. [10] Titre d’une Chronique de Giono mais appellation qui peut s’appliquer aussi bien à qu’à Langlois. [11] Le Désastre de Pavie, in Journal, Poèmes, Essais, Paris, Gallimard, Bibliothèque de La Pléiade », 1995, p. 931. Édition publiée sous la direction de Pierre Citron.
Citationde Blaise Pascal - Un Roi sans divertissement est un homme plein de misères. Accueil; Auteurs ; Thèmes; Citation de Blaise Pascal “Un Roi sans divertissement est un homme plein de misères.” ― Blaise Pascal. Source: Pensées, Blaise Pascal, éd. Gallimard (édition de Michel Le Guern), coll. Folio classique, 1977 (ISBN 2070316254), p.
- Publié le 03 Nov 2003 à 2300 Le livre du bac Au début je n’aimais pas ce livre, je le trouvais ennuyeux, et puis en l’étudiant en classe, puisqu’il est au programme pour les terminales littéraires, j’ai commencé à l’aimer. On comprend et on n’aime ce livre que lorsqu’on lit la dernière phrase, en référence aux Pensées de Pascal et qui donne au livre son titre un roi sans divertissement est un homme plein de misères. Ce livre fait partie des chroniques il raconte une histoire de village sur plusieurs années. Ici elle est traitée à la manière d’un roman policier avec une intrigue des meurtres dans un village sans nom, en plein hiver, et c’est un nommé Langlois qui trouve l’assassin. Cependant, on connaît l’assassin à la page 86 et le livre fait environ 250 pages… Reste plus de 150 pages où l’on connaît la vérité mais où on continue de suivre Langlois. Pourquoi ? Parce que l’assassin est connu mais pas son motif, et c’est celui ci que l’on découvre via Langlois l’ennui. C’est le thème du livre, l’homme qui s’ennuie et cherche à se divertir, et pour cela, Giono utilise une autre opposition, qui pourrait être la quête de l’écrivain la beauté. Sans cesse, il oppose beauté et monstruosité, utilisant un arbre aux cadavres, des cérémonies, du sang vermeil sur la neige. Et il n’a de cesse de jongler sur les narrateurs, sautant d’un personnage à l’autre. Ainsi, on comprend parfaitement comment un homme en arrive à la cruauté et comment Langlois en arrive à [biiip, je dis pas la fin, c’est original comme idée, alors, je ne vous gâche pas tout] car il arrive à celui ci ce qu’il condamnait chez les autres… Map pam !
Unroi sans divertissement. Collection Blanche , Gallimard. Parution : 28-01-1948. Une pensée vieille comme le monde, sur laquelle ont brodé Montaigne, Bossuet et La
Quatrième de couvertureSeulement, ce soir-là , il ne fumait pas un cigare il fumait une cartouche de dynamite. Ce que Delphine et Saucisse regardèrent comme d'habitude, la petite braise, le petit fanal de voiture, c'était le grésillement de la il y eut, au fond du jardin, l'énorme éclaboussement d'or qui éclaira la nuit pendant une seconde. C'était la tête de Langlois qui prenait, enfin, les dimensions de l' a dit Un roi sans divertissement est un homme plein de misères» ?BiographieJean Giono, né en 1895 et mort en 1970 à Manosque, est l'auteur de Le Chant du monde, Le Grand troupeau, Deux cavaliers de l'orage, Les Ames fortes, Le Moulin de Pologne, Le Hussard sur le toit...Lesautres citations de Blaise Pascal. C'est une maladie naturelle à l'homme de croire qu'il possède la vérité. On aime mieux la chasse que la prise. A mesure que l'on a plus d'esprit, on trouve qu'il y a plus d'hommes originaux. Les gens du commun nSeulement, ce soir-là , il ne fumait pas un cigare il fumait une cartouche de dynamite. Ce que Delphine et Saucisse regardèrent comme d'habitude, la petite brise, le petit fanal de voiture, c'était le grésillement de la il y eut, au fond du jardin, l'énorme éclaboussement d'or qui éclaira la nuit pendant une seconde. C'était la tête de Langlois qui prenait, enfin, les dimensions de l' a dit Un roi sans divertissement est un homme plein de misères ?Auteur Giono JeanEditeur GALLIMARDDate de parution 09/10/2002Nombre de pages 244Dimensions x x savoir +Seulement, ce soir-là , il ne fumait pas un cigare il fumait une cartouche de dynamite. Ce que Delphine et Saucisse regardèrent comme d'habitude, la petite brise, le petit fanal de voiture, c'était le grésillement de la il y eut, au fond du jardin, l'énorme éclaboussement d'or qui éclaira la nuit pendant une seconde. C'était la tête de Langlois qui prenait, enfin, les dimensions de l' a dit Un roi sans divertissement est un homme plein de misères ?Auteur Giono JeanEditeur GALLIMARDDate de parution 09/10/2002Nombre de pages 244Dimensions x x / EAN 1983cb9b-f9c4-42b5-bb2c-bf2a46b53748 / 9782070362202 CHRONIQUES.... UN ROI SANS DIVERTISSEMENT, Giono JeanIl n'y a pas encore d'avis pour ce produit. Livraison à domicileEstimée le 07/09/2022 2,99€ Pour les produits vendus par Auchan, votre commande est livrée à domicile par La Poste. Absent le jour de la livraison ? Vous recevez un email et/ou un SMS le jour de l'expédition vous permettant de confirmer la livraison le lendemain, ou de choisir une mise à disposition en bureau de poste ou Point Relais. Cétait la tête de Langlois qui prenait, enfin, les dimensions de l'univers.Qui a dit : «Un roi sans divertissement est un homme plein de misères» ? Jean Giono, né en 1895 et mort en 1970 à Manosque, est l'auteur de : Le Chant du monde, Le Grand troupeau, Deux cavaliers de l'orage, Les Ames fortes, Le Moulin de Pologne, Le Hussard sur le toit Résumé Roman écrit par Jean Giono, publié en 1947. Vers 1845, dans un village isolé du Trièves, non loin du col de la Croix-Haute, des habitants disparaissent sans laisser de traces, l'hiver, par temps de neige. Le capitaine de gendarmerie Langlois arrive au village pour tenter d'élucider le mystère de ces disparitions. Un jour brumeux d'hiver, Frédéric, propriétaire d'une scierie, observe un curieux manège de la fourche d'un hêtre planté en face de la porte de la scierie, il voit descendre un inconnu, qui s'éloigne dans la neige en direction de la montagne. Monté à son tour dans l'arbre, Frédéric découvre, au creux d'une maîtresse branche, déposé sur un monceau d'ossements, le cadavre de Dorothée, une jeune fille qu'il avait aperçue bien vivante vingt minutes avant. Frédéric suit à la trace l'inconnu qui, s'éloignant tranquillement dans la neige sans se retourner, le conduit jusqu'à un autre village, Chichilianne, et jusqu'à sa maison. D'un passant, Frédéric apprend le nom de l'inconnu, " Informé par Frédéric, Langlois décide de se rendre à Chichilianne, accompagné de quelques hommes. Entré dans la maison de il ne tarde pas à en ressortir, accompagné de celui-ci. Suivi de Langlois, s'éloigne du village, rejoint un bois, s'adosse au tronc d'un arbre. Langlois l'abat de deux coups de pistolet. Dans le rappport qu'il rédige à l'intention de ses supérieurs, Langlois décrit cette mise à mort comme un accident et donne sa démission de la gendarmerie. Rendu à la vie civile, Langlois ne tarde pas à reparaître au village, où il a été nommé commandant de louveterie. Installé chez Saucisse, la propriétaire du Café de la Route, une ancienne "lorette" de Grenoble, ainsi surnommée en raison de son embonpoint, il intrigue les villageois par son élégance, la beauté de son cheval, sa façon de tenir les gens à distance sans pour autant les blesser, les visites qu'il reçoit le procureur du roi se déplace pour le voir et le traite en ami, sa conduite parfois énigmatique par exemple, il demande à voir, sans qu'on sache pourquoi, les ornements sacerdotaux conservés dans l'église. Avec la venue de l'hiver, l'occasion d'exercer ses nouvelles fonctions ne tarde pas à se présenter un loup, d'une force et d'une audace exceptionnelles, égorge moutons, chevaux et vaches. Une battue est décidée. Langlois l'organise minutieusement comme une cérémonie, une fête. Les villageois, venus en nombre, sont les rabatteurs. Le procureur royal, Saucisse et Madame Tim, la châtelaine de Saint-Baudille, une nouvelle amie de Langlois, sont de la partie. Les femmes sont dans leurs plus beaux atours, installées sur des traîneaux. La trace du loup conduit tout ce monde au pied d'une haute falaise. Le loup les y attend, au centre d'un espace couvert de neige, un chien égorgé à ses pieds. Et là , dans ce décor semblable à une scène de théâtre, devant le public consitué par les chasseurs et les invités, Langlois s'avance seul pour affronter le loup, et il l'abat, comme il avait fait pour de deux coups de pistolet dans le ventre. Cinq mois plus tard, Langlois demande à Saucisse et à Madame Tim de l'accompagner jusqu'à un village assez éloigné où il veut rendre visite à une femme qui y vit seule avec son petit garçon dans une maison isolée où elle s'est installée après avoir quitté son pays d'origine. Elle gagne sa vie comme brodeuse. Arrivés chez cette femme, pendant que Madame Tim marchande des articles de toilette, Langlois, qui s'est fait oublier dans un fauteuil, contemple l'intérieur de l'appartement, meublé avec un luxe inattendu chez une simple ouvrière, et ses regards s'attachent sur un portrait d'homme, dont on devine simplement la silhouette dans l'ombre de la pièce. Sans que cela soit dit, on devine que cette femme est la veuve de et que le portrait est le sien. Vers la fin de l'été, Madame Tim invite Langlois à une fête dans son château de Saint-Baudille. Langlois semble apprécier le confort et le luxe des lieux, et il se conduit avec l'aisance qui lui est habituelle. Pourtant, il apparaît à Saucisse, qui narre l'épisode, secrètement détaché et lointain tel un loup, égaré dans le monde des hommes, qui prend soin de ne rien oublier de tout ce qu'il faut faire " pour arriver à survivre dans les étendues désertes et glacées ". Rentré au village, Langlois décide de faire construire un " bongalove " et il annonce à Saucisse son intention de se marier. Il la charge de lui trouver quelqu'un. Ce sera Delphine, "des cheveux noirs et de la peau bien tendue sur une armature ", que Saucisse déniche pour lui à Grenoble, où ils sont descendus tous les deux pour régler l'affaire. Langlois s'installe au bongalove avec celle que les villageois appellent tout de suite "Madame la Commandante". Ils y mènent une existence apparemment paisible. Chaque soir, Langlois va au jardin fumer un cigare en contemplant le paysage. L'hiver est revenu. La première neige est tombée. Langlois descend au village, va frapper à la porte d'Anselmie, et lui demande de tuer une de ses oies en lui coupant la tête. Puis tenant l'oie par les pattes, il regarde son sang couler sur la neige. Il s'absorbe longtemps dans cette contemplation. Puis, sans mot dire, il rentre chez lui. Le soir même, Langlois va fumer son cigare au jardin. Mais en fait de cigare, c'est un bâton de dynamite qu'il fume. C'est Pascal que, pour éclairer l'énigme tragique de l'histoire de Langlois comme pour amener son lecteur à une dernière réflexion, Giono convoque à la fin du roman "Qui a dit "Un roi sans divertissement est un homme plein de misères"?". Les meilleurs professeurs de Français disponibles5 85 avis 1er cours offert !4,9 70 avis 1er cours offert !4,9 117 avis 1er cours offert !4,9 18 avis 1er cours offert !5 118 avis 1er cours offert !5 39 avis 1er cours offert !4,9 56 avis 1er cours offert !5 38 avis 1er cours offert !5 85 avis 1er cours offert !4,9 70 avis 1er cours offert !4,9 117 avis 1er cours offert !4,9 18 avis 1er cours offert !5 118 avis 1er cours offert !5 39 avis 1er cours offert !4,9 56 avis 1er cours offert !5 38 avis 1er cours offert !C'est partiLes thèmes Arbre Comme dans l'ensemble de l'Suvre de Giono, l'arbre occupe une place de choix dans la thématique de Un Roi sans divertissement. Le hêtre de la scierie, notamment, joue le rôle d'un véritable personnage. Présenté dès la première page du roman comme un arbre d'une beauté sans égale, il est personnifié et assimilé à un être conscient et surnaturel, un véritable dieu "c'est l'Apollon-citharède des hêtres"..."Il est hors de doute qu'il se connaît et qu'il se juge". Cette assimilation se poursuit quand le narrateur le décrit en 1844, année où il est particulièrement beau l'arbre a "mille bras entrelacés de serpents verts", "cent mille mains de feuillages d'or", "il dansait comme savent danser les êtres surnaturels". Cette année-là , il est habité d'une vie exubérante oiseaux de toutes sortes, papillons et insectes, dansent dans sa ramure et autour de lui une folle sarabande. La source secrète de toute cette vie, ce sont bien sûr les cadavres que a déposés au creux d'une énorme branche creux qui évoque un nid, et qui finissent d'y pourrir tranquillement, nourrissant oiseaux et insectes. L'alliance de la vie et de la mort, source de beauté, est ainsi révélée par cet arbre exceptionnel. La personnification n'est pas réservée au hêtre. Elle s'étend, dans la même page, aux forêts qui, "assises sur les gradins des montagnes, finissaient par le regarder en silence". Mais surtout, dans la page magnifique où Giono décrit la forêt à l'automne, le commencement de cette saison est décrit comme une extraordinaire fête que se donnent les arbres, en revêtant de luxuriantes parures, qui sont des uniformes, des costumes de courtisans, de riches vêtements ecclésiastiques; c'est d'ailleurs l'image d'une cérémonie religieuse qui finalement l'emporte, cérémonie sanglante d'une beauté inquiétante, proposant une véritable initiation à valeur religieuse "tels sont les sujets de méditation proposées par les fresques du monastère des montagnes". On retrouve ici, dans une tonalité sans doute moins rassurante, la vision panthéiste qu'exprimaient, avant 1940, les romans et les essais de Giono. Beauté Voir "Divertissement". Cérémonie et rituel Motifs récurrents, les cérémonies et les rituels qui les accompagnent sont une voie d'accès majeure à la signification du roman. Aucun homme ne peut se passer de cérémonies. Les vieillards narrateurs en témoignent "nous-mêmes nous aimons beaucoup les cérémonies. Et nous avons tout un cérémonial qu'il ne faut pas s'aviser d'ignorer ou de négliger dans les occasions où notre vie le réclame." Et ils comprennent très bien que "pour ces travaux mystérieux qu'on fait dans les régions qui avoisinent les tristesses et la mort" il faille "un cérémonial encore plus exigeant" que celui qu'exige un baptême ou un mariage. Langlois organise la chasse au loup comme une magnifique cérémonie, selon un cérémonial très précisément réglé. Le même goût de la cérémonie se retrouve chez Mme Tim, experte organisatrice de fêtes. A ce titre, la cérémonie embellit et ennoblit le quotidien. De façon plus profonde, plus mystérieuse et plus inquiétante, la cérémonie et le rituel jouent un rôle essentiel dans l'initiation voir cet article de Langlois par Les meurtres successifs perpétrés par peuvent être compris comme la répétition d'un rituel. Si cache ses victimes dans le hêtre, c'est peut-être pour mieux les dissimuler, mais c'est sans doute surtout pour accomplir et renouveler un rituel d'offrande au dieu-arbre. On peut aussi y voir la préfiguration de l'ostensoir, forme ronde contenant une victime. Cruauté Profondément inscrite dans la Nature et dans la nature humaine. On la lit dans le paysage des crêtes du Ferrand "Horizons entièrement fermés de roches acérées, aiguilles de Lus, canines, molaires, incisives, dents de chiens, de lions, de tigres et de poissons carnassiers". On la retrouve dans le spectacle de la forêt à l'automne "Chaque soir, désormais, les murailles du ciel sont peintes avec ces enduits qui facilitent l'acceptation de la cruauté et délivrent les sacrificateurs de tout remords", tandis que s'aligne "la procession des érables ensanglantés comme des bouchers". Elle s'incarne dans la figure du loup qui, autant que pour se nourrir, tue pour le plaisir de tuer et de voir couler le sang. C'est consciemment, sans aucun doute, que imite le comportement du loup dans sa façon d'attaquer et d'emporter ses victimes, franchissant la frontière qui sépare d'habitude l'homme civilisé du fauve, mais affirmant aussi et revendiquant la présence du fauve dans l'homme apparemment civilisé homo homini lupus dirait Plaute. Cruauté à laquelle s'adonnent avec une délectation plus ou moins consciente les hommes ordinaires,individuellement, à l'instar d'Anselmie décapitant son oie, ou en meute, dans l'épisode de la chasse au loup, mais aussi dans la traque simplement suggérée de la biche aux abois qu'est devenue la veuve de mais aussi celle de Frédéric à la poursuite de , victime innocente des meurtres de son mari. Comment progresser en cours de français ? Divertissement Inscrit dans le titre et dans la dernière phrase du roman, le mot "divertissement" renvoie à un thème majeur du roman. On le sait, la phrase sur laquelle se clôt le roman et dont le début a fourni le titre est empruntée par Giono aux Pensées de Pascal " &un roi sans divertissement est un homme plein de misères." fragment 142 de l'édition Brunschvicg. Dans les Pensées, le mot "divertissement" est à prendre dans son sens étymologique "divertir" au sens du verbe latin divertere, c'est "détourner de", "distraire de". Le mal dont nous détourne et nous distrait le divertissement, c'est l'ennui. Pascal écrit "Rien n'est si insupportable à l'homme que d'être dans un plein repos, sans passions, sans affaire, sans divertissement, sans application. Il sent alors son néant, son abandon, son insuffisance, sa dépendance, son impuissance, son vide. Incontinent il sortira du fond de son âme l'ennui, la noirceur, la tristesse, le chagrin, le dépit, le désespoir." édition Brunschvicg, fragment 131. L'ennui nous laisse seuls face à la misère de notre existence terrestre. Fuir l'ennui dans le divertissement, c'est refuser d'affronter la vérité de notre condition - prise de conscience pourtant nécessaire si nous voulons travailler dès cette vie à gagner notre salut. Comme Pascal, comme Baudelaire aussi qui, dans les Fleurs du Mal, décrit l'Ennui comme le plus grand et le père de tous les vices, Giono considère l'ennui comme "la plus grande malédiction de l'Univers" Rencontres avec Marguerite Taos et Jean Amrouche, 1953. En cours de français, le mot "divertissement" apparaît pour la première fois dans le roman dans la bouche de Langlois, à propos de Langlois suggère au curé que le spectacle du cérémonial de la messe de minuit a pu offrir à un divertissement le mot est en italiques dans le texte suffisamment fort pour le détourner de la tentation d'un autre divertissement, celui du meurtre, du moins pour cette nuit-là . Presque d'emblée, Langlois a donc pressenti la nature du besoin qui pousse l'inconnu à tuer. Nul être humain n'échappe au besoin et à la tentation du divertissement, y compris le divertissement de la cruauté, y compris le divertissement du meurtre. Tandis que, pour le curé, le tueur inconnu ne peut être qu'un monstre, Langlois, plus perspicace, répond "Ce n'est peut-être pas un monstre", ce qui revient à dire qu'on peut lui appliquer la définition que Saucisse proposera de Langlois lui-même "c'était un homme comme les autres!". Pour tenir l'ennui à distance, tous les moyens sont bons, mais il est une hiérarchie des divertissements. Les tâches quotidiennes, rythmées par le retour des saisons, fournissent aux villageois un divertissement généralement suffisant "nous avons, nous aussi, pas mal de choses à faire ", disent les vieillards-narrateurs; cela leur vaut d'ailleurs les sarcasmes de Saucisse, qui leur reproche de ne se rendre compte de rien "Vous autres, vous avez rentré le foin, mais maintenant c'est les pommes de terre". leur aura tout de même procuré un divertissement au goût beaucoup plus âpre et sauvage celui de la terreur, "une terreur de troupeau de moutons". Langlois lui-même, tant qu'il reste absorbé par sa traque de n'a guère le temps de s'ennuyer. Ce n'est qu'après la mort de et une fois libéré des obligations du service que la menace de l'ennui se fait pour lui pressante. A un degré plus élevé se place le divertissement de la fête. Presque tous les personnages du roman exceptons la "brodeuse" et peut-être Delphine - en somme , les épouses savourent, à un moment où à un autre, les charmes délicieux de la fête. Le temps de la fête, d'autant plus intensément vécu qu'il est bref, le cérémonial qui l'accompagne toujours, cela rompt la grisaille monotone du défilé des jours. Presque toutes les scènes fortes et décisives du roman sont des scènes de fête messe de minuit, poursuite de par Frédéric II, chasse au loup on se souvient que pour Pascal, la chasse constitue pour les Grands le divertissement le plus fort, fête à Saint-Baudille. La soirée au restaurant de Grenoble peut aussi être considérée comme une fête offerte par Langlois à Saucisse. Un divertissement de choix est procuré par le spectacle et la jouissance de la Beauté. Beauté de la nature d'abord, dont la splendeur est offerte à tous. Le hêtre de la scierie ne résiste pas à la tentation de venir le contempler dans sa gloire estivale, le commencement de l'automne dans la forêt véritable cérémonial de fête dont la Nature elle-même est l'ordonnatrice, la falaise du fond de Chalamont, le spectacle du "vaste monde" qui se déploie pour et pour Frédéric II du sommet de l'Archat, les délectables échappées qu'on découvre des terrasses de Saint-Baudille, sont de puissants divertissements pour l'âme humaine, toujours éprise de beauté. Beauté aussi des créations humaines beauté de la voûte "on n'inventera jamais rien de plus génial que la voûte"; beauté de cet antique cadran d'horloge qui ravit l'âme de Frédéric II; beauté des habits de fête dans l'épisode si théâtral et si musical de la chasse au loup... On s'étonnera peut-être que, parmi les diverses formes du divertissement, celui de l'amour ne joue à peu près aucun rôle. Certes, il y a l'amitié amoureuse de Saucisse pour Langlois. Mais pour celui-ci, pas plus apparemment que pour l'expérience amoureuse ne compte comme divertissement qui vaille peut-être parce que la routine conjugale, auprès d'une "brodeuse", tue le divertissement d'où l'échec patent de l'expérience "Delphine"& Pourtant elle n'est pas une brodeuse loin de là . Dernière forme de divertissement - la plus étrange, la plus puissante et la plus dangereuse -, cet état singulier de "distraction", en forme de fascination hypnotique, qui s'empare de quelques personnages. Bergues, le braconnier, semble s'y être abandonné alors qu'il poursuivait le tueur inconnu "...il se mit à dire des choses bizarres; et, par exemple, que "le sang sur la neige, très propre, rouge et blanc, c'était très beau" ". Et le Narrateur de commenter "Je pense à Perceval hypnotisé, endormi". Cet "endormissement" comme sous hypnose se retrouve plusieurs fois dans le roman c'est celui du loup contemplant sur la neige le sang du chien "il a l'air aussi endormi que nous", commente le narrateur; celui de Langlois s'abîmant dans la contemplation du portrait de puis émergeant de son fauteuil "les yeux gonflés de quelqu'un qui vient de se réveiller"; et, bien sûr celui du même Langlois dans la scène chez Anselmie "Il était toujours au même endroit. Planté. Il regardait à ses pieds le sang de l'oie". Il faut aussi rapprocher de ces scènes celle où reste sous le hêtre, sans souci de l'orage, dans un état d'abandon heureux, "dans une sorte de contentement manifeste". Moments d'intense contemplation, moments d'extase où semblent se révéler au contemplateur - homme ou loup - la vérité du monde, de la vie, et de sa propre existence. Comment trouver des cours de français en ligne ? Evénements historiques Les références aux événements historiques contemporains de l'action sont très rares. Seules interviennent quelques allusions à des épisodes de la conquête de l'Algérie, simple occasion pour Saucisse de faire valoir la détermination et le courage de Langlois en des circonstances périlleuses. La seule allusion au régime politique de la Monarchie de Juillet, sous lequel a lieu l'essentiel de l'action, est la présence d'un buste de Louis-Philippe dans la salle de la mairie de Chichilianne, buste désigné par Langlois à Frédéric II avec une désinvolture qui en dit long sur son dédain que partage sans doute Giono pour les puissants du jour. Plus frappante encore est l'absence de toute allusion à la Révolution de 1848, qui débute en février, peu de temps avant le voyage de Langlois et de Saucisse à Grenoble. Dans cette ville, personne ne semble se soucier ni même être au courant de l'agitation parisienne. Histoire rime à peu près avec transitoire; or, ce que le romancier veut mettre en lumière, c'est la permanence et la répétition à travers le temps d'expériences sur lesquelles l'Histoire n'a pas de prise Voir "Permanence" . Même laconisme pour les Aztèques et Christophe Colomb. Frontières entre les éléments, entre les règnes Elles sont constamment transgressées, effacées, par le jeu des métaphores, des comparaisons, des personnifications, qui jettent des ponts, concluent des alliances, posent des équivalences et des identités entre les éléments terre, eau, air, feu et les règnes minéral, végétal, animal, humain, divin. La présentation du hêtre, dès la première page, inaugure cette circulation incessante sa nature est triple, à la fois végétale, humaine et divine. On retrouve ce mélange des règnes dans la description des montagnes et de la forêt à l'automne, et dans bien d'autres passages. Le personnage de incarne ce rêve d'abolir les frontières entre les règnes il est l'homme-loup, l'homme-animal. Mais c'est aussi un dieu quand il l'aperçoit sous le hêtre, parfaitement tranquille dans le déchaînement de l'orage, Frédéric II voit en lui un homme dénaturé c'est qu'il semble ignorer la peur; donc c'est un dieu& Quand plus tard il le poursuit sur les pentes de l'Archat, Frédéric II connaît l'ivresse de se sentir tour à tour renard, oiseau, esprit, et ce n'est pas sans peine qu'il se dépouillera "d'une peau de renard qui était presque une peau de loup". Langlois connaît la même tentation, mais il y résiste. En tuant puis en tuant le loup, puis en se tuant, il réaffirme la nécessité de frontières qu'un homme ne doit pas franchir, sous peine de se perdre. Ainsi s'explique le choix du suicide, ultime barrière dressée contre la tentation de devenir loup à son tour, mais aussi moyen de rejoindre enfin l'unité perdue "c'était la tête de Langlois qui prenait, enfin, les dimensions de l'univers". Mais ce choix tragique, pas plus que le meurtre de puis du loup, n'est une véritable solution; ce n'est que la sanction d'un échec. La résolution des antagonismes et l'abolition des frontières ne sont permises à l'homme que dans l'expérience poétique. Langlois n'est pas le vrai héros du roman ce héros, c'est le prince des métaphores, le narrateur, figure idéale de l'écrivain. Initiation Un roi sans divertissement peut se lire comme le récit d'une - ou plutôt de plusieurs expériences initiatiques. Le lecteur est convié à participer à ces initiations, donc à s'initier lui-même en apprenant à voir et à comprendre ce qui se cache sous les apparences ou ce qu'elles révèlent. La présence, dans les premières pages du roman, d'évocations à forte connotation religieuse, l'y prépare. Ainsi le hêtre de la scierie est assimilé avec insistance à une divinité il évoque d'abord au narrateur la figure d'Apollon citharède, puis il est décrit plutôt comme une divinité du panthéon hindou Shiva. De même, les connotations religieuses abondent dans la page sur la forêt au début de l'automne nous sommes invités à reconnaître dans "les fresques du monastère des montagnes" les vérités qu'elles proclament, et à les méditer. On doit considérer comme l'initiateur de Langlois à des vérités dont il ne prendra une pleine conscience qu'à la fin du récit. Dans la première partie, le travail d'investigation policière auquel se livre Langlois lui permet de franchir sans qu'il en ait peut-être une claire conscience les premières étapes de son parcours initiatique. Méditant sur les mobiles du tueur inconnu, il prend d'abord conscience que celui-ci n'est "peut-être pas un monstre", c'est-à -dire qu'il est un homme comme lui, et en qui il peut se reconnaître, de qui il peut apprendre quelque chose d'essentiel. Il découvre aussi le mobile profond de l'inconnu - la quête du divertissement -, mobile lié à une soif de beauté, qui trouve à s'apaiser momentanément dans le spectacle de la cérémonie de la messe de minuit. Cela suffit pour que Langlois réserve à une exécution "sommaire" qui peut se comprendre comme un geste de respect il lui évite ainsi les suites infâmantes et dégradantes de l'arrestation, de la prison, du procès, de la condamnation à mort. Il lui permet, en somme de partir "en beauté", en gardant son mystère. Mais à ce stade, Langlois n'a fait qu'effleurer ce mystère et son initiation doit se poursuivre. Là est la vraie raison de son retour à la montagne, sur la double piste du mystère de et de celui de la Nature. Aux témoins de ce retour, il apparaît transfiguré. Tous sont frappés par sa réserve silencieuse, par son austérité monacale "Il était comme ces moines qui sont obligés de faire effort pour s'arracher d'où ils sont et venir où vous êtes". Dès lors, le récit est ponctué par les étapes de l'initiation délibérément poursuivie par le héros. Il s'agit pour lui, dans une quête "pascalienne", de peser la valeur et la puissance des formes du divertissement chasse, fêtes, mariage, meurtre. Cette quête s'effectue dans un climat de cérémonial religieux la chasse au loup, de contemplation méditative et extatique chez la "brodeuse", il s'abîme dans la contemplation silencieuse et prolongée du portrait de véritable "icône" . La scène est d'ailleurs chargée de connotations religieuses dans cette salle d'un ancien couvent, des objets précieux évoquant des ornements sacrés brillent d'un faible éclat dans une obscurité de sanctuaire. Rituel de communion, puisqu'il s'agit pour Langlois, comme il le dit à Saucisse et à Mme Tim, de "se mettre dans la peau" dans la peau de qui, sinon de ? En tout cas, il a été bouleversé par cette visite, comme en témoigne l'inquiétude de ses amis, qui craignent alors de le "perdre". Le comble de l'extase contemplative et le dernier stade de l'initiation sont atteints comme chez le Perceval de Chrétien de Troyes dans l'épisode du sang de l'oie sur la neige. Notons à cette occasion l'importance de la répétition de gestes à valeur rituelle l'exécution du loup répète celle de le face-à -face avec le portrait prolonge l'entrevue dans la maison de Chichilianne, la contemplation du sang de l'oie sacrifiée renouvelle des scènes analogues, elles-mêmes répétées, mais auxquelles Langlois n'a pas assisté. Dans cette scène capitale s'achève le rituel d'initiation, devenu un rituel de possession. La fonction d'initiateur dévolue à apparaît aussi quand il est poursuivi, d'abord par Bergues, puis par Frédéric II. Bergues rentre bredouille mais profondément troublé par la beauté du sang sur la neige, et donc, lui aussi, momentanément "devenu Poursuivi par Frédéric II, ne s'enfuit pas, il s'éloigne tranquillement, laissant à son poursuivant la possibilité de ne jamais le perdre, et sachant peut-être très bien qu'il est suivi. Entraîné dans cette poursuite, Frédéric II accède à une expérience de lui-même et du monde absolument inconnue de lui. Ne pensant "qu'à mettre ses pas dans les pas" de l'inconnu, "il était devenu renard". " Tout gros qu'il était, il était devenu silencieux et aérien, il se déplaçait comme un oiseau ou comme un esprit. Il allait de taillis en taillis sans laisser de traces. Avec son sens primitif du monde, il dira "Sans toucher terre." Entièrement différent du Frédéric II de la dynastie de la scierie; plus du tout sur la terre où il faut scier du bois pour gagner de quoi nourrir Frédéric III; dans un nouveau monde lui aussi; où il fallait avoir des qualités aventurières. Heureux d'une nouvelle manière extraordinaire! ". Ayant ainsi pénétré, à la suite de dans un monde sauvage dont nous portons en nous le souvenir obscurci et la nostalgie, Frédéric, approchant de Chichilianne, restera "souffle coupé, un long moment à attendre que revienne l'accord avec le toit et la fumée". Loup Figure centrale du roman. Dès le début, le narrateur trouve dans la bibliothèque de Sazerat une importante iconographie sur le loup-garou homme devenu ou redevenu loup. Le comportement de évoque celui d'un loup l'hiver le fait sortir de son repaire; il s'attaque à des proies isolées qu'il emporte; il semble mû par une cruauté "gratuite" et par le goût du sang. La disparition de Bergues déclenche au village "une terreur de troupeau de moutons". Après la mort de c'est avec le titre de commandant de louveterie que Langlois reparaît au village. le retour de l'hiver, particulièrement glacial, fait sortir les loups du bois. Langlois en abat quelques uns, mais voici que s'en manifeste un, tout-à -fait exceptionnel. Son comportement fait penser à celui de même habileté diabolique et même "prodigieuse confiance en soi"; même exercice gratuit de la cruauté "Treize brebis étaient éventrées, semblait-il, pour le plaisir de s'agacer les dents dans la laine". D'emblée le vieillard-narrateur le personnifie "c'était certainement un monsieur dont il fallait éviter les brisées au coin d'un bois". Son imagination le transfigure en un être mythique, une sorte de dragon "ça ne devait plus être un loup. Savez-vous comment je me l'imaginais ? ça n'a pas de sens commun. Je me l'imaginais comme une énorme oreille à vif, où toute notre musique tournait en venin, et ce venin elle ne le versait pas dans un loup. Ah! mais non, j'imaginais que cette oreille était comme un entonnoir embouché dans les queues d'un paquet de mille vipères grosses comme le bras, et que c'est dans ces vipères que le venin était bourré comme le sang dans un boudin". Le vieillard-narrateur pressent aussi que le loup, pas plus que avant lui, ne songe à tenter d'échapper à son destin "Est-ce que, par hasard, le Monsieur n'attendrait pas tout simplement la mort que nous lui apportons sur un plateau ?". L'exécution du loup par Langlois est la répétition de celle de "Ainsi donc, tout ça, pour en arriver encore une fois à ces deux coups de pistolet tirés à la diable, après un petit conciliabule muet entre l'expéditeur et l'encaisseur de mort subite !". Mais cette fois, comme Saucisse s'en aperçoit, Langlois regrette d'avoir dû en venir là "Il se rendait bien compte que ça n'était pas une solution". Tuer tuer le loup, c'est peut-être tuer une part de lui-même. Son tour est venu en effet de découvrir la part de loup qu'il porte en lui. Et c'est à nouveau Saucisse qui s'en rend compte. A Saint-Baudille, lors de la fête que Mme Tim a préparée pour lui, dans l'espoir de l'apprivoiser, Saucisse imagine les pensées secrètes de son ami "C'est pourquoi, à pattes pelues, avec les belles ondulations de reins qui rampent et les sauts dans lesquels je me déclenche comme un long oiseau gris, je vous souris, Mme Tim, d'un sourire où sont peints tous les charmes de cette belle journée, depuis les lointaines montagnes de perles sur tapis de blés roses jusqu'à ces faux espaces libres en lin gris que vous avez eu l'intelligence de faire serpenter autour de la chambre où l'on a déposé mon petit bagage de loup". Permanence Le roman met en lumière des traits permanents, aussi bien dans la Nature que dans les affaires humaines. Autour du village, le paysage naturel n'a pas changé. L'automne déploie ses fresques ensanglantées aujourd'hui comme il y a un siècle. Le hêtre de la scierie est toujours debout, aussi beau en 1946 qu'en 1843. La venue de l'hiver efface toujours les contours du paysage sous la neige, faisant renaître les inquiétudes ancestrales "dehors, dans des temps qui ne sont pas modernes mais éternels, rôdent les menaces éternelles" , et les lecteurs du roman auraient intérêt à se rappeler que "la vie ne manque pas d'assassins à foulards, de découpeurs d'hiéroglyphes de sang, d'hivers 1843". Permanence aussi du côté des communautés humaines le village est à peu près inchangé depuis 1843; le Cercle des travailleurs, fondé vers 1845, y fonctionne toujours; la bâtisse de l'auberge se dresse toujours sur le col, ornée d'une réclame pour Texaco, seule concession apparente à la modernité. L'un ou l'autre des descendants des villageois de 1843 possède une maison, une grange, héritée de ses ancêtres. Permanence de la voûte, simple extrapolation architecturale de la caverne préhistorique "on n'a jamais rien inventé, ... on n'inventera jamais rien de plus génial que la voûte". Permanence de l'humain dans l'humain, mise en valeur par la place accordée par Giono aux dynasties villageoises. Frédéric II survit dans son petit-fils Frédéric IV, actuel propriétaire de la scierie, et qui conserve chez lui le portrait de son aïeul, comme Honorius conserve les photos d'Anselmie et de Callas Delphin-Jules dans leur maison dont il a hérité par sa femme. La femme de Raoul, descendante de Marie Chazottes, permet de se faire une idée de l'aspect physique de la première victime de Et Ravanel devait rassembler au Ravanel qui conduit les camions en 1946. Quant à l'histoire tragique des deux protagonistes du roman, et Langlois, elle met en lumière la permanence en l'homme de tentations incontournables et puissantes. C'est sans doute pour ne pas succomber à l'une d'elles et pour en satisfaire une autre que Langlois se suicide. Sang Motif récurrent et associé à des épisodes-clés, le sang attire et fascine. Voir couler le sang constitue sans doute le mobile essentiel de Il entaille "de partout" le cochon de Ravanel, "de plus de cent entailles", "faites avec plaisir". Quand Ravanel frotte la bête avec de la neige pour la nettoyer, "on voyait le suintement du sang réapparaître et dessiner comme les lettres d'un langage barbare, inconnu". Si choisit Callas Delphin-Jules, c'est que "Delphin était construit en chair rouge, en bonne viande bourrée de sang". Le sang rouge qui coule d'une blessure fraîche offre un spectacle d'une rare beauté. C'est la plus belle de toutes les couleurs. Dans la forêt à l'automne, "l'ouest, badigeonné de pourpre, saigne sur des rochers qui sont incontestablement bien plus beaux sanglants que ce qu'ils étaient d'ordinaire rose satiné ou du plus bel azur commun dont les peignaient les soirs d'été". Mais c'est quand vient la neige que, se détachant sur sa blancheur, en un alliage de couleurs pures, le sang est le plus beau. Cette association émouvante apparaît dès le début du récit quand le narrateur évoque l'ombre des fenêtres "le papillonnement de la neige qui tombe l'éclaircit et la rend d'un rose sang frais". Quand Ravanel blesse d'un coup de fusil, Bergues le suit à la trace de son sang sur la neige "C'était du sang en gouttes, très frais, pur, sur la neige". Et Bergues est fasciné par "ces belles traces de sang frais sur la neige vierge". Fasciné au point d'en reparler le soir, dans l'égarement de l'ivresse "le sang, le sang sur la neige, très propre, rouge et blanc, c'était très beau". Le même motif reparaît dans l'épisode de la mort du même Bergues. A l'endroit où il a été tué, Langlois retrouve "une grande plaque de neige agglomérée avec du sang". Plus loin ,lorsque les chasseurs cernent le loup, qui vient d'égorger le chien de Curnier, au pied de la falaise du fond de Chalamont, "la neige est pleine de sang". Sur un mode indirect et mineur, l'association du rouge et du blanc, mais aussi du chaud et du froid, reparaît à propos de Mme Tim, qui, jeune fille, a été pensionnaire d'un couvent situé "près d'un volcan et d'un glacier". Tous ces moments nous préparent à la scène qui vient à la fin du roman, quand Langlois descend chez Anselmie et lui demande de sacrifier pour lui une de ses oies. "Il l'a regardée saigner dans la neige". Puis il reste longuement immobile dans la contemplation de ce sang sur la neige. De tels moment ont valeur d'initiation à une vérité essentielle. Dès le début su récit, quand Bergues "délire" à propos de la beauté du sang sur la neige, le narrateur évoque la scène célèbre du Conte du Graal de Chrétien de Troyes, où Perceval reste en extase devant le spectacle sur la neige du sang d'oies sauvages blessées. Réminiscence de son amour passif, chaste et contemplatif pour Blanchefleur. Chez Giono, la même extase ouvre sur d'autre vérités celle de l'alliance profonde et sacrée de la vie et de la mort - alliance manifestée aussi par le motif du hêtre -, celle aussi de la cruauté fondamentale et nécessaire du monde les enduits sanglants des fresques du "monastère des montagnes" que sont les forêts à l'automne "facilitent l'acceptation de la cruauté et délivrent les sacrificateurs de tout remords". Alors se dévoile "un autre système de références" " ... les couteaux d'obsidienne des prêtres de Quetzacoatl s'enfoncent logiquement dans des cSurs choisis. Nous en sommes avertis par la beauté." Mais ce contraste rouge-blanc se retrouve aussi dans la messe par le vin et l'hostie comme dans les flacons de vin pourpre sur le blanc de la table du banquet à St-Baudille. kVd7.